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et le Prince de la Paix voulaient partir et que le prince des Asturies et son frère voulaient rester.

On ne tarda pas à apprendre que les troupes qui étaient cantonnées à Madrid avaient ordre d'en partir. L'inquiétude était dans toutes les têtes, lorsqu'une proclamation du roi, qui fut publiée le 16, y porta un peu de calme.

Le 17, on sut que les gardes espagnoles venaient de partir pour Aranjuez, et que les deux régimens suisses restaient seuls ici. Ces régimens depuis long-tems ne sont pas popu laires dans notre ville. Tout le monde, à cette nouvelle, se porta sur les avenues d'Aranjuez. Espagnols, disait-on aux soldats, abandonnerez-vous notre patrie? Protégerez-vous la fuite d'un prince qui sacrifie ses sujets, et va porter le trouble dans nos colonies? Aurions-nous aussi peu d'esprit public que les habitans de Lisbonne ?

Plusieurs ministres, qui n'étaient point de l'avis du départ, firent courir des circulaires dans les villages environnans pour prévenir de ce qui se passait, et de l'éminent danger où se trouvait la patrie. Le 18, le paysans se rendirent en foule & Aranjuez. Des relais étaient déjà placés sur la route de Séville, les troupes encombraient la ville, les bagages de la cour s'emballaient dans tous les appartemens. La nuit du 17 au 18, fut une nuit de tumulte. La maison du Prince de la Paix était gardée par ses gardes qui avaient un mot d'ordre particulier; celle du château en avait un autre.

A quatre heures du matin, le peuple se porte en foule au palais du Prince de la Paix, et est repoussé par ses gardes, Les gardes-du-corps prennent fait et cause pour le peuple, et fondent sur les gardes du prince. Les portes sont enfoncées, les meubles brisés, les appartemens dévastés. La princesse de la paix accourt sur l'escalier; elle est conduite au palais du roi avec tous les égards dus à sa naissance et à son rang. Le Prince de la Paix disparaît. Don Diego Godoi, son fère, commandant des gardes-du-corps est arrêté par ses propres garde.

Le roi et la reine restèrent debout toute la nuit du 17 au 18.

L'ambassadeur de France arriva de Madrid à cinq heures du matin, et se rendit aussitôt auprès de leurs majestés.

Le 18, une proclamation du roi, accordant au Prince de la Paix la démission de ses charges, et déclarant qu'il se charge lui-même du commandement de ses armées, est publiée à Aranjuez et à Madrid.

A la reception de ces nouvelles le peuple de Madrid se porte en foule à la maison du Prince de la Paix et à celles de plusieurs ministres. Dans toutes, les meubles sont brisés, les vitres cassées. Personne ne s'oppose au désordre; le capitainegénéral avait perdu la tête. Les régimens suisses restèrent cantonnés dans leurs casernes.

Aranjuez le 21 Mars.

Depuis le 16 jusqu'au 21, Madrid et Aranjuez ont été le théâtre de différentes émeutes dans lesquelles les maisons du Prince de la Paix, du ministre des finances Soler, du directeur de la consolidation espuicosa, d'autres ministres et de plusieurs parens du Prince de la Paix, ont été pillées et les meubles brûlés sur les places publiques. Le Prince de la Paix a été arrêté dans un grenier de sa maison où il se tenait caché depuis trente-six heures.

Le 16, le roi fit paraître la proclamation ci-jointe, No. 1.

Le 17, le roi fit connaître, par une autre proclamation, qu'il donnait au Prince de la Paix la démission de ses places, et qu'il se chargeait lui-même du commandement de son armée. Le tumulte allant toujours croissant, le roi crut devoir, le 19 au soir, faire publier le décret ci-joint, No. 2.

Le 20, les publications ci-jointes ont eu lieu, Nos. 3 et 4. Le quartier-général du grand-duc de Berg était à Aranda; le 19, à Samosierra; le 20, à Brûtrago; le 21, à Alkevanda. Il avait avec lui les corps du maréchal Moncey et du général Dupont. Son arrivée paraissait généralement désirée. La masse du peuple de Madrid a été calme et tranquille, et, comme il arrive dans des cas pareils, les désordres n'ont été commis que par un petit nombre d'individus.

No. 1.

Proclamation du Roi.

Mes aimés sujets, votre noble agitation dans ces circonstances est un nouveau témoignage qui m'assure des sentimens de votre cœur. Moi qui vous aime comme un père, je m'empresse de vous consoler dans l'état d'angoisse qui vous opprime. Respirez tranquilles. Sachez que l'armée de mon cher allié l'empereur des Français traverse mes états avec des sentimens de paix et d'amitié; elle a pour but de se porter sur les points menacés d'un débarquement de l'ennemi. La réunion du corps de ma garde n'a pour objet ni de défendre ma personne, ni de m'accompagner dans un voyage que la malignité vous a fait supposer nécessaire. Entouré de l'inébranlable loyauté de mes aimés sujets qui m'en ont donne des preuves si irréfragables, que puis-je craindre? Et si la nécessite urgente venait à l'exiger, pourrai-je douter des forces que vos cœurs généreux m'offriraient? Non: cette nécessité, mes peuples ne la verront pas. Espagnols, tranquillisez vos esprits. Couduisezvous comme vous l'avez fait jusqu'à présent avec les troupes de l'allié de votre roi, et vous verrez dans peu de jours la paix de vos cœurs rétablie, et je jouirai de celle que le ciele m'accorde au sein de ma famille, et de votre amour.

Pongé à Aranjuez, le 16 Mars 1808.

No II.

DECRET ROYAL.

Commes mes infirmités habituelles ne me permettent pas de supporter plus long-tems le poids important du gouvernement de mon royaume, et ayant besoin, pour rétablir ma santé, de jouir dans un climat plus tempéré de la vie privée, j'ai décidé, après la plus mûre délibération, d'abdiquer ma couronne en faveur de mon héritier, mon très aimé fils le Prince des Asturies.

En conséquence, ma volonté royale est qu'il soit reconnu et obéi comme roi et seigneur naturel de tous mes royaumes et souverainetés, et pour que ce décret royal de ma libre et spontanée abdication soit exactement et duement accompli, vous le communiquerez au conseil et à tous autres à qui appar tiendra.

Donné à Aranjuez, le 19 Mars 1808.

A don Pedro Cevallos.

IO EL REY.

No. III.

EDIT.

Don Arias-Antonio Mor et Velarde, doyen, gouverneur par interim du conseil,

Le roi, notre maître, Ferdinand VII. me communique par divers ordres que je viens de recevoir, que S. M. a pris la résolution de confisquer immédiatement tous les biens, effets, actions et droits de don Emmanuel Godoy, partout où ils peuvent se trouver; qu'à cet effet, S. M. a pris toutes les mesures convenables, lesdits biens lui appartenant directement ; qu'elle a pris aussi la résolution de venir sous peu dans cette ville pour s'y faire proclamer; mais qu'auparavant elle veut que le peuple de Madrid, si dévoué et si attaché à sa personne royale, lui donne des preuves de calme et de tranquillité, lui assurant qu'elle a donné des ordres contre don Emmanuel Godoy, ses biens et revenus; lesquels ne lui appartiennent plus; qu'elle pense très-sérieusement à réparer les torts faits à ses sujets aimés qui ont souffert pour sa cause; enfin qu'elle veillera constamment à prendre toutes les mesures capables d'assurer leur bonheur. S. M. me prévient également, qu'elle a nommé colonel de ses gardes espagnoles M. le duc de l'Infantado, en lui conférant en même temps la présidence de Castille. Le roi,nom maître, veut que les personnes qui ont été confinées à la suite de le cause poursuivie à Saint-Laurent, reviennent à côté de S. M., afin que ceci soit connu de tons, et que ce peuple loyal de Madrid sache combien le roi, notre maître,

travaille à sa félicité et à son bien-être, elle m'a ordonné de vous le communiquer, ce que je fais par le présent.

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Madrid, ce 20 Mars 1808.

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Le conseil au Public de Madrid,

Rien ne doit altérer la tranquillité publique dans le moment heureux de l'élévation au trône des Espagnes du roi Ferdinand VII. Ses fidèles sujets ont donné de bonne heure à S. M. des preuves de leur dévouement et de leur amour. Ils ne doivent pas douter de l'affection que S. M. a pour eux et de l'emploi qu'elle en fera pour la félicité publique et pour l'accomplissement des désirs du peuple de Madrid. Mais ce qu'il y a de plus important pour le succès des vues élevées de S. M. est l'ordre public; et afin que celui-ci soit assuré, le conseil se flatte que tous les habitans de cette fidèle ville se retireront chez eux et qu'ils resteront dans la plus parfaite tranquillité, persuadé qu'ils donneront ainsi à S. M. dans le premier moment de son règne, le témoignage le plus sur de la sincérité de leurs sentimens et des acclamations de fidélité que l'on entend dans ce jours.

Pour copie conforme à l'original.

Certifié par Bartholomé Munoz de Torres, du conseil de S. M. son secrétaire, etc.

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Un décret rendu par S. M. I. et R. le 25] Mars 1808, contient les dispositions suivantes:

Art. 1er. Les places d'avoués à Paris, et celles de greffiers près nos cours, tribunaux et justices de paix, qui viendront à vaquer d'ici au ler Janvier 1815, seront accordées à ceux des avoués ci-après dénommés, qui perdent leur état en conséquénce de notre décret de ce jour, et contre lesquels aucune plainte ne nous est parvenue:

Aviat

Du tribunal de première instance.
Bagault-Bazin

Boivin, jeune

Boussière

Brunot-Chasliu, jeune-Choel-Chosliu-Contant-Corbin -Dassouvillers

Debronges Delhomel-Derbois-Desétanges-Devercy- Dourif-Duparc-Duquenel-DurantFevier-Foignet-Gaillon-Graudjean, l'aîné (Pierre-Anseline)-Guerignon-Jacquotot-Joly-Lacan - LanthenoisLaunoy-la-Creuse-Laurent (François)-Leclerc-Legendre

-Lesieur-Lobjois-Maigret-Maris-Martin-Saint-Sémera

-Pomagoe - Poujol- Prague-Templier-Remy-Fecourt Vains-Lasaussaye.

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2. Notre grand-juge ministre de la justice nous fera un rapport sur chacun des 37 avoués qui ont été portés sur les listes mises sous nos yeux, comine n'ayant donné lieu, de la part du publie, qu'à quelques plaintes légères, afin que ceux dont la probité et les lumières seront recouuues, obtiennent de nous un emploi qui les dédommage de la perte de leur état.

3. Quant à ceux qui, selon les notes transmises par les différens officiers de nos tribunaux ont donné lieu à des plaintes graves, ils seront écartés de toutes fonctions judiciaires.

4. Toutes les fois que notre grand-juge ministre de la justice nous proposera de nommer à des places d'avoués à Paris, ou de greffiers près nos cours, tribunaux et justices de paix, il nous fera connaître, ou que les avoués auxquels il est dans notre intention d'accorder des emplois, en exécution des articles 1 et 2 du présent décret sont placés, ou que les emplois alors vacaus, ne sont point à leur convenance.

ESPAGNE.

Madrid, le 30 Mars, 1808.

L'armée est toujours vue ici d'un très-bon œil. Dimanche dernier, la messe militaire à laquelle ont assisté le grand-duc de Berg et les généraux français, a été très-belle et a fait une grande sensation parmi le peuple. Le roi Charles et la reine sont toujours à Aranjuez; le prince des Asturies et la reine d'Etrurie sont à Madrid.

Sur la route de Bayonne à Madrid, des relais ont été placés. On attend avec une vive impatience l'empereur des Français. Nous n'avous par besoin des circonstances actuelles pour désirer de voir un souverain aussi extraordinaire, et cet empressement de toutes les classes du peuple montre' assez que la nation espagnole est toujours la même, et que tout ce qui est grand a droit à son intérêt. Mais dans les circonstances actuelles nous sentons bien qu'il n'est plus de bras capables de nous sauver; que son intervention et ses conseils nous sont également nécessaires.

ESPAGNE.

Madrid, le 30 Mars, 1808.

Le gazette de Vendredi dernier a annoncé l'entrée solennelle qui a eu lieu le 23 de ce mois, en cette capitale, du premier corps de troupes françaises, aux ordres de S. A. I. Mgr. le grand-duc de Berg et de Clèves, lieutenant de S. M. l'empereur des Français, et commandant de ses armées en Es

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