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français et leurs bombes sur le fort Desaix sur lequel les autres batteries ne tirent que le 19 au soir: ce qui accélère de beaucoup la fâcheuse situation de ce fort.

C'est une faute capitale et saus excuse au sous-directeur d'artillerie Sancé, de n'avoir pas exécuté l'ordre du capitainegénéral; c'est aussi une faute de n'avoir pas fait surveiller cette importante opération. Mais le parti d'évacuer le fort de France si promptement, sans être menacé de l'ennemi qui n'arrive que cinq jours après, est d'autant plus surprenant, que l'opinion d'un officier du génie très-instruit, rapportée dans un mémoire sur la défense de la Martinique, qui a été apostillé et approuvé par le capitaine-général Villaret, est: qu'il faut que l'ennemi prenne le fort Desaix avant de s'emparer de celui de France; et en effet, les localités des deux forteresses bien examinées, rendent cette opinion très-soutenable; les approches du fort de France, qui occupe en entier une langue de terre alongée dans la mer, sont très-difficiles, et l'ennemi qui s'y loge, est écrasé par le fort Desaix qui le domine de 450 pieds; aussi les batteries du fort Desaix fontelles beaucoup d'effet en tirant contre les Anglais au fort de France.

Ou aurait pu parer, comme on l'a déjà dit, à la défection des gardes nationales, en les mêlant aux troupes de ligne, et les renfermant ensemble dans les trois points à défendre, les deux forts et le Morne des Olives.

L'Ilet-aux-Ramiers, point essentiel de défense de la rade du fort de France, se rend le 4; il y avait 130 hommes, et ils n'ont eu que 4 tués et 12 blessés; ce n'est pas là se défendre, Mais la résistance était inutile, dès que le 2 on avait abandonné le fort qui défend la rade de l'autre côté.

Jusqu'au 8 février, on tire les bouches-à-feu sur les Anglais qu'on aperçoit; mais ces feux étaient de nul effet; les Anglais étaient à 900 toises; on ne voyait pas ce qu'ils faisaient, parce qu'on n'avait pas découvert les terreins en vironnans, ce qu'on aurait dû faire, au moins dans les lieux, où, en 1794, ils avaient établi des batteries. Le but étant éloigné, ou tirait sous un grand angle; ce qui détruisait les afûts et les platte-formes.

Il faut savoir arrêter un feu qui ne nuit point à l'ennemi, qui altère votre artillerie, et qui n'est qu'an vain bruit.

On n'ose faire des reconnaissances ni des sorties sur les Anglais, parce qu'on est séparé d'eux par des ravins impraticables; parce qu'ils sont plus forts sur tous les points que les troupes qu'on pourrait envoyer contre eux!

Ces opinions peuvent être contredites et discutées; mais peu importe.

Du 8 au 19, ou continue ces inutiles feux sur des buts éloignés.

On tire avec plus de succès sur les batteries établies par l'ennemi au fort de France, et on les fait taire plusiers fois.

On fait dans le fort, des ouvrages utiles, comme traverses, blindages, mais en démolissant ceux faits dans les fossés pour abriter la garnison, parce qu'on manquait de bois propres à cet objet. On garnit de sacs à terre les reins de la voûte du grand magasin à poudre, n'ayant pas de bois pour blinder ceux qu'on a, sont employés à blinder sa porte: celles des dix casemattes, de la grand traverse, etc.

C'est une grande faute de ne s'être pas procuré des bois pour blinder le grand magasin à, poudre, puisque l'ile en pouvait fournir. M. Dupuget avait dit, qu'on croyait ce magasin à l'abri de la bombe, sans l'assurer formellement; depuis sept ans, on eût pu le vérifier. Dans le doute, et pressé par le peu d'espace des bâtimens nécessaires, c'est une grande faute encore de n'avoir pas fait évacuer ce magasin dans les galeries de contre-mines et les poternes, pour se donner les moyens d'abriter les soldats entassés dans les casemattes et les affuts - abandonnés en plein air aux chutes des bombes qui les out tous brisés. Cet expédient était dicté par la pénurie des bois de blindage, par le genre d'attaque que l'ennemi préparait, genre d'attaque que sa lenteur annonçait, que des espions ou des reconnaissances auraient fait découvir; enfin par l'évacuation qui faite dans le siége de 1794, devait être sûr de beaucoup de monde.

Le 19 au soir, les Anglais démasquèrent sept batteries. Le capitaine-général dit qu'elles étaient armées de 54 bouches-àfeu. Le directeur de génie qui les indique dans sa relation par leur nom, leur emplacement, n'en compte que 39, dont 18 mortiers, 5 obusiers et 16 canons, les hombes de l'ennemi tirent jusqu'au 24, ébranlent ou endommagent toutes les casemattes, détruisent les plattes-formes, les affûts, les blindages, font sauter les magasins provisionnels des batteries da fort; 10 bombes déjà, le 23, étaient tombées sur la voûte du grand magasin à poudre. Suivant le directeur du génie, cette voûte était enfoncée et lezardée en trois endroits; elle avait cédé sur une étendue de 3 à 4 pieds et sur une largeur de plusieurs rangs de briques. Ce dernier affaissement est le seul que mentionne le capitaine-général; il lui donne la longueur de 4 briques sur 5 d'épaisseur et 15 ligues de protuberance intérieure. Cet accident fait naître la terreur de voir sauter le magasin à poudre sous les premières bombes qui pourront y tomber.

Cette terreur, qui a été le motif de pressantes sollicitations des officiers supérieurs de la garnison auprès du capitainegénéral pour capituler, n'eût pas eu lieu si on eût évacué ce magasin du 2 au 8, comme on l'a dit; car il y avait au plus 300 milliers de poudre en 3,000 barils de 100 livres, et la garnison était de quinze cents hommes; done on avait les moyens. Mais n'ayant pas fait cette disposition, et n'ayant pas pris avant le siége la mesure prescrite de tout tems de

blinder le magasin, il fallait reserver les bois qu'on avait, pour le blinder dans les endroits endommagés, toute de suite après la chute d'une bombe: il paraît qu'on n'eût eu a blinder qu'en dix endroits. Cette précaution eût calmé les craintes de l'explosion, puisque les sacs à terre employés avaient été insuffisans. Le blindage des portes des casemattes pouvait être suppléé par d'autres moyens: on les couvre par une traverse faite à deux toises environ; on défonce à sept à huit pieds l'intervalle entre la porte et la traverse, et on purge bien le terrein de pierres, où on laisse vide l'espace et on communique par des planches. La methode de défoncer les terreins intérieurs, quand on le peut, des lieux bombardés, affaiblait beaucoup l'effet des bombes; on eût pu la pratiquer peut-être au fort Desaix.

Le capitaine-général voyant la garnison tourmentée de la crainte de l'explosion du magasin, estimant qu'il avait perdu un tiers des troupes de ligne de l'île, dont 700 aux combats du ler Février et 200 dans le courant du siége, a cru devoir étouffer la voix de son courage, et céder aux instances réitérées des chefs et officiers supérieurs dont il connaissait les talens, le zèle, la bravoure et l'attachement à S. M., afin de conserver, par une capitulation, des soldats valeureux qui pouvaient être utiles encore à leur patrie. Sans doute, ces troupes dans l'enceinte des fortifications encore intactes auraient pu essuyer, jusqu'au renversement de ses remparts, les feux de l'assiégeant; mais un secours nombreux était incertain; les craintes de l'explosion du magasin n'étant pas calmées, leur petit nombre ne permettant pas de s'aller mesurer en rase campagne avec un ennemi trop supérieur, l'avis unamime des officiers étant de se rendre, le préfet colonial s'étant joint à eux, on crut devoir capituler.

Le capitaine-général dans ses lettres et mémoires envoyés au conseil d'enquête, allègue les motifs suivans qui, ayant rendu très-fâcheuses les circonstances où il se trouvait, peuvent justifier sa conduite; suivant lui,

1°. L'attaque par le bombardement (genre inouï, dit-il), mais les Anglais firent de même en 1794, et bombardèrent le fort avec 31 mortiers du 13 au 20 Mars. (ils avaient en outre 35 canons.)

2o. La défection des gardes nationales......On a dit dans ce rapport qu'en les combinant avec les troupes de ligue et les renfermant dans les forts, on eùt pu peut-être en tirer parti. 3. La crainte de l'explosion du magasin à poudre....On a dit qu'on pouvait la prévenir, ou au moins la calmer.

4°. La proclamation du général Beckwith, de déporter les hommes de couleur........ L'enuemi est maître de ses proclamatious.

5. Une lettre du 6 Mai 1808, écrite par le préfet colonial au ministre de la marine, et qui, tombée entre les mains des

Anglais, avait provoqué l'invasion de l'ile......Cette lettre a paru au conseil, sage, mésurée, exposant en général les besoins de la colonie, telle qu'elle devait être, et telle que le capitaine. général en a écrit lui-même durant sept ans. Cette lettro d'ailleurs fut confiée à un bâtiment léger, excellent voilier.

En résumant les causes et les circonstances de la reddition de la Martinique, le conseil d'enquête trouve que les principales

sont:

De ne s'être pas mis en mesure d'arriver sur l'ennemi avant son débarquement;

D'avoir divisé ses troupes en trois corps, lorsqu'il n'y avait que denx débarquemens effectués; d'en avoir composé og tout en gardes nationales; d'avoir renvoyé le plus fort détache ment tout en troupes de ligne sur le troisième débarquement présumé, au lieu de marcher contre une des deux divisious debarquées, avec le plus de troupes possibles, et ne faisant qu'éclairer l'autre division ennemie;

De n'avoir pas combiné ensemble les gardes nationales et les troupes de ligne, et renfermé les premières dans les forts;

D'avoir évacué le fort de France sans attendre l'ennemi, ayant même en troupes de ligne de quoi y laisser une gar

Bison;

De n'avoir pas fait surveiller les opérations du sous-directeur d'artillerie, chargé de retirer ou de détruire les munitions de guerre du fort de France, où les Anglais ont trouvé canons, mortiers, projectiles, etc.

D'avoir occupé un camp mal choisi, puisqu'on l'a abandonné le même jour qu'on a repoussé une attaque de l'ennemi, au heu d'occuper le poste central et inexpugnable du Morne-des

Olives:

D'avoir entassé trop de troupes dans le fort Desaix, qui n'a des casemates que pour 300 lommes; ce qui indique une garnison d'environ 1000 hommes;

De n'avoir pas blindé le magasin à poudre du fort Desaix au lieu des portes des casemates;

De n'avoir pas évacué ce magasin dans les galeries de concontremines, dans la poterne, pour avoir un local qui mit à couvert la garnison et les affûts laissés en plein air, que les bombes ont détruits ;

De n'avoir pas enfin blindé, avec les débris restant des blindages des casemates, les endroits de la voûte du magasin à poudre, endommagés par les bombes, pour rassurer la garnisou qui craignait l'explosion de ce magasin.

Malgré cette exposition des causes de la reddition du fort Desaix, le conseil n'a vu qu'avec la plus grande surprise, qu'on n'ait pas attendu, pour se rendre, que l'ennemi assiégeât la place, puisque le bombardement n'avait pas entamé les for

tifications, et d'avoir cédé à la crainte de voir sauter le maga sin à poudre.

Le conseil croit devoir dire encore à S. M. que ces causes et circonstances de la reddition de la Martinique qu'il vient d'exposer, sont déduites des relations du siége, du mémoire et lettres de M. le capaitaine-général et des réponses aux observa-" tions faites par le conseil au chef de l'état-major, au directeur du génie, au colonel du 82me, et que si on les considérait d'après une lettre confidentielle écrite de la rade de Quiberon, par un agent supérieur de la colonie, ces causes et circonstances paraîtraient sous un jour plus défavorable.

Paris, 29 Nov. 1809.

(Signé)

Le Maréchal comte SERRURIER,“
Le come DEJEAN,

Le comte D. L'ESPINASSE.

Le G. GASSENDI.

Renvoyé au ministre de la marine, pour faire exécuter les lois de l'empire contre les prévenus."

"Au Palais de Thuileries, le 6 Décembre 1809." NAPOLÉON.

(Signé)

Paris, le 7 Décembre.

Conseil d'enquête sur la reddition de Flessingue. Cejourd'hui, 28 Septembre 1809, à midi, les soussignés, membres du conseil d'enquête, nommés par S. M. l'empereur et roi, et convoqués par S. Exe. le comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, en exécution de la lettre close, adressée à son excellence, par S. M., et conçue ainsi qu'il suit ;

"M. le comte d'Hunebourg, notre ministre de la guerre ; "des rapports qui sont sous nos yeux contiennent les asser"tions suivantes : le gouverneur commandant la place de "Flessingue n'avait pas exécuté l'ordre que nous lui avions " donné de couper les digues et d'inonder l'île de Walcheren, "aussitôt qu'une force supérieure ennemie y aurait débarqué; "il aurait rendu la place que nous lui avions confiée, l'enne→ "mi n'ayant pas exécuté le passage du fossé, le revêtement "du rempart étant sans brèche praticable et intact, dès-lors, sans avoir soutenu d'assaut, et même, lorque les tranches "des ennemis n'étaient qu'à 150 toises de la place, et lors66 qu'il avait encore 4000 hommes sous les armes; enfin la "place se serait rendue par l'effet d'un premier bombardement. "Si telle était la vérité, ce gouverneur serait coupable, et il « resterait à savoir si c'est à la trahison ou à la lâcheté que nous devrions attribuer sa conduite. Nous vous écrivons la "présente lettre close, pour qu'aussitôt après l'avoir reçue, YY YY

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TOME III,

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