Page images
PDF
EPUB

berge, des effets d'autrui, l'aubergiste aurait-il privilége sur ces effets, pour fournitures faites au voya geur, s'il était prouvé que l'aubergiste a eu connaissance que les effets ne lui appartenaient pas? Tout au plus serait-il fondé à demander un salaire pour le dépôt des meubles dans sa maison.

La raison de l'exception faite en faveur du vendeur, lorsqu'il justifie que le propriétaire de la maison savait que les meubles n'appartenaient pas au locataire, est la même contre l'aubergiste.

Dans l'un et l'autre cas, la confiance n'a pas été une suite naturelle de la présomption qui motivé le privilége du propriétaire ou de l'aubergiste, et si, en connaissance de cause, ils ont loué ou fait des fournitures dans l'espoir de primer le propriétaire, ou le vendeur de meubles non payés, ils se sont trompés, ou ont agi de mauvaise foi.

Duweltz réclamait le double privilége d'aubergiste et de propriétaire de maison.

Il niait la clause résolutoire, imaginée, disait-il, après coup, par Gosseau, afin de favoriser son systême, mais dont la preuve n'était pas acquise contre lui.

C'était une vente faite à crédit, fides habita est de pretio. Gosseau a suivi la foi de l'acheteur : les meubles remis en sa possession ont été affectés au privilége réclamé, aussitôt qu'ils ont été introduits dans l'hôtel par Levaillant.

Le code civil contient à cet égard les mêmes prin-
Tome III, N.° 2.

cipes que le droit romain. Les meubles placés chez le locataire, deviennent le gage spécial du propriétaire, dès qu'ils sont entrès dans sa maison, et qu'ils la garnissent, comme si la chose eût été convenue tacitement. Quasi id tacitè convenerit. L. 4 ff. in quibus causis pignor. vel hyp.

L'article 2102 du code civil veille au privilége du propriétaire, qui l'exerce sur tout ce qui garnit sa maison il le conserve même sur les meubles qui sont déplacés sans son consentement.

[ocr errors]

Le propriétaire prime le vendeur, excepté lorsque la vente a été faite sans terme, que le vendeur a revendiqué dans la huitaine de la livraison, et que le propriétaire a su que les meubles n'appartenaient pas au locataire.

C'est au seul cas de la vente sans terme que se réfère l'exception insérée dans la deuxième série du 4 de l'article 2102.

Quand il y a crédit, la propriété n'est plus sujette à revendication : elle ne donne plus lieu qu'à un privilége sur le prix, mais ce privilége cède à à celui du propriétaire, parce que la propriété a été affectée en sa faveur par le gage tacite que lui offrent tous les meubles transportés dans sa maison.

S'il en était autrement, il faudrait dire que le vendeur, qui a donné terme, a un droit de suite ou d'hypothèque sur la chose or, les meubles n'ont pas de suite par hypothèque.

Comme aubergiste, Duweltz s'appuyait sur le S 5 de l'article 2102 du code civil.

Levaillant, étant un étranger, se trouve dans la classe des voyageurs, qui, pour leurs affaires ou leurs plaisirs, passent quelque temps dans une ville. Il importe peu que son séjour ait été plus ou moins long sa condition n'a point changé; il a toujours conservé sa qualité de voyageur.

Or, le code civil accorde un privilége à l'auber giste, sur les effets du voyageur, qui ont été trans portés dans son auberge.

Les meubles dont s'agit appartenaient à Levaillant, puisqu'ils lui étaient vendus à terme; ils ont été transportés à l'Hôtel d'Angleterre, où il logeait comme voyageur. Donc, ils sont affectés au privilége de l'aubergiste.

Duweltz n'a pas été dans l'obligation d'interroger le voyageur sur la nature, l'usage et la destination de ces effets. Il suffit qu'ils aient été apportés et placés dans son appartement, comme chose à lui appartenante, pour qu'ils aient présenté à l'aubergiste un gage qui répondait de la dépense du voyageur.

Les diverses saisies et notifications faites à la requête de Gosseau, prouvent ou son embarras envers Levaillant, ou son intelligence avec lui.

Au moment où les meubles furent placés dans l'Hôtel d'Angleterre, Levaillant était déjà débiteur, tant pour logement que pour frais de nourriture. La notification, faite peu de temps après par Gosseau, ne pouvait plus nuire au privilége qui était né par le seul fait du transport et du placement des meubles dans l'hôtel.

D'ailleurs, les meubles étant vendus à crédit, Gosseau ne pouvait espérer d'autre privilége que sur le prix. Or, le droit de préférence était acquis à Duweltz, tant comme propriétaire de l'hôtel que comme aubergiste; et c'est parce qu'il a eu raison de le croire, ainsi qu'il a continué à loger Levaillant et à lui faire des fournitures, sur la foi du gage qui reposait dans l'hôtel.

Par jugement du 28 messidor an 13, le tribunal de première instance condamna Duweltz à reproduire les meubles pour être vendus, et ordonna que sur le prix, Gosseau serait préféré jusqu'en concurrence, et en tant moins de ses répétés.

Duweltz, ayant interjeté appel, Gosseau anticipa, et dans l'exploit d'anticipation il annonça à Duweltz qu'il conclurait à ce que l'appel fùt déclaré non recevable, attendu que l'objet de sa demande et du jugement était au-dessous de la somme de mille francs.

A l'audience, Gosseau proposa d'abord la nullité de l'acte d'appel, et ensuite, ainsi qu'il l'avait annoncé, la non-recevabilité.

La nullité de l'exploit, il la faisait consister en ce qu'il y était dit qu'il avait été signifié en parlant à une dame de la maison, qui n'avait voulu dire son nom, ce qui, selon lui, ne désignait pas la personne au vœu de la loi.

Duweltz répondait que l'huissier n'avait pas pu for cer la personne de déclarer son nom et sa qualité autrement qu'elle n'avait voulu le déclarer.

Que l'exploit d'anticipation, fait à la requête de Gosseau, prouvait que la confiance de l'huissier avait été bien placée, puisque l'acte d'appel était parvenu très-fidèlement entre les mains de Gosseau ;

Que, quand l'acte d'appel n'aurait pas été notifié régulièrement, Gosseau aurait couvert la nullité qu'il reproche à l'exploit, en faisant anticiper à la seule fin de faire déclarer l'appel non recevable.

A la fin de non recevoir l'appel, il observait que les prétentions respectives des parties avaient été déduites en jugement, et que le tribunal n'avait pas seulement prononcé sur la demande de Gosseau, en lui adjugeant ses conclusions, mais qu'il avait en même-temps décidé que l'appelant était mal fondé à prétendre privilége avant Gosseau ;

Que les conclusions des deux parties tombaient sur le même objet, et prenaient réciproquement caractère de demande et de défense ;

Que les seules prétentions de Duweltz s'élèvent à près de quinze cents francs; que celles de Gosseau sont de peu au-dessous de mille; que, sous le seul rapport des conclusions de Duweltz, le jugement était susceptible d'appel, à plus forte raison lorsqu'il a statué sur les contestations réunies sur le même point.

Sur quoi,

« Attendu qu'il a été suffisamment satisfait au « vœu de l'ordonnance, en déclarant que la copie « de l'exploit a été laissée à une dame de la mai

« PreviousContinue »