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V. M. lui proposa d'accéder au système du Continent; à ce prix elle aurait tout oublié.

Le Portugal, s'il embrassait ce système, devait à V. M. une garantie de ses dispositions, et puisqu'il avait permis que des Français et des propriétés françaises fussent enlevés par les Angiais à bord de ses bâtimens, il devait, sur la demande de V. M. arrêter les Anglais voyageant en Portugal, et saisir les marchandises anglaises, comme ôtages pour vos sujets, comme indemnités pour leurs pertes, Mais, loin de déférer aux propositions de V. M. le gouvernement portugais n'a eu d'autre sollicitude que d'en instruire la cour de Londres, de tranquilJiser l'Angleterre sur ses intérêts, de lui garantir la sûreté des Anglais et de leurs propriétés en Portugal. Il n'avait pro tege ni les Français di leur commerce; la personne et le commerce de leurs ennemis ont continué d'être libres et favorisés. On promet bien de s'uur à la cause du Continent, même de déclarer la guerre à l'Angleterre; mais on veut la faire, pour ainsi dire, de concert avec elle; lui fournir, sous des appa reuces hostiles, les moyens de continuer son commerce avec le Portugal, et par le Portugal avec le reste de l'Europe; genre de guerre équivalent à une neutralité perfide. On demande des secours à l'Angleterre, et pour gagner du tems, on essaie de tromper V. M. par de vaines déclarations; on allègue des scrupules sur quelques-unes des conséquences de la guerre, lorsqu'on n'en a plus sur la guerre même qui brise tous les liens.

En vain, V. M. daignant condescendre à ces prétendus scrupules, a modifié ses premières demandes; les mêmes refus se renouvellent. Le Portugal fait des promesses, mais il en retarde l'exécution sous divers prétextes. Tantôt c'est le prince de Beyra, un enfant de douze ans, qu'on veut envoyer au Brésil pour défendre cette colonie; tantòt c'est une escadre attendue de la Méditerranée, qu'on veut mettre en sûreté dans le Tage.

Ainsi, le Portugal, embarrassé dans ses artifices, et prenant avec la cour de Loudres des engagemens réels et utiles aux Anglais, avec la France des engagemens vagues et simulés, attend les secours et les conseils de l'Angleterre, cherche à éloigner les menaces du Continent, et, s'humiliant devant l'un et l'autre, remet en aveugle, au sort des événemens, lés intérêts, peut-être même l'existance d'une nation qui lui demande toute entière de ne pas la livrer à une puissance si funeste à tous ses alliés.

L'époque que V. M. avait fixée pour la détermination qu'elle attendait, cette époque qu'elle avait bien voulu reculer d'un mois, est arrivée. Le Portugal a prouoncé lui-même sur son sort. Il a rompu ses dernières communications avec le Continent, en mettant les légations de France et d'Espagne dans la nécessité de quitter Lisbonne. Ainsi, se dévoilent ses

intentions hostiles, que masquait faiblement un langage de perfidie et de duplicité. Non-seulement les Anglais et leurs marchandises ont été mis en sûrété, mais les préparatifs militaires que fait le Portugal sont dirigés contre la France: it n'attend pour éclater que l'arrivée de l'escadre et de l'armée anglaises qui ont dépouillé le Danemarck: folle espérance, qui, si elle était réalisée, mettrait le comble à tous ses maux. Votre majesté le verra avec douleur se ranger parmi ses enne mis; mais elle ne peut plus considérer comme une puissance amie, ni comme une puissance neutre, celle qui a renoncé à son indépendance; qui a laissé violer l'honneur de son pavillon et qui sacrifie à nos ennemis les intérêts de V. M. et ceux de toute l'Europe.

- Le Portugal s'est mis en état de guerre avec la France, quelles que fussent envers lui les dispositions bienveillantes de V. M. La guerre contre le Portugal est devenue pour elle un rigoureux, mais nécessaire devoir. L'intérêt du Continent, d'où les Anglais doivent être exclus, force V. M. à la déclarer. De plus longs délais n'aboutiraient qu'à mettre Lisbonne entre les mains de l'Angleterre. J'ai donc l'honneur de proposer à votre majesté, de remettte à la léga tion de Portugal, des passeports pour quitter la France, et de regarder comme entièrement rompues des liaisons de paix que le Portugal a voulu rompre.

Si cette guerre devait conduire le Portugal à subir le sort de tant d'états tombés victimes de l'amitié de l'Angleterre, V. M. qui ne recherche point de pareils succès, régrettera, cans doute que l'intérêt du Continent l'ait rendue nécessaire. Ses vues qui se sont constamment élevées avec sa puissance, Jui montrent plutôt dans la guerre un fléau pour l'humanité, qu'une nouvelle perspective de gloire, et tous les souhaits de V. M. seraient de n'avoir plus à se vouer qu'à la prospérité de son empire.

Je suis avec un profond respect.

Sire,

De votre majesté impériale et royale,

Le très-obéissant, très fidèle, très-dévoué

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J'ai l'honneur de remettre sous les yeux de V. M. le rapport qui accompagnait la proposition que je lui avais faite, et qu'elle avait approuvée, de renvoyer la légation portugaise, et de regarder comme rompus tous les liens de paix qui unissaient le Portugal à la France. L'événement a prouvé, Sire, combien était fondée l'opinion que je préseutais à votre ma

jesté, des dispositions du Portugal; combien étaient nécessaires les mesures actives et prévoyantes que V. M. a prises à cette époque, et qui ont été si bien secondées par la rapidité de la marche de ses troupes. En vain la cour de Lisbonne, pour tromper la vigilance de V. M., a déclaré la guerre à l'Angleterre, ving jours après que votre ministre eût quitté le Portugal, et lorsque son ambassadeur était revenu dans ses foyers; il était évident que cette mesure était concertée avec les Anglais; en vain elle ordonnait le séquestre de leurs marchandises, décret auquel elle n'a même donué aucune apparence d'exécution, lorsque les marchandises anglaises de quelque valeur, et les Anglais avaient été mis à l'abri de toute mesure dirigée contre eux ; sa mauvaise foi n'en a été que plus évidente. Elle l'a poussée au point de faire partir un ambas sadeur extraordinaire (qui, il est vrai, n'a pas passé les fron tières du Portugal, au moment même où, convaincue que V. M. n'avait pu être trompée, elle concertait sa fuite avec le ministre anglais et le commandant de l'escadre anglaise; et peu d'instans avant de recevoir la nouvelle de cet événement inattendu, un courier portugais apportait en Italie à V. M. de nouvelles protestations de l'attachement du Portugal à la cause commune; il annonçait le retour de M. de Lima, qui n'a pas quitté Lisbonne, et l'arrivée de l'ambassadeur extraordinaire, M. de Marialva, probablement dupe, comme le courier, de la mauvaise foi de sa cour. Ce malheureux courier arrivé en Italie, après l'épuisement de toutes ses ressources, y a ap pris avec désespoir qu'il n'avait plus de gouvernement.

Le but de ces vils artifices était évident.

Le Portugal, fidèle à la cause de l'Angleterre, lui demondait des secours, et voulait gagner du tems pour les attendre; mais les secours de l'Angleterre ont toujours été funes tes à ses alliés; ils n'ont servi au Prince-régent qu'à protéger sa fuite et à assurer la perte de ses états.

Le Prince régent est parti le 22 Novembre, sur cette escadre qu'on armait, disait-on, tantôt pour faire la guerre à l'Angleterre, tantôt pour transporter au Brésil, le prince de Beyra, fils du Prince-régent, envoyé dans cette colo nie, afin de l'empêcher de se donner aux Anglais. La maison de Bragance toute entière, s'est donnée aux Ans glais, avec tout ce qu'elle a pu emporter, et le Brésil, ne sera plus qu'une colonie anglaise. Le Portugal est enfin délivré du joug de l'Angleterre. V. M. l'occupe par ses troupes; il a été laissé sans défense du côté de la mer, et une partie des canons de ses côtes a été enclouée. Aussi l'Angleterre les menance actuellement; elle bloque ses ports; elle veut dévaster ses rivages. L'Espagne a eur des craintes pour Cadix ; elle en a pour Ceuta; c'est vers cette partie du monde que les Anglais paraissent vouloir diriger leurs expéditions secrètes. Ïle ont débarqués beaucoup de troupes

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à Gibraltar; is ont rappelé de ce côté celles qui avaient été chassées du Levant, et une partie de celles qu'ils avaient accumulées en Sicile. Leurs croisières sur les côtés d'Espa gne deviennent plus vigilantes, ils semblent vouloir se venger sur ce royaume, des revers qu'ils out éprouvés dans ses coJonies. Toute la presqu'ile mérite donc de fixer particulièrement l'attention de V. M. J'ai cru devoir lui exposer cet état de choses, sa sagesse lui dictera les mesures qu'il peut exiger.

Je suis avec un profond respect,

Sire,

De votre majesté impériale et royale,
Le très-obéissant, très-fidèle, très-dévoué
serviteur et sujet.
(Signé)

Paris, le 2 Janvier, 1808.

CHAMPAGNNY.

Rapport du ministre de la guerre à Sa Majesté l'empereur

et roi.

V. M. m'a ordonné de former le 1er et le 2e corps d'obser vation de la Gironde. Le 1er de ces corps, que commande le général Junot, a conquis le Portugal. La tête du 2e est déjà à portée de suivre le ier., si les circonstances l'exigent.

Votre majesté, dont la prévoyance n'est jamais en défaut, a voulu le que corps d'observation de l'océan, qu'elle a confié à M. le maréchal Moncey, fût en 3e ligne.

La nécessité de fermer les ports du Continent à notre irréconciliable ennemi et d'avoir sur tous les points d'attaque des moyens considérables, afin de profiter des circonstances heureuses qui se présenteraient pour porter la guerre au sein de l'Angleterre, de l'Irlande et des Indes, peuvent rendre nécessaire la levée de la conscription de 1809.

Le parti qui domine à Londres a proclamé le principe de la guerre perpétuelle, et l'expédition de Copenhague a révélé ses intentions criminelles. Quoique l'indignation de toute l'Europe se soit soulevée contre Angleterre; quoique dans aucune époque la France n'ait eu des armées aussi nombreuses ce n'est point assez encore; il faut que l'influence anglaise puisse être attaquée partout où elle existe, jusqu'au moment où l'aspect de tant de dangers portera l'Angleterra à éloigner de ses conseils les olygarques qui les dirigent, et à confier l'administration à des hommes sages et capables de concilier l'amour et l'intérêt de la patrie, avec l'intérét et l'amour du genre humain.

Une politique vulgaire aurait pu déterminer V. M. à désarmer; mais cette politique serait un fléau pour la France; elle rendrait imparfaits les grands résultats que vous avez préparés. Qui, Sire, V. M. loin de diminuer ses armées, doit

es accroître jusqu'à ce que l'Angleterre ait reconnu l'indépendance de toutes les puissances, et rendu aux mers cette tranquillité que V. M. a assurée au Continent., Sans doute, V. M. doit souffrir d'exiger de ses peuples de nouveaux sacrifices, de leur imposer de nouvelles obligations; mais elle doit aussi se rendre à ce cri de tous les Français: "Point de repos jusqu'à ce que les mers soient affranchies, et qu'une paix équi"table ait rétabli la France dans le plus juste, le plus utile et "le plus nécessaire de ses droits "

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Je suis avec un profoud respect,

Sire,

De votre majesté impériale et royale,

Le très-obéissant, très-fidèle, très-dévoué serviteur et sujet,

Paris, le 6 Janvier, 1808.

(Signé) CLARKE.

8 Février, 1808.

SÉNAT.

Discours prononcé par M. Treilhard, orateur du conseil d'état, en présentant au sénat, le projet de sénatus-consulte-organique, portant création d'une nouvelle grande dignité de l'empire, sous le titre de gouverneur-général.

Monseigneur,

Messieurs,

Les institutions des peuples doivent être toujours accommodées à sa position, à ses besoins actuels. Le génie saisit ensuite avec habilité l'instant d'y porter d'heureuses modifica tions où des accroissemens utiles.

De grands dignités furent élevées autour du trône; l'importance des fonctions qui y sont attachées, les rares talens, les vertus éminentes des princes qui en sont revêtus, augmentent encore l'éclat que réfléchit sur leur personne la confiance dont ils sont honorés. L'expérience fait sentir tous les jours l'utilité de ces augustes intermédiaires entre le monarque et les peuples.

Sa majesté impériale et royale a médité dans sa sagesse d'en augmenter le nombre et de créer un nouveau grand dignitaire, et d'ériger en grande dignité de l'empire le gouvernement gé néral des départemens au-delà des Alpes.

Le titre seul annonce l'objet de cette création et l'espoir de sa majesté.

Le monarque veut rapprocher en quelque manière sa pers sonne de ses sujets au-delà des Alpes.

Le prince grand-dignitaire écoutera leurs réclamations, connaîtra leurs vœux, pesera leurs véritables intérêts; il déposera aux pieds du trône, il protégera les prétentions fondées, les demandes justes, les espérances légitimes.

TOME III.

LL

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