Page images
PDF
EPUB

tira que toute levée en masse est destructive d'un gouverne ment qui a un papier-monnaie.

On dira que des vaisseaux américains, chargés de denrées coloniales, sont arrivés dans les ports autrichiens, escortés par des frégates anglaises. Cela est vrai; mais, dans toutes les circonstances, les contrebandiers ont trouvé moyen d'éluder la surveillance des autorités, et la cour de Vienne a pris des mesures pour la répression de cette fraude, et pour l'exécution des dispositions qu'elle a ordonnées pour interrompre tout commerce avec l'Angleterre.

D'autres journaux nous parlent des expéditions que les Anglais ont envoyées en Suede, des 20 mille hommes qu'ils devaient y débarquer en Avril; nous sommes à la fin de la saison, et ils ne pensent pas à les débarquer. Le fait est que Je général Moore a 8000 hommes, dont 4000 Anglais et 4000 Allemands, qui sont depuis un mois devant Malmoë. Pendant ce tems-là, les frontières de la Suède sont entamées par l'armée danoise de Norwège, et les troupes suédoises sont battues partout. La Finlande leur est enlevée par les Russes qui n'ont pas cessé un instant, quoi qu'on dise, d'avoir des succès brillans. Certes, ce n'est pas 8000 hommes que les Anglais devaient envoyer pour soutenir leur allié; c'est 50,000 hommes s'il les avaient eus; mais enfin ces 8000 hommes, il fallait les envoyer en Norwège; il fallait les joindre à l'expédition suédoise qui venait de tenter un débarquement à Abo, et qui a été entièrement défaite par les Russes, ou enfin au nord de la Finlande. Il est sans exemple qu'une armée alliée ait été deux mois sur une côte sans débarquer, et attende l'issue d'une campagne. Ces choses n'arrivent et ne peuvent arriver qu'aux Anglais.

Dans son numéro du 20 Juillet, le journal de l'empire dit que la pacha de Widdin est venu aux mains avec le grandvisir: que 3 ou 4000 hommes sont restés sur le champ de bataille; que le grand-visir a été battu.

Peut-on raconter de pareilles pauvretés! C'est en vain que le journaliste dira qu'il a tiré cette nouvelle de la gazette de Bayreuth; gazette décréditée, écrite depuis plusieurs années sous la dictée des agens de l'Angleterre, et rédigée par des hommes sans talens, sans esprit et sans moralité. La grand-visir n'est pas sorti d'Andrinople. Le pacha de Widdin n'a donc pas été dans le cas de se battre avec lui, et il n'y a entr'eux aucune mésintelligence. Au reste, la gazette de Bayreuth a été supprimée, c'est une trompette de moins de mensonges et d'alarmes qui ne retentira plus sur le Continent, Nous désirons que ce salutaire exemple puisse servir aux rédacteur. Le commerce, le citoyen paisible le spéculateur honnête ont droit de démander justice contre ce concours d'intrigans qui voudraient obscurcir la vérité et semer partout l'alarme.

6 Septembre, 1808.

Relation des événemens d'Espagne.

Les hommes éclairés, partisans des idées libérales, et désireux de voir leur pays régi par une constitution qui garantisse les droits de la nation, sont très-nombreux en Espagne.

Ce royaume renferme aussi beaucoup de personnes qui ont accompagné de leurs vœux les différentes scènes de la révolution en France. Le tiers du territoire est possédé par le clergé séculier: les moines, presque tous sans aucune instruction, et fanatiques au plus haut degré, exercent une puissante influence sur les classes inférieures du peuple, qui vivent dans une ignorance plus entière en Espagne que par tout ailleurs et qui, sous une telle direction n'ont fait de progrès depuis plus d'un siècle que dans le goût des pratiques susperstitieuses et de l'oisiveté.

Les événemens successifs de l'Escurial et d'Aranjuez qui frappèrent d'une atteinte profonde le respect dù au trône; la convocation d'une junte à Bayonne, pour discuter les bases d'une constitution; les événemens extraordinaires et imprévus du 2 Mai à Madrid; toutes ces circonstances mirent en jeu les passions, et portèrent au plus haut point d'exaltation les craintes et les espérances.

La faction anglaise ne pouvait manquer de chercher à mettre à profit cette situation des choses. Elle fut toujours trèsactive et très-puissante daus les ports. Son influence se fit même sentir, dans tous les tems, à Madrid. Elle avait acquis plus de force par les sacrifices que ces circonstances exigeaient du commerce espagnol. Toutes les intrigues tendirent donc à faire naître la pensée d'abandonner l'alliance de la France pour se mettre en relation avec l'Angleterre et ce vœu secret eut une part assez considérable dans les événemens d'Aranjuez et dans ceux qui suivirent.

La majeure partie des propriétaires et des hommes éclairés qui constituent, soit la noblesse, soit le haut clergé, était animée d'un bon esprit et des meilleurs sentimens. Mais le parti de l'inquisition et celui des moines agités par les agens nombreux que l'Augleterre entretenait en Espague, protitèrent de l'ignorance et de l'aveuglement du peuple, l'abusèrent par des fausses rumeurs, mirent les armes à la main des prolétaires, et la sédition éclata à la tin de Mai, dans le moment où tous les arrangemens relatifs à l'Espagne étaient consommés, et où la junte se réunissait à Bayonne et commencait ses opérations.

Des miracles furent solennellement proclawés à Saragosse, à Valladolid, à Valence, etc. Ces jongleries, que ne seraient propres qu'à déshonorer la religion, et qui seraient impuisantes sur les autres peuples du Continent, out en sur les habitans de l'Espagne les plus grands effets. Sur les côtes un

parti nombreux, connu par sa haine pour la France, et que l'on excitait à faire cause commune avec l'Angleterre pour obtenir la liberté de son commerce encouragea les passions du peuple et feignit de partager ses erreurs superstitieuses. Les plus funestes désordres résultèrent de ces disposition: ils éclatèrent presqu'en même tems dans les provinces méridionales, dans les provinces de Navarre, d'Arragon, en Estramadure, dans les Castilles, et dans les provinces de Léon, des Asturies et de Galice.

Ils commencèrent le 27 Mai dans les provinces méridionnales. Don Miquel de Saavedra, conseiller d'état, était capitaine-général du royaume de Valence. 1 voulut s'opposer aux desseins des insurgés. Sa vie était menacée, il se réfugia à Requéna. Les insurgés informés du lieu de sa retraite s'y portèrent en foule, se saisirent de sa personne, le ramenèrent Valence et le massacrèrent près de l'hôtel du comte de Cerbellon qui paraissait jouir de leur confiance, et dont les efforts furent inutiles pour le sauver. La tête de don Miquel de Saavedra fut mise au bout d'une pique, promenée dans toutes les rues, et ensuite placée au haut d'une pyramide, sur la place de Santo-Domingo. Le marquis d'Arneva était destiné au même sort mais il parvint à échapper aux insurgés.

Dans les premiers moinens de l'insurrection de Valence les insurgés avaient exigé que tous les Français domiciliés dans le royaume fussent conduits à la citadelle, et leurs biens confisqués. Quelques jours après ils trainèrent en prison l'équipage d'un bâtiment français, qui poursuivi par une frégate anglaise, s'était réfugié sur la côte espagnole. Le 17 Juin, les membres de la junte qui, sous peine de la vie, avaient été forcés de prendre part à ce comité, dénoncèrent par un acte solennel et vouèrent à l'exécration générale l'instigateur de ces atrocités. Celui que la junte désigna pour tel fut un nommé Balthazar Calbo, ministre des autels et membre du chapitre de San Isidro de Madrid.

A Cuença, la corregidor et l'intendant furent chargés de parchaînes, et emmenés par le paysans attroupés, qui avant de tir, pillèrent les maisons et maltraitèrent les familles de ces deux respectables magstrats.

A Carthagène, le peuple mit à mort le gouverneur, qui avait long-tems joui de la considération générale.

A Grenade, le 30 Mai, le général Truxillo gouverneur de de Malaga, arriva dans cette ville. I fat assassiné par le peuple, son corps fut traîné dans le rues, coupé en morceaux et ensuite brûlé.

A Algésiras, le 2 Juin, le cousul de France fut jeté en prison. Le peuple mutiné demanda sa tête, et la fermeté des de bien s'opposa à ce nouveau crime.

gens

A Saint-Lucar de Barameda, le 4 Jain, le gouverneur de la

ville, général distingué par son rang et son mérite, fut massacré par le peuple.

A Jaen, les paysans forcèrent des habitans d'abandonner leurs maisons et leurs propriétés, massacrèrent le corregidor et pillèrent la ville.

Séville, ayant levé l'étendard de la révolte, forma une junte d'insurrection, et une partie des soldats du camp de Saint Roch et de Cadix, attirés part la forte pais que prommettaient les insurgés, déserta et se réunit à eux. Pour premier essai de leur puissance ils massacrèrent le comte d'Aquila, l'un des hommes les plus considérés de Séville; uu capitaine de ⚫ contrebandiers fut nommé chef, et les insurgés, composés de moines, de déserteurs, de contrebandiers, marchèrent en armes pour défendre l'entrée de Cordoue,

A Cadix, le 27 et le 28 Mai, le peuple se souleva contre le lieutenant-général Solano, marquis del Soccoro, qui était capitaine-général de la province et gouverneur de la ville, homme jusqu'alors généralement adoré. Les insurgés en levèrent des armes dans les casernes, et un canon sur le rem part, attaquèrent l'hôtel du gouverneur parvinrent à se saisir de sa personne et le massacrèrent de la manière la plus atroce. A la Caroline le corrégidor, voulant s'opposer aux désordres fut décapité par le peuple.

Des événemens moins affreux se passaient dans les provinces de Navarre, d'Arragon, et de Catalogne.

A Saragosse, les paysans fusillèrent le colonel espagnol du régiment du roi,dragons; et trente-trois autres officiers de leur parti contre lesquels ils se révoltèrent, furent saisis par eux, et mis à mort avec les circonstances les plus cruelles.

La même haine pour toute espèce d'autorité et pour tous les hommes revêtus du pouvoir et de la considération publique produisit des effets non moins atroces en Estremadure et dans les Castilles.

A Badajoz, le 30 Mai au matin la sédition se manifesta et fut en un instant à son comble. L'hôtel du gouverneur, comte de la Torre del Frenio, fut assailli. Les insurgés demandèrent qu'on les enrolât et qu'on leur donnât des armes. Le gouverneur parut sur son balcon pour les exhorter à rentrer dans l'ordre. L'évêque était à côté de lui. Les furieux ne voulnrent rien entendre. Ils forcèreut la garde du palais montèrent à l'appartement du gouverneur, l'en arrachèrent et le trainèrent jusqu'à la porte des Palmnes, où ils le massacrèrent à coup de bâton, et à coup de couteau; ils portèrent son corps nu et sanglant sous les yeux de sa femme, et mirent le palais au pillage.

A Valladolid, le 5 Juin, le général don Miquel Ceballos, commandant du génie à Ségovie, fut conduit en vertu d'un ordre du général Cuesta dans les cachots de Carbonero. Les insurgés l'enlèverent de sa prison, le mirent en pièces sur le

Campo-Grand, en présence même de sa femme et de ses enfans, portèrent sa tête au bout d'une pique, et se partagerent ses membres, qui furent traînés en triomphe dans toutes les rues.

A Talavera, le 5 Juin, le corregidor voulut réprimer les mutins; ils demandèrent sa tête, et ce fut au courage de quelques hommes de bien qu'il dut le bonheur de se sauver et d'échapper à la mort.

Les provinces de Léon et des Asturies étaient dans le même tems en proie à des scènes aussi sanglantes.

A la Corogne, le 29 Mai, le général Filangieri voulut employer la persuasion pour ramener les paysans atroupés. Il allait être tué d'un coup de fusil, lorsqu'un officier d'artillerie se plaça au devant de lui, et lui sauva la vie. Le lendemain 30, les insurgés s'emparèrent du palais du gouverneur, qui s'était réfugié au couvent de Sant Domingo, et le palais fut saccagé,

Au Ferrol, le 22 Juin, la maison du lieutenant-général de marine Obrejon fut pillée. Cet officier trouvé dans les fabriques d'Isquiendo fut jeté dans les cachots de Saint-Antoine.

Dans le royaume de Léon, à la date du 22 Juin, les paysans s'étaient portés en foule dans plusieurs villes; bourgs et villages, et avaient fait tomber les têtes des principaux citoyens On annonçait que le gouverneur de la Corogne, le corregidor de Léon et le comte de Castro Fuerte, colonel des milices de Valto, remis entre les mains du général Cuesta, allaient être livrés au boureau.

De tous côtés, les hommes qui, par leurs dignités leur rang, leurs vertus, leur fortune, étaient en possession de la considération publique, payaient de leur tête leur résistance. courageuse à l'oppression et leur dévouement à la patrie. Des comités d'insurrection s'emparaient des caisses, s'organisaient et faisaient peser sur les hommes de bien la plus cruelle

terreur.

Les ministres, les membres de la junte de Madrid et de lå commission du gouvernement, employaient tous les moyens de conciliation; mais leurs efforts étaient inutiles, et ne pouvaient ramener à l'obéissance des hommes ignorans et fanatisés, que la superstition et la ruse égaraient, et qui se livraient avec fureur à l'amour du pouvoir et à l'attrait da pillage.

. Cette effervescence était le résultat inévitable de l'état d'incertitude, de suffrance et de malaise dans lequel un mauvais gouvernement avait jeté la nation espagnole. Elle avait été preparée, excitée par les intrigues et la corruption de l'Angleterre, et par le désordre des idées publiques, qui était né luimême de la faiblesse de ceux qui gouvernaient, de la diver gence des opinions politiques et des partis qui s'étaient formés

« PreviousContinue »