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le ministre de S. M. et la légation de la cour de Vienne. L'a vant dernière de ces pièces, qui exprime, de la part de la cour de Vienne, le vif désir de voir l'Europe jouir du calme et de la paix, et la dernière qui est une véritable déclaration de guerre, présentent un contraste qui doit frapper tous les esprits: il convient en même tems d'observer que la suite des huit premières pièces laisse apercevoir une lacune de sept mois, depuis le 3 Août 1808 jusqu'au 10 Mars 1809, pendant laquelle il sem blerait que les commuuications entre les deux cabinets auraient été ralenties; mais il est facile de rendre raison de cette interruption de correspondance, devenue moins nécessaire par l'arrivée de S. M. à Paris au commencement du mois d'Août, et par le retour du ministre qui pût reprendre dès-lors le cours de ses communications verbales et de ses conférences avec les ministres accrédités auprès de S. M. Dans cet intervalle, des événemens d'un grand intérêt se passèrent en Allemagne, et les rapports politiques entre les deux cours se présentèrent successivement sous différens aspects. Ces variations se trouvent consignées et constatées dans quelques documens d'une nature et d'une importance supérieure, et dont S. M. a également autorisé la communination au sénat. Il a paru néanmoins nécessaire d'en faire précéder la lecture par celle du précis d'une déclaration verbale, et pour ainsi dire, publique de S. M. à l'ambassadeur de la cour de Vienne, à une de ses audiences diplomatiques précis qu'elle a ordonné à son ministre de faire connaître par une circulaire à ses ambassadeurs près les cours étrangères.

Cette communication sera enfin complettée et terminée par la lecture d'un rapport qui fut présenté à S. M. le 2 de Mars, et qui rend suffisamment compte des constans et inutiles efforts qui ont été faits depuis six mois pour ramener l'Autriche aux dispositions de confiance et aux mesures, pacifiques, dont, par le seul sentiment de ses véritables intérêts elle n'aurait ja, inais dû s'écarter.

No. X.

Dépêche adressée au général Andreossy le 16 Août, 1808, par M. le comte de Champagny.

M. l'ambassadeur,

S. M. l'empereur est de retour de son voyage dans le midi de la France; elle est arrivée à Saint-Cloud le 14 au soir, et le 15, jour de sa fête, elle a reçu avec toute la solennité ordinaire de ce jour, les princes, les ministres et grands-officiers de l'empire; le sénat, le conseil d'état, tous les corps des fonctionnaires publics, et enfin le corps diplomatique. Cette audience donnée au corps diplomatique a été remarquable par un très-long entretien de S. M. avec l'ambassadeur d'Autriche

dont je voudrais pouvoir vous faire connaître au moins la sub

stance.

L'Autriche veut donc nous faire la guerre, a dit l'empereur, ou elle veut nous faire peur. M. de Metternich a protesté des intentions pacifiques de son gouvernement. Si cela est ainsi pourquoi ces immenses préparatifs?-Ils sont purement défensifs, a répondu M. de Metternich.-Mais, qui vous attaque pour songer ainsi à vous défendre? Qui vous ménace pour vous faire penser que vous serez bientôt attaqués? Tout n'estil paisible autour de vous? Depuis la paix de Presbourg y a-t-il eu entre vous et moi le plus léger différend? Ais-je élevé quelque prétention alarmante pour vous? Toutes vos relations n'ont-elles pas été extrêmement amicales ? Et cependant vous avez jeté tout-à-coup un cri d'alarme; vous avez mis en mouvement toute votre population; vos princes ont parcouru vos provinces; vos proclamations ont appelé le peuple à la défeuse de la patrie. Vos proclamations, vos mesures sont celles que vous avez employées lorsque j'étais à Léoben. Si ce n'avait été qu'une organisation nouvelle, vous l'auriez exécutée avec plus de lenteur, sans bruit, sans dépense, sans exciter au-dedans une si prodigieuse fermentation, au-dehors une si vive alarme mais vos mesures ne sont pas purement défensives: vous ajoutez à chacun de vos régimens une force de 1300 hommes: votre milice vous donnera 400,000 hommes disponibles, ces hommes sont enrégimentés et exercés, une partie est habillée; vos places sont approvisionnées: enfin, ce qui est pour moi l'indice sûr d'une guerre qu'on prépare, vous avez fait acheter des chevaux; vouz avez maintenant 14,000 chevaux d'artillerie; au sein de la paix on ne fait pas cette énorme dépense. Elle s'est accrue de tout ce qui vous a coûté votre organisation militaire. Les hommes que vous exercez, vous leur donnez une indemnité pécuniaire; vous en habillez une partie; vous avez fourni des armes; rien de tout cela n'a pu être fait sans de très-grands fais; et cependant vous-même vous convenez du mauvais état de vos finances : votre change déjà si bas, a encore baissé; les opérations de votre commerce en ont souffert; serait-ce donc sans but que vous auriez bravé ces inconvéniens?

Ne dites pas que vous avez été obligés de pourvoir à votre sûreté. Convenez que toutes nos relations ont été amicales. Vous savez que je ne prétends rien de vous, et que même je regarde la conservation de votre puissance dans son état actuel comme utile au systême de l'Europe et aux intérêts de la France. J'ai fait camper mes troupes pour les tenir en haleine; elles ne campent point en France, parce que cela est trop cher; elles campent en pays étranger, ou cela est moins dispendieux. Mes camps ont eté disséminés aucun ne vous ménaçait. Je n'aurais pas campé si j'avais des vues contre vous; dans l'excès de ma sécurité j'ai démantelé les places de

Ja Silésie. Certes, je n'aurais pas en de camps, si j'avai prévu qu'ils pussent vous alarmer; un seul mot de vous aurait suffi pour les faire dissoudre. Je suis prêt à les renvoyer, si

cela est nécessaire à votre sécurité.

M. de Metternich ayant fait observé qu'on n'avait fait en Autriche ancun mouvement de troupes, l'empereur a repris. Vous vous trompez. Vous avez retiré vos troupes des lieux où elles pouvaient être avec moins de frais; vous les avez concentrées sur Cracovie; vous êtes en état de menacer au besoin la Silésie. Votre armée est toute réunie et elle a pris une position militaire. Cependant que prétendez-vous ? Voulez vous me faire peur? Vous n'y réussirez pas. Croyezvous la circonstance favorable pour vous? Vous vous trompez. Ma politique est à découvert, parce qu'elle est loyale et que j'ai le sentiment de mes forces. Je vais tirer cent mille homde mes troupes d'Allemagne, pour les envoyer en Espagne et je serai encore en mesure envers vous. Vous armez, j'armerai je leverai s'il le faut 200,000 hommes. Vous n'aurez pour vous aucune puissance du Continent; l'empereur de Russie, j'oserais presque vous le déclarer en son nom, vous engagera à rester tranquilles. Déjà il est peu satisfait de vos relatious avec les Serviens; et comme moi aussi, il peut se croire menacé de vos préparatifs: il sait que vous avez des vues sur la Turqnie. Vous m'en prêtez, aussi, je vous déclare que cela est faux, et que je ne veux rien de la Turquie, ni rien de l'Autriche.

mes

Cependant votre empereur ne veut pas la guerre, je le crois, je compte sur la parole qu'il m'a donnée lors de notre entrevue. Il ne peut avoir de ressentiment contre moi. J'ai occupé sa capitale, la plus grande partie de ses provinces; presque tout lui a été rendu. Je n'ai même conservé Venise que pour laisser moins de sujets de discorde, moins de prétextes à la guerre, Croyez-vous que le vainqueur des armes françaises qui aurait été maître do Paris, en eût agi avec cette modération? Non, votre empereur ne veut point la guerre; votre ministère ne le veut pas; les hommes distingués de votre monarchie ne la veulent point, et cependant le mouvement que vous avez imprimé est tel que la guerre aura lieu malgré vous et malgré moi. Vous avez laissé croire que je vous de mandais des provinces, et votre peuple, par l'effet d'un mouvement national et généreux, que je suis loin de blâmer, s'est indigné; il s'est porté à des excès: il a courru aux armes. Vous avez fait une proclamation pour défendre de parler de guerre; mais votre proclamation était vague: on a pensé qu'elle était commandé par la politique, et comme vos mesures étaient en opposition avec votre proclamation, on a cru à vos mesures et non à votre proclamation. De là l'insulte faite à mon consul & Trieste par un rassemblement de votre nouvelle milice; de là l'assassinat de trois de mes couriers se renTOME III. Нн HH

dant en Dalmatie. Encore des insultes semblebles et la guerre est inévitable; car on peut nous tuer mais non nous insulter impunément. C'est ainsi que les instigateurs des troubles de toute l'Europe poussent sans cesse à la guerre; c'est ainsi qu'ils ont amené la guerre par l'insulte faite au géné:al Bernadotte. Des intrigues particulières vou- entralnent là où vous ne voulez point aller. Les Anglais et leurs partisans dictent toutes ces fauses mesures. Déjà ils s'applaudissent de l'espérance de voir de nouveau l'Europe en feu; leurs actions ont gagné cinquante pour cent par le mouvement que vous venez de donner à l'Europe. Ce sont eux que j'en accuse: ce sont eux qui font qu'un Français ne peut pénétrer aux eaux de Bohéme saus y étre insulté. Comment tolér-z-vous votre licence? Vous donne-t-on en France de pareils examples? Vos consuis, vos voyageurs ne sont-ils pas accueillis et respectés? La plus légère iusulte qui leur serait faite serait punie d'une manière éclatante. Je vous le répète, vous êtes entraînés, et, malgré vous; la fermentation de votre peuple imprudemment excitée, et les intrigues des partisans des Anglais et de quelques membres de l'ordre équestre qui ont porté chez vous l'amertume de leurs regrets, vous meneront à la guere. L'empereur de Russie peut-être l'empèchera, et vous déclarera d'une manière ferme qu'il ne la veut pas, et qu'il sera contre vous. Mais si ce n'est qu'à son intervention que l'Europe doit la continuation de la paix, ni l'Europe ni moi vous en aurons l'obligation, et ne pourront vous regarder comme mes amis, je serai entièrement dispensé de vous appeler à concour avec moi aux arrangemens que peut exiger l'état de l'Europe.

En attendant, qu'arrivera-t-il? Vous avez levé 400,000 hommes; je vais en lever 200,000. La confédération qui avait renvoyé ses troupes, va les réunir et faire des levées. L'Allemagne, qui commençait à respirer après tant de guerres ruineuses, va voir de nouveau rouvrir toutes ses blesseurs. Je rétablirai les places de la Silésie au lieu d'évacuer cette province et les états prussiens comme je me le proposais. L'Europe sera sur pied, les armées seront en présence, et le plus léger incident amenera le commencement des hostilités.

Vous dites que vous avez une armée de 400,000 hommes, ce qui est plus considérable que dans aucun tems de votre monarchie. Vous voulez la doubler; à suivre votre example bientôt il faudra armer jusqu'aux femmes. Dans un tel état de choses, lorsque tous les ressorts seront aussi tendus, la guerre deviendra désirable pour amener un dénouement. C'est ainsi que le monde physique, l'état de souffrance où est la nature à l'approche d'un orage, fait désirer que l'orage crève pour détendre les fibres crispées, et rendre au ciel et à la terre une douce sérenité; un mal vif mais court vaut mieux qu'une souffrance prolongée.

Cependant toutes les espérances de paix maritime s'éva nouissent: les mesures fortes prises pour l'obtenir, demeurent sans effet. Les Anglais sourient à la pensée de la discorde rallumée de nouveau sur le Continent, et se reposent sur elle de la défense de leurs intérêts.

Voilà les maux que vous avez produits, et, je crois sans en avoir l'intention. Mais si vos dispositions sont aussi pacifiques que vous le dites, il faut vous prononcer; il faut contremander des mesures qui out excité une si dangereuse fermentation: il faut, à ce mouvement involontairement excité, opposer un mouvement contraire, et lorsque depuis Pétersbourg jusqu'à Naples il n'a été question que de la guerre que l'Autriche allait faire, que tous vos négocians l'annoncent comme certaine, il faut, dis-je, que toute l'Europe soit convaincue que vous voulez la paix: il faut que toutes les bouches proclament vos dispositions pacifiques justifiées par vos actes comme par vos discours. De mon côté je vous donnerai toute la sécurité que vous pourrez désirer.

Voilà, Monsieur, autant qu'il m'est possible de le tracer, un léger extrait de ce que S. M. a dit à M. de Metternich. L'empereur paraissait ému, comme on doit l'être quand on traite des sujets graves, Il n'a eu que la chaleur que cette émotion devait produire; il n'a parlé qu'avec beaucoup d'égards de l'Empereur d'Autriche et de son gouvernement, et a dit des choses personnellement agréables à M. de Metternich. Cet ambassadeur qui, du reste, a toujours protesté des intentions pacifiques de sa cour, ne s'est point trouvé placé un seul moment dans une position embarrassante; et je l'ai vu, le soir, se féliciter d'être dans une cour où de telles communications pouvaient êtres faites directement, et, de cette manière, par le souverain à un ministre étranger. M. de Tolstoi partageait cette opinion. L'empereur a paru aux yeux de ceux qui ont pu l'entendre, noble, loyal, franc, observateur de toutes les convenances, y mettant une entière délicatesse, éloquent autant que sensible, et de cette sensibilité qu'excitent les grands intérêts de l'humanité; on a pu juger qu'également préparé à la guerre comme à la paix, il désirait l'une sans craindre l'autre, et on a généralement pensé qu'à un langage si franc et si noble, on ne pouvait répondre qu'en déclarant qu'on voulait la guerre, ou en prouvant par des faits plus que par des discours qu'on désirait la paix.

Vous pouvez faire, monsieur, de cette dépêche le sujet de vos entretiens avec M. de Stadion, Le gouvernement autrichien ne pourra douter du désir sincère de l'empereur de conserver la paix. Mais l'empereur vent de la sécurité dans la paix. Si cette paix est également chère à l'Autriche, elle ne négligera donc aucun moyen de rassurer pleinement l'empereur sur ces dispositions, et c'est surtout en donnant une autre direction à l'esprit public qu'on y parviendra. Mais На ни2

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