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C'est ce qui résulte assez positivement de la loi 3 C., dont voici les expressions: cùm eum quem arrogaveris, LIBERTUM esse profitearis, nec ullam idoneam causam precibus addideris, id est quod liberos non habeas, intelligis juris authoritatem desiderio tuo refragari.

Les exemples contraires sont des exceptions à la règle générale, et l'on ne doit pas compter les adoptions qui ont eu lieu par des vues politiques, ou par la volonté souveraine des empereurs. Eh! quelle raison y aurait-il eu de permettre l'adoption à une personne qui avait des enfans?

Remontons à la source. Le motif de l'adoption a été de procurer quelque consolation à ceux qui ne connaissaient pas les douceurs de la paternité. Est æmula naturæ, seu naturæ imago. L. 23 ff. de lib. et posth.

Pourquoi recourir à des illusions, quand la réalité existe? Le but de la fiction deviendrait ridicule.

Tenons donc pour maxime première que l'adoption n'a été envisagée que comme un moyen d'adoucir les regrets du célibat, de féconder, pour ainsi dire, par une heureuse fiction, des mariages stériles, ou de consoler des époux affligés par la perte de leurs enfans.

C'est ce que le code civil a sagement consacré.

L'adoption du 19 pluviôse an X, reprouvée par les principes de la matière, est encore vicieuse dans la forme.

suivant

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Suivant le droit romain, 1, titre 11, instit., l'adoption se faisait, ou par rescrit du prince ou par l'autorité du magistrat. Le vœu de la loi n'a pas été rempli.

N'importe que l'adoption ait été rédigée d'après les modèles envoyés par le gouvernement. Ces modèles supposent que les lois n'exigeaient rien de plus: c'était aux individus qui voulaient adopter, à mieux se consulter.

La proposition de Jacques-Joseph Rappe auraitelle obtenu le suffrage des parens, et pu soutenir l'examen du magistrat ? elle eût été conspuée comme tendante à faire approuver l'œuvre du libertinage le plus scandaleux.

Était-il d'ailleurs bien certain que les enfans naturels fussent capables du bénéfice de l'adoption, même offerte par un étranger?

Dans le dernier état de la législation romaine, la novelle 89, cap. 11, § 2, ne les exclut-elle pas indéfiniment ?

Nous pensons donc, ajoute le magistrat du parquet, que l'adoption dont il s'agit n'est pas moins vicieuse qu'inefficace.

Rentrant dans le systême de l'adoptée, et faisant abstraction du droit romain, serait il vrai qu'Anne - Françoise Debrouwer, trouverait le triomphe de sa cause dans la loi transitoire du 25 germinal an XI.

L'article premier est à son égard conçu dans les

Tome III, N.° 1.

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termes les plus favorables aux adoptions faites avant le code civil; mais n'abusons pas des mots, et gardons-nous de leur prêter un sens qui n'a pu être dans la pensée du législateur, par la seule raison, qu'il conduirait à des conséquences improbables.

Que signifient en effet ces mots : « seront vala«bles quand elles n'auraient été accompagnées d'au«< cunes des conditious depuis imposées pour adop«ter, et être adopté. »

La pluralité des personnes adoptantes, le défaut de consentement de l'un des conjoints, la nécessité d'avoir fourni des secours ou des soins, ou d'être majeur, etc., sont des conditions dont l'absence ne vicie pas l'essence de l'acte.

Les formes prescrites dans la section 2, chap. 1, de la loi du 2 germinal an XI, faisant partie du code civil, sont encore d'autres conditions dont le législateur a dû et pu dispenser pour ne pas rendre illu. soire le décret du 18 janvier 1792; mais pour lui faire dire que toutes les adoptions possibles seraient valables, il faudrait tomber d'accord, que l'inceste et l'adultère n'ont pas été un obstacle à la validité de l'adoption; que le fils a pu adopter sa mère; que le père a pu adopter l'enfant qu'il aurait eu de sa propre fille, etc.

Non, une absurdité aussi révoltante, n'est ni dans l'expression ni dans l'esprit de la loi. Le législateur parle des conditions qui ne choquent pas la substance et le but essentiel de l'adoption: il n'a pas voulu dénaturer le principe, et son unique objet a été de traiter avec indulgence les actes faits depuis

le décret du 18 janvier 1792, qui n'avait réglé ni les formes ni les effets de l'adoption.

Le sort d'Anne-Françoise Debrouwer est abandonné à la disposition, de la loi par l'acte de l'adoption.

Cette loi, c'est le code civil que lui donne-t-elle ? Rien, parce que l'adoptant a laissé des descendans légitimes nés avant l'adoption.

L'acte du 19 pluviôse an X est donc totalement frustratoire; mais l'adoptée n'est pas sacrifiée par la loi, elle est victime de sa naissance, et l'intérêt des mœurs et des institutions sociales impose silence à des réclamations qui n'ont pour titre qu'une adoption impure et faite au mépris d'une postérité légitime.

Il nous reste à exprimer nne pensée qui adoucit la sévérité de notre opinion.

La mère d'Anne-Françoise de Brouwer est légataire du quart de la succession de Jacques-Joseph Rappe elle doit des alimens à sa fille; croyons qu'elle aura pour elle le cœur d'une bonne mère. La loi, qui protège les mœurs, n'éteint pas les devoirs de la nature.

ARRÊT TEXTU EL.

« Attendu que les lois du 18 janvier 1792 et 16 « frimaire an III, n'ont pas été publiées dans les « départemens réunis ;

«

Que, si les actes d'adoption étaient rares en Brabant, l'adoption n'y était cependant pas inusitée;

«

Que, lorsqu'elle y était pratiquée, c'était le « droit romain qui en devait régler le mode et les «< effets, au témoignage de Stockmans, décis. 69; « qu'ainsi, et avant le code civil, les adoptions « faites en Brabant se trouvaient soumises à l'em<< pire du droit romain, qui y avait force de loi dans « le silence des coutumes et des ordonnances ou édits << des princes;

<< Attendu que dans l'esprit comme dans les dis« positions des lois romaines, et sauf quelques ex<< ceptions déterminées par des motifs particuliers ? <«< celui qui avait des descendans légitimes ne pou<< vait adopter;

«

Qu'en effet, le but de l'adoption est de con- . «soler ceux auxquels la nature a refusé des enfans;

«

Que c'est aussi dans le même esprit que le « code civil a été conçu et rédigé;

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« D'où il suit que Jacques-Joseph Rappe, qui « avait eu trois enfans en légitime mariage, et qui « avait, au 19 pluviôse an X, trois petits-enfans « nés de ses trois enfans, a fait un acte inutile en << adoptant Anne-Françoise, fille naturelle de Ca<<therine-Françoise de Brouwer;

« Attendu que la loi transitoire du 25 germinal an XI ne peut s'appliquer qu'aux pays où le prin<< cipe de l'adoption avait été introduit par la loi « du 18 janvier 1792, et non à ceux où il existait «< précédemment, et où il était régi par une légis«< lation qui établissait les rapports et les effets de « l'adoption au moment où elle se faisait;

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