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HESSE. Des deux branches souveraines de l'illustre maison de Hesse, celle de Darmstadt s'était préparée par des concessions, par la suppression des immunités en matière d'impôts, à l'établissement d'un système plus populaire. Mais le prince qui règne à Cassel, plus maltraité qu'aucun autre dans les guerres de la révolution n'avait recouvré des ruines du royaume de Westphalie qu'une portion de ses Etats. Seul des membres de l'ancien corps germanique, il a gardé le titre d'électeur qui ne s'applique plas à rien; il s'est attaché à rétablir tout ce qui avait disparu avec lui; sa cour et son administration sont les seules qui reproduisent complétement l'idée de celles des princes souverains du saint empire. L'Europe s'est occupée des querelles de son gouvernement avec les acquéreurs des domaines westphaliens : elles ont été portées depuis à la diète germanique. Les opinions déjà émises semblent favorables à la cause des acquéreurs; mais l'électeur insiste sur son droit, et la diète ne paraissait pas certaine, à la fin de 1817, qu'elle eût celui de donner une décision à cet égard.

VILLES LIBRES. Nul prince n'est rentré dans son ancien domaine, avec plus d'ardeur que les villes libres du corps germanique n'ont repris leur vieilles institutions. Dans plusieurs cités, lés Juifs ont été récemment l'objet de quelques persécutions ou d'injures plus odieuses que des persécutions. La tolérance religieuse y a reculé, et il a paru que l'oligarchie bourgeoise ou` commerciale n'était pas plus favorable aux prétentions populaires, que l'aristocratie féodale.

HANOVRE. Cet électorat érigé en royaume, serait à peine remarqué s'il n'avait reçu de la maison qui règne sur la GrandeBretagne, le titre dont il brille et l'influence dont il jouit dans le corps germanique. Les échanges qu'il a faits avec la Prusse et les Pays-Bas, n'ont que peu altéré la configuration de son territoire. Des politiques en ont regardé la possession comme un inconvénient pour l'Angleterre : d'autres ont vu l'intervention de la première des puissances maritimes, dans les affaires d'Allemagne, comme dan

gereuse à toute l'Europe. Quoi qu'il en soit, le gouvernement de l’Hanovre a été remis au duc de Cambridge, avec le titre de lieutenant général. Les États convoqués en 1816, avaient inutilement délibéré sur l'essai d'un nouveau système de contributions. On a travaillé depuis à l'exécution d'une sorte de cadastre pour la répartition de l'impôt foncier. Les finances avaient été si dérangées que l'administration s'est encore en 1817 vu obligée de payer l'arriéré en obligations qui ont augmenté la masse du papier; mais on attendait des Etats convoqués le 26 décembre 1817, des améliorations dans le système financier et dans l'organisation judiciaire.

PAYS-BAS. L'érection des Pays-Bas en royaume, est l'un des résultats les plus importans du système politique moderne; c'est l'effet de la terreur, qu'inspira durant vingt-cinq ans la domination française. Il a été rattaché au corps germanique par le petit duché de Luxembourg: toute l'Europe a pris soin de le fortifier contre les entreprises de la France; on lui a fait élever sur sa frontière méridionale trois lignes de forteresses, et cependant on n'a pu lui rendre ce qui faisait sa puissance maritime, ni établir sur des bases solides sa puissance continentale. Une constitution soumise par le monarque à l'assemblée du peuple, fondée sur des principes d'une sage politique et d'une philosophie éclairée, a fixé les rapports, les droits et les devoirs du gouvernement à l'égard des sujets, et des sujets à l'égard du gouvernement. Les états généraux, divisés en deux chambres électives, votent librement les impôts et les lois. On y a consacré la liberté de la presse, l'égalité devant la loi, la tolérance religieuse et l'indépendance des tribunaux, Mais cette constitution n'a pas admis l'institution du jury; elle n'a pu entièrement amalgamer deux peuples, dont l'un enrichi par sa marine et son commerce, veut tout sacrifier aux spéculations mari times, et dont l'autre ne pouvant plus prospérer que par son travail, voudrait tout soumettre aux intérêts de ses fabriques et de son agriculture.

Un autre obstacle à l'union sincère des deux peuples dont on ve

pait de faire une seule puissance, était la différence des religions. La tolérance était depuis long-temps établie en Hollande; l'esprit superstitieux des Belges qui avait causé tant d'embarras à Joseph II, avait été fort affaibli par les progrès des lumières, et par l'influence de l'administration française; mais le clergé catholique conservait les mêmes intérêts et la même bigoterie : il n'avait admis qu'avec une extrême répugnance l'article de la constitution qui accordait une protection égale à toutes les religions. Des évêques se plaignaient hautement de ce qu'ils étaient exclus, même des assemblées provinciales : leurs réclamations, portées devant une commission prise dans le conseil d'Etat, furent rejetées, et l'esprit consacré par la constitution triompha des autres prétentions. L'arrêt rendu le 8 novembre 1817, contre M. Maurice de Broglie, évêque de Gand, par la cour d'assises de Bruxelles, en est un monument remarquable (1).

Cependant, malgré les obstacles que l'administration rencon→ trait à chaque pas, malgré quelques dissentimens qui se manifestèrent, même dans le gouvernement, par la démission que donna, sur la fin de 1817 le prince héréditaire, de la direction suprême des affaires militaires et de tous ses emplois, démission acceptée par le roi, et reprise ensuite à la satisfaction du peuple et de l'armée; malgré ce défaut apparent d'harmonie dans le corps politique, le royaume des Pays-Bas prenait chaque jour un aspect plus heureux. L'alliance du prince héréditaire avec une princesse russe avait agrandi ses destinées. Cette union venait d'être bénie de la naissance d'un fils, dont tout le royaume reçut la

(1) Ce prélat était prévenu d'avoir provoqué la désobéissance à la loi fondamentale du royaume, d'avoir entretenu une correspondance secrète avec la cour de Rome, et d'en avoir fait publier un bref relatif aux prières à faire pour la délivrance de la princesse d'Orange, et deux bulles de jubilé sans les avoir soumises à l'approbation, et avoir obtenu le placet de souverain. Il fut condamné par contumace (car il s'était dérobé par la fuite aux premières poursuites dirigées contre lui), à la peine de la déportation et aux frais du procès, conformément aux articles 204 et 205 du code pénal français, encore en vigueur dans la Belgique,

nouvelle avec les démonstrations de la plus vive allégresse. Il né restait plus de traces des mouvemens séditieux que la disette de 1816 avait occasionnés. Le peuple avait pris peu de part aux prétentions du clergé catholique. L'agriculture était florissante. Les sociétés instituées en Belgique pour le soutien de l'industrie, avaient un peu réveillé l'émulation des fabriques; le gouvernement avait repris possession des colonies que l'Angleterre lui avait laissées dans un état agité; les naturels d'Amboyne étaient en insurrection depuis le mois de mai 1817; mais le gouvernement n'en faisait pas moins des efforts prodigieux pour reprendre dans l'archipel indien la puissance commerciale dont la Hollande avait jadis joui.

Le discours prononcé par le roi à l'ouverture de l'assemblée des états généraux, à la Haye, le 20 octobre 1817, donne de la situation du nouveau royaume une idée favorable.

Le budget de 1816 avait présenté un déficit de 6,500,000 florins, sur une dépense de 82 millions: celui de 1817, fixé à $3,400,000 florins, l'avait excédé de 3,381,000.

Par la loi présentée à la deuxième chambre le 13 novembre, on arrêta les dépenses des années précédentes. On fixa celles de l'année 1818 à 14 millions de florins; on prit des mesures pour assurer les créances arriérées de l'Etat. Une autre loi rendue le 24 décembre, supprima la compagnie qui exportait exclusivement les thés; elle en modéra les droits de façon à faire craindre au commerce anglais une concurrence à laquelle il n'était plus accou→ tumé.

DANEMARCK. En passant de l'examen de la situation des Pays-Bas à celle du Nord, on trouve d'abord le Danemarck, qui souffrit dë ses alliés autant que de ses ennemis dans la guerre de la révolution. D'après le traité de Kiel, il avait été obligé de céder à la Suède la Norwège, pour laquelle il devait recevoir des compensations, et dont la dette propre devait passer à la charge de son nouveau šouves rain. Jusqu'ici les compensations s'étaient réduites à la cession de la Pomeranie et de l'île de Rugen, échangées depuis par des transae=

tions particulières contre le duché de Lawembourg et contre une somme d'argent. Quant à la partie de la dette danoise dont la Suède devait se charger en proportion de la population et des revenus de la Norwège, le cabinet de Copenhague réclamait en vain : rien encore n'avait été réglé. Ainsi le Danemarck, affaibli dans sa ma→ rine, épuisé de numéraire, éprouvait tous les malheurs d'une puissance vaincue, quoique allié des vainqueurs. Il se flattait que l'établissement d'une banque nationale releverait son crédit ; il poursuivait des réclamations mal écoutées, malgré la médiation de la Russie. Enfin quelques-unes de ses provinces, agitées par l'esprit qui semble soulever le monde civilisé, demandaient l'établissement d'une constitution promise par l'acte fédéral; mais rien n'annonçait que le monarque voulût se départir des droits qué le vœu du peuple lui avait remis en 1680, et que les prélats et l'ordre équestre ne semblaient redemander que pour leurs intérêts partis culiers.

SUEDE. Entrée si à propos dans la coalition contre la France, la Suède en avait été largement récompensée. C'est une question au moins oiseuse que de rechercher aujourd'hui si la cession de la Norwège était une compensation équivalente de la perte de la Finlande passée, sans espérance de retour, à la Russie. Si la Suède a beaucoup perdu sous le rapport du revenu et des produits agricoles, elle a acquis, dans la possession de la Norwège, une population plus nombreuse, une position péninsulaire, une indépendance mieux assurée. Heureux ces deux peuples, s'ils peuvent trouver dans des constitutions fondées sur les mêmes principes, dans leur amour commun pour la liberté, dans leurs intérêts réciproques, de quoi faire disparaître les traces des haines qui les ont si longtemps séparés!

Personne n'était plus intéressé à opérer cette conciliation que le prince appelé par le choix des États et l'adoption du monarque à réunir un jour les deux couronnes : il avait des préventions et des intérêts de plus d'une espèce à combattre. Mais une conspiration tramée contre lui, et dont on a cru que le foyer était dans la

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