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lointaines où les bras manquent, où l'industrie est à peine naissante, où la nature multiplie les obstacles, leur chef trouvarait dans les militaires sortis de ces écoles, des bras qu'il pourrait employer pour renouveler les miracles de son génie, exécuter quelques-uns de ces plans, établir sur de larges rivières des pouts durables, bâtir des villes, donner une face nouvelle à toute une contré, et élever des monumens: qui, indiquant ses traces glorieuses, seraient aussi des bienfaits pour les peuples qui les verraient naître. L'école pratique des mines de Pezay obtient les succès les plus complets. Une autre école pratique, d'après un décret de l'empereur, se forme à Geislautern, (Sarre) pour l'étude d'un des arts les plus importans, parce qu'il sert de fondement à une foule d'autres, parce qu'il s'applique à une substance minérale dont le sol de la France est très-riche, je veux dire le traitement du fer, et de là sortiront de précieuses lumières pour perfectionner nos usines. Une école de dessin et de géométrie descriptive appliquée aux arts mécaniques, a été placée au conservatoire des arts et métiers, à côté de l'école de filature, Des élèves tirés de l'école des arts, sont instruits à Paris, aux frais du gouvernement, dans la fabrication des instrumens de physique devenus aussi parfaits que ceux d'Angleterre, et dans celle des montres marines, justement appelée l'horlogerie transcendante, comme servant aux progrès de la plus noble des sciences, l'astronomie, et du premier des arts, la navigation: les deux plus illustres conquêtes du génie, du courage et de l'industrie humaine.

COMMERCE Extérieur.

Quelques branches du commerce extérieur ont souffert ; cependant, plusieurs relations se sont étendues, consolidées ou rétablies; l'Italie offre au commerce français des débouchés plus considérables; l'Amérique a fait à nos manufactures des commandes inattendues en retour des tabacs et des denrées coloniales qu'elle nous fournit; et le commerce ramené à son véritable esprit, reprend son équilibre. La Suisse cesse de servir d'intermédiaire à un commerce rival. L'Angleterre punie dans la cause même qui a inspiré sa cruelle politique, voit ses marchandises repoussées par l'Europe entière, et ses vaisseaux chargés d'inutiles richesses, errant sur ces vastes mers, où ils affectaient de régner par le monopole, cherchent en vain depuis le détroit du Sund jusqu'à l'Hellespont un port. qui s'ouvre pour les recevoir. Le Levant, cet ancienne apanage du commerce françaiss, ravi par la Russie, lui est rendu par l'indignation. Les mers du Levant rappellent les marchandises françaises; au moment de cette importante révolution, les négocians français s'empresseront sans doute d'établir la réputation de leur loyauté daus ces contrées, où la simple bonne foi préside aux transactions du commerce. Le gouvernement veillera, de son côté, à ce que les consora

mateurs des échelles ne soient point trompés dans leur con fiance. Il s'occupe de rétablir avec les modifications que les circonstances ont rendues nécessaires, des règlemens, dont l'expérience a démontré la sagesse et l'efficacité. La guerre actuelle n'est que la guerre de l'indépendance du commerce; l'Europe le sait, et l'empereur a constamment cherché dans la garantie de cette indépendance la première base de toute négociation, comme il a vu dans sa violation la première cause des hostilités. Chacune de ses conquêtes, en fermant un débouché à l'Angleterre, a été une conquête future pour le commerce de France. Ainsi, cette guerre, qui avait suspendu momentanément toutes ses relations, a été surtout faite pour son intérêt, pour l'intérêt de toute l'Europe opprimée par le monopole de l'Angleterre.

MANUFACTURES.

Quelques ateliers aussi ont dû éprouver, par l'effet inévitable des circonstances, une stagnation momentanée. L'empereur au milien de ses camps, a porté sur eux la sollicitude la plus at tentive: il a pourvu à leurs besoins avec une générosité qui exciterait toute votre reconnaissance, s'il m'était permis d'en relever le secret dans toute son étendue. Le mal qui pouvait être prévenu ou réparé, l'a été, et l'activité des ateliers a été maintenue autant que la circonstance pouvait le permettre.

Heureusement cette gêne n'a point atteint les genres de fa brication les plus essentiels; il en est même qui se sont relevés cette année, et la cause en est dans cette mesure qui ferme le Continent aux marchandises anglaises, secondée par le salutaire décret du 22 Février, 1806, converti en loi dans votre dernière session.

Il y a vingt mois, nos filatures étaient menacées d'une inaction entière. Leurs magasins étaient engorgés, leurs ateliers découragés, des milliers d'ouvriers sans emploi; leur voix fut entendue du chef de l'état, une discussion approfon die eut lieu en sa présence, le décret du 22 Février leur rendit l'espoir; il a fallu quelque tems sans doute pour que son influence se fit sentir. D'immenses approvisionnemens existaient, ils ont dù s'écouler, et cela même prouve combien le remède était nécessaire. Mais enfin le moment est arrivé où l'industrie française secondée par les succès de la guerre, a remplacé les étoffes que nos goûts empruntaient à l'industrie étrangère, et pendant la saison la plus difficile de l'année, un grand nombre d'ateliers se raniment, ont offert le spectacle du travail succé dant à celui de la misère.

Il est nécessaire de le dire, les manufactures ne prospèrent véritablement que chez les nations où une sorte d'esprit public s'est établi en leur faveur. Cet esprit, nos anciennes institu tions l'empêchèrent trop long-tems de maître; le gouvernement actuel n'a rien négligé pour le développer. Une circonstance mémorable a prouvé cette année, que ses efforts n'ont pas été

Aucun spectacle peut-être n'a attiré un aussi nom► breux concours pendant une aussi longue durée de tems, n'a paru exciter un intérêt et une curiosité plus soutenue et plus universelle, que l'exposition des produits de l'industrie qui a eu lieu il y a dix mois. On ne saurait dire ce qui il y a de plus honorable pour la nation, de cet empressement du public, ou du tableau qui l'attirait. Plusieurs milliers de produits divers, provenant des fabriques disséminées sur la surface de ce vaste empire, classées suivant les genres et suivant l'ordre des départemens, étalaient sous les yeux, dans leur immense variété, l'histoire entière de nos arts et la description industrielle de la France. Les arts de luxe s'y montraient dans toute leur pompe; les arts utiles, sous des formes plus modestes, y offraient de précieux sujets d'études aux regards des hommes instruits. Jamais autant d'objets de comparaison ne s'étaient trouvés réunis, jamais des progrès aussi rapides n'avaient été constatés. La fierté nationale jouissait de ces succès, les fabricans présens à ce spectacle s'éclairaient par les rapprochemens et s'enflammaient d'une émulation nouvelle. Les couronnes ont dû être multipliées bien au-delà du nombre promis. Les moindres distinctions sont devenues un grand honneur. Malheureusement, il a manqué aux unes et aux autres ce qui devait en être le prix le plus éminent; il a manqué à ce beau et rare spectacle ce qui devait en faire le principal éclat, la présence du souverain, dont tant de milliers d'hommes avaient ambi❤ tionné dans leurs efforts, un seul regard; mais ce regard qui récompense, qui enflamme, qui anime tout de sa grandeur et de sa puissance.

On savait déjà, et cette exposition en a fourni de nouvelles preuves, on savait déjà que les Français sont inimitables dans tous les arts où l'élégance et le bon goût concourent à la per fection du travail. Mais on a eu occasion de reconnaître qu'à l'égard de plusieurs autres, nous sommes plus riches et plus avancés qu'on ne croyait; ainsi l'exposition a offert une assez grande abondance d'aciers de très-bonne qualité, ou naturels ou de cémentation, et nous pouvons même annoncer avec confiance que la fabrication de l'acier fondu, si long-tems dé sirée par nos arts, est introduite en France, de manière à pou voir en remplir les besoins. La fabrication des fils de fer, des cardes, des limes, des faulx, des tôles, a fait des progrès; celle des aiguilles semble n'en avoir plus à prétendre. On a vu avec satisfaction la fabrication des tuiles naturalisée en France. Chaque jour le flambeau de la science prête aux arts de précieuses lumières, et les conduit à des procédés utiles. La multiplication des manufactures de produits chymiques en est un des plus importans résultats. Les divers genres de mécaniques sont exécutés aujourd'hui avec le plus haut degré de soin et de précision, et le gouvernement, par l'envoi gratuit de divers assortimens, s'efforce d'en généraliser l'usage,

persuadé que des préjugés vulgaires ne repousseront plus l'emploi de ces agens, qui en économisant le bras de l'homme, augmentent sa puissance et multiplient les productions avec les moyens de produire.

La fabrication des draps, la première brauche de l'industrie française, se maintient digne de la réputation qu'elle s'est acquise; deux circonstances se réunissent pour lui faire obtenir successivement le seul avantage qui lui manque encore, une plus grande économie dans les prix; c'est l'adoption des nou veaux systèmes de mécaniques et l'amélioration progressive des laines nationales. Les observateurs ont pu juger à l'exposition de 1806, à quel point ce second genre d'amélioration se trouve déjà porté. Pour la première fois ils ont vu réunis les échantillons de laines venus de tous les points de la France; ils out pu comparer les productions de près de cent troupeaux de race pure ou de métis, et près de là apercevoir aussi du drap fabriqué avec ces laines par nos meilleures manufactures. C'est ainsi que même sous le poids d'une guerre extérieure, aucun des intérêts de l'ordre public, aucune des sources de la richesse nationale, aucun des besoins des arts utiles n'ont échappé à l'attention vigilante du chef de l'état.

BEAUX-ARTS.

Son attention n'a négligé aucun des intérêts de ces arts brillans en même tems qu'ils sont utiles, placés au premier rang parce qu'ils tiennent davantage à la perfection de la so ciété, à la culture des plus nobles facultés, parce qu'ils ont pour objet, non les besoins de la multitude, mais les jouissances de l'homme instruit et délicat; arts qui pour une nation pleine d'esprit et de lumières, sont aussi des arts nécessaires. Par eux sont créés ces beaux monumens, nobles témoins qui attestent à l'histoire la grandeur d'un gouvernement et le génie du prince et de la nation,

EMBELLISSEMENS DE PARIS.

L'empereur a voulu que sa capitale, devenue la première capitale de l'univers, répondit par son aspect à une si glorieuse destination. A l'une des extrémités de Paris un pont est achevé, le pout d'Austerlitz; à l'autre un pont commencé, il sera le pont de Jena, noms célèbres à jamais dans nos annales. Ainsi, la Seine chargée pour ainsi dire des trophées de nos guerriers, attestera aux races futures que dans ce siècle de merveilles, la main qui gagnait une victoire et renversait un tróne, élevait en même tems un monument d'utilité publique, et que l'auteur de tant d'exploits ne les faisait servir qu'à la prospérité du peuple dont il immortalisait la gloire. Les quais, etc. se prolongent successivement sur les deux rives de ce fleuve; des fontaines nouvelles ont été construites; les anciennes reçu plus d'eau: toutes coulent nuit et jour dans tous

TOME III.

M

les quartiers de la ville, montrant aux dernières classes du peuple le souvenir que son empereur a de ses moindres besoins: c'est une faible partie d'un grand plan conçu pour la salubrité et l'agrément de la capitale dans laquelle le canal de l'Ourcq bientôt achevé, versera un torrent d'eau salubre, propre à tous les besoins, qui inondera toutes les rues, emportant les immondices de cette ville immense, après l'avoir embellie par sa présence et alimentéé par ses transports. Des communications nouvelles sont percées de toutes parts; le Louvre avance avec rapidité, marquant à la suite les uns des autres, les siècles de François I, de Henri IV, de Louis XIV, ranimés à la voix de Napoléon. L'Odéon est rendu à un art dont il fut long-tems en Europe la plus belle école, la colonne de la grande armée s'élève au milieu de la place Vendôme, le monument Desaix au milieu de celte de la Victoire; la statue d'Hautpoult ornera la place des Vosges; deux arcs de triompée sont érigés ou fondés, l'un près de ce palais habité par le génie de la Victoire, l'autre à la plus belle avenue de la plus belle ville du monde; it annonce de loin à l'étranger que cette ville est le centre de la patrie des héros; it rappelera à la postérité l'époque des · plus mémorables faits d'arines qu'offrent nos annales et les annales d'aucun empire. Le palais dans lequel vous résidez s'orne, d'après vos vœux, d'un péristile dont la majesté annoncera la sanctuaire des lois, et répondra à la beauté de l'édifice, et à la magnificence du coup-d'œil qu'il va compléter. Vis-à-vis le temple de la Victoire, nos neveux vivant heureux à l'ombre de ces lois, sauront que ces brillantes victoires ne furent gagnées que pour en assurer l'empire, que pour en éterniser les bienfaits; ils sauront aussi que les bonnes lois et l'exactitnde de leur observation préparent les victoires, et non moins qu'elles assurent la durée des empires. Au milieu est le palais du souverain; ainsi le trone est entre la justice et la gloire.

C'est le 2 Décembre, auniversaire de cette bataille d'Austerlitz, qui était elle-même l'anniversaire de son couronnement, que l'empereur, par un décret rendu au sein de la Pologne, a donné à un édifice à peine commencé, abandonné après trente ans de travaux, cette noble destination. Ainsi le vainqueur récompense ceux qui ont vaincu sous l'ui, il associe à son immortalité les héros qu'il a formés. Son nom plus durable que le monument qui en sera décoré, perpétuera leurs noms et la gloire qu'ils ont acquise en combattant sous ses ordres. Une suite de trophées décorera l'enceinte du monument; le marbre, l'or et l'argent conserveront dans un livre éternel ces fastes de l'héroïsme. Là sera célébrée la mémoire de ceux qui se dévouèrent pour la patrie et pour ses saintes lois: là seront décernées les récompenses méritées par la valeur; là notre belliqueuse jeunesse sera instruite dans le senti ment de l'honneur par de si illustres exemples. Ce sera le

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