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IV.

RÈGLEMENT ÉTABLI PAR L'ASSEMBLÉE ÉCHEVINALE POUR LA GARDE DE LA VILLE D'AMIENS.

Le 21 juillet 1615, au moment où des bruits de guerre civile imminente se répandaient par toute la France, les membres de l'échevinage d'Amiens, d'accord avec M. de Longueval, lieutenant du maréchal d'Ancre, et avec les officiers des compagnies bourgeoises, rendirent sur la garde de la ville une ordonnance dont voici les principales dispositions'.

Chaque jour la cloche de l'échevinage, placée au beffroi, avertira les habitants qui seront de garde de se rendre à leurs postes respectifs, et donnera le signal pour l'ouverture des portes de la ville.

Le capitaine, le lieutenant ou l'enseigne de la compagnie qui sera de garde fera une ronde la nuit, et, le jour, visitera deux fois les corps de garde des trois portes. Il remettra chaque jour au duc de Longueville, gouverneur de Picardie, la liste des personnes de marque entrées dans Amiens. Cette liste, dressée par les chefs de portes, servira à vérifier l'exactitude des rapports faits par les hôteliers.

Les bourgeois devront être tous bien armés, et leurs armes ne pourront être saisies par justice sous quelque prétexte que ce soit, ni vendues par eux.

En cas d'alarme, les habitants portiers se réuniront en diligence à leurs postes accoutumés, et si l'alarme a lieu de nuit, chacun devra éclairer sa maison. Dans ce cas, il est défendu aux forains de sortir

Le 7 novembre 1612, dans une assemblée composée des échevins d'Amiens et de M. de Riberpré, lieutenant du marquis d'Ancre, fut faite une ordonnance, d'après laquelle les Amiénois sont tenus à se rendre en armes dans leurs quartiers en cas d'alarme; cette pièce contient l'indication des lieux où les douze compagnies et les quatre compagnies privilégiées doivent s'assembler. (Arch. de l'hôtel de ville d'Amiens, liasse & 8, dossier 3, pièce 2, invent. de Gresset.) On trouve dans le même dossier, pièce 1, des détails sur la compagnie bour

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par tous

des hôtels où ils logent et de descendre dans les rues, sous peine
de mort; les hôteliers ont ordre de s'opposer à leur sortie
les moyens. Suivent des prescriptions relatives aux précautions à
prendre pour éviter les surprises, soit le matin à l'ouverture des portes,
soit pendant la journée. On empêchera d'entrer avec des arquebuses,
des pistolets ou autres armes les étrangers non munis de passeports,
et, en vertu d'une disposition spéciale, inspirée probablement par le
souvenir de la surprise d'Amiens en 1597, les citoyens chargés de la
garde devront examiner soigneusement si les charretiers qui voudraient
entrer dans la ville ne sont point déguisés, ou s'ils n'ont point des
armes et des munitions cachées dans leurs voitures.

Le vingt-ungiesme jour de juillet mil six cens quinze, en la chambre du conseil de l'hostel commun de la ville d'Amyens, où estoient assemblés messieurs les eschevins, M. de Longueval, lieutenant de monseigneur le maréchal d'Ancre au gouvernement de ceste ville, et les cappitaines et lieutenans des compagnyes des bourgeois de ceste ville, ont esté faictes les ordonnances pour la garde de la ville ainsy qu'il s'ensuit:

Par chacun jour il sera sonné une cloche du beffroy, quy est celle de l'eschevinage, pour advertir les habitans de l'assiette de la garde et ouverture des portes, lesquelles ne seront fermées ny ouvertes que le son de la cloche ne

soit cessé.

Le cappitaine, lieutenant ou enseigne de la compagnye qui sera de garde, seront tenus assister à l'assiette de la garde, laquelle se fera au son de la cloche.

Lesdits cappitaine, lieutenans ou enseigne dont la compagnye sera de garde, seront tenus faire une ronde la nuyt à l'heure quy luy sera ordonnée et faire la revue deux fois le jour des corps de garde des trois portes de la ville.

Et faisant lesdites rondes et revues, il fera note des absens et en rapportera le roolle dans l'hostel de ville pour estre lesdits absens punis.

Les chefz de porte feront mettre par escript les noms des personnes signallées quy entreront dans la ville et en bailleront le roolle au cappitaine, lieutenant ou enseigne, quy le portera aussytost, à monseigneur le duc de Longueville, gouverneur et lieutenant général pour le roy en ceste province de Picardye, pour congnoistre sy les hostelliers font fidel rapport par les brefvetz qu'ilz portent à mondit seigneur.

Il est enjoinct à tous les habitans, sans aucuns en excepter, d'avoir armes

1615.

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juillet.

suffisantes et bastons de deffences pour la garde et seureté de la ville, et ne poeuvent telles armes estre exploictées et prises par exécution, pour quelque cause que ce soit, ny estre vendues par lesdits habitants.

Les chefz de porte seront pardessus les autres mieulx armés et équipés, et auront le soing que leurs compagnons portiers soient bien armés selon leurs facultés, et pour ce faire seront lesdits nommés souvent visités par les chefz de porte.

Il est enjoinct à tous les habitans portiers de eulx informer dilligemment de leurs chefs de porte, aux previlégiez de leurs cappitaines et aux gens du guet de leurs diziniers, des lieux et endroictz où ils sont establis en cas d'allarme ou d'effroy;

Et audit cas d'allarme ou d'effroy, d'eulx trouver dilligemment armés et embastonnés, obéyr à leurs chefs de porte ou diziniers, et lesdits chefz de porte et diziniers aux cappitaines, et lesdits cappitaines recevront le commandement de monseigneur le gouverneur ou de son lieutenant.

L'alarıne ou effroy survenant de nuyt, il est enjoingt aux habitans faire mestre de la lumière à leurs huis et à ceulx quy ont charge de quelques fallo tz de les allumer prestement.

Est deffendu aux forains quy seront pour lors dans la ville de eulx trouver avant les rues et places de ladite ville, ains demeurer en leurs hostelleryes ou ailleurs où ilz seront logez, sur peine de la vye, et est enjoingt à leurs hostes de les advertir de ladite ordonnance et ne leur permestre en sorte quelconque sortir de leurs maisons en cas d'effroy ou allarme.

Seront tenus tous les habitans eulx trouver en personne armés et embastonnés à la garde de la ville, sans pouvoir quiter ladite garde ny s'en départir pour quelque cause ou occasion que ce soit, que ce ne soit par permission du chef, lequel congé ne sera donné que pour cause urgente et nécessaire; deffence de tirer aucun arquebuse ou mousquet lors de l'assiette de la garde.

Par avant faire ouverture de la porte, le chef fera descouvrir de dessus de la porte, pour congnoistre s'il y a assemblée et trouppe de gens aux champs. Avant ouvrir le tapecul, il doibt faire sortir trois ou quatre de ses compagnons par le guichet, pour aller descouvrir ès environs de la porte aux champs et aux maisons prochaines, pour le doubte des embuscades.

Posera de deux heures en deux heures une sentinelle de deux hommes armés et embastonnés à la première barrière du costé des champs et ung autre de deux hommes à la barrière du costé de la ville, pour congnoistre et veoir ceulx qui en sortiront et, sy besoing est, fermer hastivement lesdites barrières.

Tiendront le long dudit jour le tapecul abaissé et ouvriront le guichet, pour par icelluy faire entrer les gens de pied et le lever, quand il sera besoing, pour le charroye et gens de cheval.

Visiteront ceulx quy entreront et sortiront et ne leur permeteront passer avec arquebuze, pistolletz et autres armes prohibées, sans bon passeport ou que ce ne soit quelque seigneur qu'il soit congnu et quy ne doibve par honneur estre

recherché.

Prendront garde songneusement sy les chartiers et autres qui voudront entrer seront poinct desguisés, et sy sur le charroy y aura poinct quelques armes et munitions cachées, et est deffendu à toutes personnes faire entrer et sortir de la ville aucunes armes cellement et en cachette, sans en advertir les portiers, et en avoir bon passeport.

Prendront lesdits portiers leur repas sobrement la moictyé d'entre eulx, pendant que les autres continueront la garde, et par après l'autre moityé quant les premiers seront rentrés en garde, pendant laquelle ilz demeureront tousjours armés et embastonnés.

Et

sy aucuns contreviennent à aucunes desdites ordonnances, ils seront punis de prison et d'amande arbitraire, selon l'exigence des cas.

Arch. de l'hôtel de ville d'Amiens, LIX* reg. aux délibérations coté т, fol. 219 vo et 220.

V.

LETTRE DE LOUIS XHI AUX BOURGEOIS D'AMIENS, A L'OCCASION DE L'ASSASSINAT D'UN SERGENT-MAJOR DE LA VILLE.

Le maréchal d'Ancre était, comme nous l'avons dit, gouverneur d'Amiens. Les gens auxquels il avait confié la garde de la citadelle de cette ville, Italiens pour la plupart, eurent, dans la première moitié de l'année 1615, des démêlés avec le duc de Longueville, gouverneur de Picardie, qui fit de grands efforts pour s'en rendre maître. Les Amiénois, auxquels le maréchal d'Ancre était odieux, favorisèrent ouvertement les prétentions de M. de Longueville, et une violente mésintelligence se mit entre eux et les soldats de la garnison. L'un de ces derniers, à la suite d'une querelle, blessa à la tête un garçon apothicaire, fut arrêté dans l'église de Saint-Firmin en Castillon, où il s'était réfugié, et pendu avec une très-grande précipitation. Pour le venger, un autre soldat, nommé Alphonse, tua, le 21 juillet, le sieur de

1615.

24 juillet.

Prouville, sergent-major dans la ville d'Amiens, auquel on reprochait d'avoir laissé faire l'exécution.

Trois jours après l'assassinat de Prouville, le roi adressa aux Amiénois la lettre suivante, où il les assure que le crime sera puni d'une manière exemplaire, et leur mande de ne prendre aucune mesure extraordinaire, entendant, dit-il, qu'il ne soit rien innové dans la ville d'Amiens.

DE PAR LE ROY.

Chers et bien amez, ayant esté advertis de l'assassinat qui a esté commis en la personne du sieur de Prouville, sergent-major en nostre ville d'Amyens, nous en avons esté marris, pour la perte que nous avons faicte en luy d'un bon serviteur, et avons ordonné que la punition s'en face promptement, aussy sévère et exemplaire qu'un si méchant acte mérite, de sorte que l'effect s'en ensuivra au plus tost; et, cependant, comme nous entendons qu'il ne soit rien innové en nostredite ville et que toutes choses y demeurent en l'estat accoustumé, sans aucun changement, nous le mandons à nostre cousin le duc de Longueville, et vous avons voulu escrire ceste lettre sur ce subject, affin que vous vous y conformiez de vostre part, ainsy que vous le debvez faire et comme nous nous asseurons. N'y faictes donc faulte, car tel est nostre plaisir. Donné à Paris le xx jour de juillet 1615. Signé : Louis, et plus bas : POTIER. Au dos est escrit: A nos chers et bien amez les habitans de nostre ville d'Amyens.

Arch. de l'hôtel de ville d'Amiens, liasse D 12, pièce 24.

VI.

LETTRES PAR LESQUELLES LOUIS XIII DÉFEND AUX AMIÉNOIS DE
RECEVOIR DANS LEUR VILLE LE PRINCE DE CONDÉ OU SES
ADHÉRENTS.

La cour ayant annoncé l'intention d'aller prochainement en Guyenne, pour célébrer le double mariage de Louis XIII avec l'infante, et d'Élisabeth de France avec l'infant d'Espagne, le prince de Condé se retira dans ses domaines, refusa, ainsi que les ducs de Longueville et de Mayenne, le comte de Saint-Paul et le maréchal de Bouillon, d'accompagner le roi dans son voyage, et disposa une levée de boucliers. La cour avertie prit des mesures pour tenir tête aux attaques des princes,

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