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SUR

L'ÉGLISE NOTRE-DAME DE CAUDEBEC;

PAR M. L'ABBÉ COCHET,

Membre de la Société.

SI. HISTORIQUE DES CONSTRUCTIONS.

Nulle terre n'est plus riche en souvenirs que celle que foule aux pieds le voyageur qui, descendant la Seine, s'arrête à Caudebec. Derrière lui est Yvetot avec son poétique royaume, Ste.-Gertrude avec son tabernacle de pierre, Maulévrier avec sa villa romaine, Calidu avec ses médailles gauloises; devant lui est Lotum, cachant ses débris romains sous les eaux de la Seine; Belcinac, dont l'alluvion recouvre les trois églises; Vatteville, avec son château normand et ses métairies mérovingiennes; Brotonne enfin qui voile sous ses chênes séculaires toute une cité gallo-romaine. A sa droite est Lillebonne avec son théâtre, ses bains, ses statues et son palais des ducs; à sa gauche, Jumièges avec sa royale abbaye, sa salle des gardes, ses tombeaux des Énervés et d'Agnès Sorel, St.-Wandrille avec son cloître, ses chapelles, ses saints et ses mystérieuses légendes.

Toutes ces villes, toutes ces abbayes, tous ces châteaux brillèrent autrefois; aujourd'hui ce ne sont plus que des cadavres enterrés sous les ruines. Caudebec seul reste vivant et debout. La tour de Vatteville a été frappée par la foudre ; la bande noire a dévoré les clochers de St.-Wandrille; les flèches de Jumièges ont été abattues par la tempête et ses tours blanches n'attendent plus que le coup de vent qui doit les renverser pour

toujours seule la flèche de Caudebec s'élève sur les bords du fleuve et nous console de tant de monuments perdus.

Mais cette cité, aujourd'hui si fière de l'auréole dont les architectes chrétiens ont couronné sa tête, ne fut pas toujours soumise au joug de l'Évangile. En fouillant la terre, soit dans le sein de la ville, soit aux alentours, on rencontre à chaque pas les débris d'une autre civilisation. Ce sont des médailles à l'effigie des divins Césars, des poteries aux basreliefs mythologiques, des mosaïques à l'image d'Apollon et de Cérès, des statuettes de Vénus et de Latone, et des urnes dépositaires des derniers vœux des idolâtres. Tout indique que le paganisme a passé par là et qu'il y a régné pendant long-temps en maître mais un jour il en fut chassé par les saints missionnaires dont on montre encore les grottes, les ermitages et les chapelles, comme traces de leur passage. Milon, Condède, Sanson, Wandrille, Ansbert, Hardouin vinrent ici renverser les idoles et établir le règne de Jésus-Christ, en même temps. qu'ils exterminaient les bêtes fauves et qu'ils défrichaient les forêts (1).

Les religieux de St.-Wandrille surtout évangélisèrent Caudebec et ses environs. Ils y bâtirent la première église ainsi qu'à Betteville, à Rançon et à Ste.-Gertrude. Voilà pourquoi ces églises restèrent toujours leur propriété par droit de conquête évangélique. Nos rois carlovingiens y ajoutèrent le droit de souveraineté temporelle; aussi, du plus loin que nous apercevons son nom dans l'histoire, Caudebec nous apparaît-il toujours uni à l'abbaye de St.-Wandrille.

Dans une charte de 859, Charles-le-Chauve accorde aux moines de Fontenelle Caudebec et ses dépendances, avec les eaux, le port, le péage, le passage et les coutumes (2). Les ducs de Normandie y ajoutèrent encore le droit de haute et de basse-justice, les foires, les moulins et les pêcheries (3).

Guillaume-le-Conquérant, dans une charte donnée à Lillebonne, en 1074, confirma le patronage des quatre églises, y ajoutant la restitution

(1) Chronicon Fontanellense, dans le Recueil des Historiens de France, t. V.

(2) Calidum beccum cum integritate et appendiciis. » Voy. le Rerum gallic, et franc. scriptores, t. VII.

(3) « Fontanella cum viculis ad ipsum respicientibus, videlicet Gothevilla, Bethvilla, Rencio, Caldebec, Ansgothmoulins, etc. » Charte de Richard II, en 1024, dans le Neustria pia, p. 165.

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