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tionnez au bien de son service, sans qu'à l'advenir il leur puisse estre rien reproché touchant la surprise.

Et pour tesmoignage, ordonner que doresnavant le premier eschevin s'appellera du nom de mayeur, ainsy qu'ès autres villes et moindres bourgades du royaume, nommément en la province de Picardie, lequel néantmoins sera faict par Sa Majesté, et n'aura autre auctorité que celle attribuée par l'édit au premier eschevin, sinon qu'il portera une tasse semée de fleurs de lys, pour estre distingué des eschevins, ainsy qu'il faisoit antiennement.

Que l'impost du sol pour pot demeurera aboly, en considération des grandes impositions quy sont sur le vin en ceste ville, lesquelles excèdent le prix d'icelluy, et que ledit sol pour pot ayant esté mis au lieu de la pancarte du depuis levée ailleurs, il est bien raisonnable semblablement qu'il soit osté.

Finallement, à cause du manque de fonds quy faict que la ville doibt plus de soixante mil livres d'arrérages de rentes, qu'il plaise à Sa Majesté octroier à ladite ville le droict de travers, avec la somme de deux mil livres par an sur les droictz des lotz et ventes des maisons, pour quinze années, après que les assignacions baillées sur lesdits droictz [seront] acquittés.

A quoy, pour le regard du travers, Sadite Majesté se portera, s'il luy plaist, tant plus facilement, que ledit droict n'est affermé que trois cens livres par an, que journellement les fermiers molestent le peuple par leurs exactions, et que les eschevins entretiennent le pavé des chaussées à raison desquelles le droict se prend.

En ce quy concerne les droictz seigneuriaux, ils ont esté mis autres fois par les habitans sur eux et Sa Majesté, quy n'en a jamais profitté, par ce que estant casuelz, le don s'en obtient par assignations dix ans devant l'eschéance d'iceux.

Arch. de l'hôtel de ville d'Amiens, LIX reg. aux délibérat. de l'échevin. coté т, fol. 193 et 194.

XVII.

LETTRE DE LOUIS XIII AUX AMIÉNOIS AU SUJET DU TRAITÉ CONCLU ENTRE GASTON D'ORLÉANS ET LE ROI D'ESPAGNE.

Gaston, duc d'Orléans, frère de Louis XIII, qui, dès l'année 1631, s'était retiré à l'étranger en haine du cardinal de Richelieu, conclut, en 1634, avec le roi d'Espagne, un traité d'union contre la France, dont l'original tomba entre les mains de Louis XIII. D'après ce traité,

1634.

8

août.

Philippe IV s'engageait à fournir à Gaston quinze mille hommes de troupes, et les hostilités devaient commencer au mois de septembre suivant.

Le 8 août, Louis XIII adressa aux Amiénois une lettre où il leur donne avis de l'existence du traité fait entre son frère et le roi d'Espagne. Il leur recommande, attendu l'approche du mois de septembre, de se mettre, par une surveillance rigoureuse, à l'abri des surprises, leur promettant de les garantir de toute attaque à force ouverte.

DE PAR LE ROY.

Chers et bien amez, ayans appris par ung traicté fait à Bruxelles le x11 may de l'année présente, entre le duc d'Orléans, notre frère unique, et le marquis d'Ayetonne pour le roy d'Espagne (lequel traicté nous est tombé comme par miracle entre les mains), les mauvais desseins ausquelz l'Espagne a engagé notredit frère contre la France, nous avons estimé vous en devoir donner advis d'autant plus soigneusement qu'ayans le propre original de la ratification que le roy d'Espagne a signée du susdit traicté, nous avons tout lieu de croire que ceux qui ont eu assez de mauvaise volonté pour faire un tel projet n'oubliront rien de ce qu'ilz pourront pour le mettre en exécution. C'est ce qui faict qu'estans proche du mois de septambre, auquel, par les conventions dudit traité, la guerre qu'on veult allumer en ce royaume doit estre commencée, nous vous faisons cette lettre pour vous ordonner très-expressément de prendre garde et veiller si soigneusement à votre conservation, que toutes les entreprises qu'on pourra faire pour vous surprendre soyent inutilles, vous asseurans que nous serons en estat de vous garantir, avec l'ayde de Dieu, de tout ce qu'on voudra entreprendre à votre préjudice par la force. Nous augmentons à cette fin le nombre de nos gens de guerre, espérans par ce moyen nous rendre si considérable, que non-seulement les ennemis de l'estat ne pourront rien faire à son désavantage, mais qu'ilz ne l'oseront tenter. Donné à Chantilly le vir jour d'aoust 1634.

Signé: LOUIS.

Et plus bas : PHILIPPEAUX, avec paraphe.

A nos chers et bien amez les officiers, mayeur, eschevins et habitans de nostre ville d'Amiens.

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XVIII.

ACTES RELATIFS AUX DROITS DE L'ÉCHEVINAGE D'AMIENS, EN CE QUI CONCERNE LA GARDE DE LA VILLE.

On a vu quelles restrictions l'édit de 1597 avait apportées aux droits et aux fonctions de l'échevinage, quant au service militaire intérieur de la ville d'Amiens. Néanmoins, les magistrats municipaux avaient continué, sous l'autorité des gouverneurs, à faire faire la garde tant de nuit que de jour par les habitants, à exercer une surveillance active sur les postes de milice bourgeoise, à faire des rondes et des appels, et à imposer des peines et des amendes aux défaillants et délinquants. Cet état de choses avait eu en plusieurs occasions l'approbation du souverain, qui, dans ses lettres, à propos des troubles et des prises d'armes si fréquents alors, recommandait souvent aux Amienois la garde de leur ville. Il était d'usage que chaque jour un des sergents portât le mot d'ordre au premier échevin, qui lui-même le transmettait à l'échevin chargé de faire la ronde '.

Mais à l'époque où nous sommes arrivés, sous le gouvernement du duc de Chaulnes, qui montrait en toute circonstance une hostilité systématique aux prétentions de l'échevinage, des atteintes graves furent portées aux priviléges que les magistrats municipaux avaient conservés dans l'intérêt de la sûreté de la ville. Le 6 octobre 1635, un des échevins, délégué par ses collègues, ayant inspecté le poste de milice bourgeoise de la porte de Noyon, fait l'appel et constaté plusieurs absences, le sieur de Bocourt, sergent-major de la place d'Amiens, se prit d'une grande colère, déclara que les magistrats municipaux n'avaient point le droit de faire des visites de ce genre dans les corps de garde, ordonna aux miliciens, si les échevins se présentaient pour faire une ronde, de les chasser ou de les retenir en prison, et défendit aux sergents de leur donner le mot d'ordre. Quelques jours

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plus tard, le sergent-major déclara qu'il entendait que les échevins vinssent le chercher chez lui. L'échevinage, alarmé de ces prétentions, décida, dans une séance tenue le 11 octobre, qu'une plainte serait adressée à ce sujet au duc de Chaulnes, et qu'on demanderait à être maintenu dans le bénéfice de l'ancien usage.

Des difficultés s'élevèrent bientôt sur un autre point. Les portes de la ville n'étaient fermées qu'après la chute du jour, quelquefois même après plusieurs heures de nuit; les fossés de la place étaient à moitié comblés, la sûreté d'Amiens se trouvait ainsi mise en péril. Pour faire cesser ces dangereuses négligences, les échevins arrêtèrent, le 8 novembre, qu'on s'adresserait de nouveau au duc de Chaulnes, qu'on lui représenterait qu'il était indispensable d'avancer l'heure de la fermeture des portes, de curer les fossés, d'employer à la garde les ecclésiastiques et de les y faire contribuer pécuniairement, ainsi que les femmes veuves qui en avaient le moyen. Le 16, une députation alla présenter au duc les requêtes des membres de l'échevinage. Celui-ci répondit qu'il n'avait point à tenir compte de leurs avis; qu'il savait ce qu'il avait à faire; que les échevins ne devaient se mêler en rien de ce qui concernait la garde de la ville, et qu'à l'égard de la participation des ecclésiastiques et des veuves aux frais de cette garde et des travaux de défense, il était le maître de donner tel ordre qu'il jugerait convenable. Nous ignorons quelle suite fut donnée à cette affaire. Il semble néanmoins, par un acte postérieur, que, quant à la question du mot d'ordre, il fut fait droit aux réclamations de l'échevinage.

En avril 1636, le litige recommença entre le gouverneur et les magistrats municipaux. Les ouvriers sayéteurs et houpiers, ayant fait une émeute (12 mars)', le duc de Chaulnes, qui se trouvait alors à Cor

L'occasion de cette émeute fut l'établissement du droit de sou pour livre sur les marchandises fa-` briquées à Amiens. Il existe deux relations de ce qui se passa alors. (Arch. de l'hôtel de ville d'Amiens, liasse c 8, dossier 3, pièces 6 et 7, invent. Gresset; et liasse G 8, pièce 67, invent. Gresset.) – Déjà en 1628 une sédition des sayéteurs avait eu lieu, à raison des sacrifices que le siége de la Rochelle avait forcé les Amiénois de faire, et de l'augmentation de droits que le roi levait sur la

sayéterie d'Amiens. Il est certain que, pendant la guerre de 1635 et 1636, entre la France et l'Espagne, Amiens donna à la cour de sérieuses inquiétudes. Monsieur, dit le ministre Desnoyers à M. de Chaulnes, le roi ayant eu advis que le peuple d'Amiens, mécontent de l'établissement du sou pour livre, de quelques nouveaux impôts qu'on lui demande, du changement de la garde et de l'affoiblissement de la garnison de la citadelle, sème des bruits séditieux, et que les plus mutins osent crier

bie, vint à Amiens avec un détachement de cavalerie pour rétablir l'ordre, et invita les membres de l'échevinage à payer les dépenses de sa troupe. Les échevins répondirent qu'ils ne pouvaient le satisfaire, attendu que la ville était très-endettée, et qu'on avait saisi récemment ses revenus, jusqu'à concurrence de quatre-vingt mille livres. Le duc, sans avoir égard à ces représentations, somma le receveur de la ville de fourair cette somme destinée à la solde de ses cavaliers, et, sur son refus, il leva sur lui un bâton qu'il tenait à la main, et menaça de le faire jeter dans un cul de basse-fosse.

Le lendemain, le duc manda les magistrats municipaux et les blâma vivement de la conduite qu'ils avaient tenue lors de la dernière émeute, et du refus qu'ils avaient fait de payer les dépenses de sa cavalerie; il les accusa d'avoir été ingrats, et, pour les punir, il leur interdit la connaissance et disposition de la garde de la ville faite par les bourgeois, en leur ordonnant de remettre les registres et les rôles entre les mains de son lieutenant, le sieur de Cornillon, qui prit, avec MM. de Maurepas et de Bocourt, le commandement de la milice bourgeoise, à l'exclusion des échevins . Au mois de juillet suivant, des envoyés de l'échevinage se rendirent à Paris, pour prier le roi de faire cesser cet état de choses. Dans leur requête, dont nous donnons le texte, les magistrats municipaux rappellent les droits qui leur ont été conservés par l'édit de 1597, la manière dont ils en ont usé, et l'approbation qu'en les exerçant ils ont longtemps obtenue de la couronne; ils se plaignent des atteintes arbitraires portées à ces droits par le gouverneur d'Amiens, des vexations auxquelles les citoyens sont en butte

qu'il ne leur importe quel maître ils servent, puisqu'ils sont réduits à la dernière misère, j'ai eu charge de vous dépêcher ce courrier exprès pour vous dire que l'intention de S. M. est de vous envoyer quelque gentilhomme de vos amis qui reconnoisse sous main la vérité de ces bruits, afin de guérir les esprits malades. Voyez d'autres détails sur ces dispositions de la population amiénoise dans l'Histoire d'Amiens de M. Dusevel, t. II, p. 63.

1 Le duc de Chaulnes imputait aux maire et échevins d'avoir connivé avec ceux qui avaient fait une émeute, «<parce que la plupart desdits sieurs eschevins estoient marchans, qu'ilz n'y avoyent point

apporté assez d'ordre et de diligences, n'ayans pas informé contre les séditieux, n'y faisant aucune capture; c'est pourquoy il interdisoit mesdits sieurs de la connoissance du faict des armes, qu'il remestoit aux officiers du roy, voullant que cest affront leur fût faict, qu'il estoit bien aise que cela eschût en leur année d'eschevinage en punition de leur ingratitude, et qu'ilz estoient des ingratz de n'avoir voullu défrayer la cavallerye qui l'avoit accompagné. Délibération du 5 avril 1636. (Arch. de l'hôtel de ville d'Amiens, reg. aux délibér. 1x11", coté T, fol. 64. —Voy. aussi liasse G 8, dossier 1er, pièce 69, invent. Gresset.)

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