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pour permettre au cultivateur qui ne possède pas des capitaux suffisants de se constituer une exploitation importante par un bail avec promesse de vente, il prendra possession d'un domaine assez étendu sans avoir à le payer immédiatement et se réservera, dans la faculté d'achat, pour un prix fixé à l'avance, le moyen d'en devenir propriétaire et de bénéficier ainsi des améliorations qu'il aura réalisées. La faculté d'hypothéquer le domaine ou de le vendre que conserve le propriétaire peut, il est vrai, compromettre une portion de ce bénéfice, mais il sera possible de le sauvegarder tout entier en stipulant une hypothèque pour garantir le paiement des dommagesintérêts dus au locataire avec promesse de vente dans le cas où son promettant refuserait de s'exécuter.

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646. L'échange est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre (C. civ., 1702). C'est le contrat primitif. Il est soumis, quant à sa formation et à ses effets, aux mêmes règles que la vente, dont il ne diffère que sur quelques points, savoir : La rescision pour cause de vileté de prix n'est pas admise en matière d'échange; 2o comme il n'y a à proprement parler ni vendeur ni acheteur, les frais se partagent par moitié et le pacte obscur ou ambigu s'interprétera d'après les règles du droit commun; 3° les droits fiscaux sont moins élevés pour l'échange que pour la vente. Cette dernière particularité doit retenir notre attention.

647. Mais notons d'abord quelques solutions analogues à celles qui sont adoptées en cas de vente sans ètre identiques. Dans l'échange, chacune des parties doit devenir propriétaire de la chose qui lui est remise moyennant l'abandon qu'elle fait de la sienne. Il en résulte que si l'un des échangistes n'est pas propriétaire de la chose qu'il remet et par conséquent n'en peut pas transmettre la propriété, l'échange sera nul: l'autre partie ne sera pas tenue de livrer si elle ne l'a déjà fait, et si elle l'a fait elle pourra redemander sa chose en rendant celle qu'elle aurait reçue en échange, et obtenir des dommagesintérêts.

648. Alors que pour la vente les droits sont de 7 p. 100 environ, ils sont réduits à 4 p. 100 pour l'échange et parfois mème à 0 fr. 20 seulement. Cette réduction exceptionnelle de l'impôt a pour but de faciliter le groupement des parcelles rurales et s'applique seulement aux échanges d'immeubles ruraux. Il faut entendre par là les terrains bâtis ou non qui sont employés à un usage agricole tels seront un jardin, une grange, une étable et à plus forte raison une terre en labour ou en vigne, etc. Les deux immeubles doivent avoir le caractère rural. L'échange d'un immeuble rural contre un immeuble urbain donnerait lieu à l'application du droit de mutation de 4 p. 100.

Le droit de 0 fr. 20 n'est d'ailleurs pas applicable à tous les immeubles ruraux, mais dans deux circonstances seulement où l'échange aboutira soit à un rapprochement, soit à une reconstitution des parcelles, c'est-à-dire à rapprocher les parcelles échangées du centre de l'exploitation dont elles vont dépendre, ou à réunir chacune d'elles à d'autres appartenant au propriétaire qui en fait l'acquisition (lois des 27 juillet 1870 et 4 novembre 1884).

Lorsque le but de l'échange est un rapprochement des parcelles, c'est-à-dire lorsque le propriétaire reçoit une parcelle moins éloignée de son exploitation que celle qu'il abandonne, l'application du tarif le plus réduit est subordonnée à une seule condition de fait c'est que les parcelles échangées soient situées dans la même commune ou dans des communes limitrophes. En dehors de cette condition, en effet, le rapprochement ne serait plus la cause déterminante de l'échange, et il n'y a plus le même intérêt à encourager celui-ci.

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Lorsque l'échange a pour but une reconstitution de propriété, deux conditions sont imposées, savoir: 1° que l'une au moins des deux parcelles transmises par voie d'échange soit contigue à une autre appartenant déjà au propriétaire qui la reçoit; 2° que les biens aient été acquis par acte enregistré depuis plus de deux ans ou recueillis à titre héréditaire. Sans la contiguïté, il n'y aurait pas reconstitution de propriété ; dès lors le motif qui donne lieu à la réduction du droit cesserait d'exister. D'autre part, sans la deuxième condition, il serait trop facile

d'acquérir des droits à un tarif réduit en achetant une fraction insignifiante de la parcelle convoitée par voie d'échange, en invoquant ensuite la contiguïté ainsi créée. Il est admis que la contiguïté n'a pas besoin d'être réelle. Elle sera suffisante si les parcelles à réunir sont séparées seulement par une voie publique, permettant de passer de l'une à l'autre (chemin ou route) ou par un ruisseau. Mais il n'en serait plus ainsi et le droit maximum serait dû si elles étaient isolées l'une de l'autre par un fleuve ou par un chemin de fer bordé de clôtures empêchant toute communication directe de l'une à l'autre.

649. Pour permettre à l'administration de déjouer les fraudes, il est prescrit, d'une part, de mentionner dans les actes d'échange la contenance des parcelles, le numéro qu'elles portent, la section dont elles dépendent et le lieu dit où elles se trouvent, la classe et la nature des immeubles d'après le cadastre; d'autre part, de remettre au bureau de l'enregistrement un extrait de la matrice cadastrale en ce qui concerne chacune des parcelles.

Dans le cas où l'administration, trompée, aurait perçu le droit de 0 fr. 20 p. 100 alors que l'impôt plus élevé était justifié, elle peut encore réclamer la différence pendant deux années, après quoi ses droits seront prescrits.

650. Lorsque les immeubles échangés n'ont pas la même valeur, la partie qui reçoit celui qui vaut le plus paie à l'autre une somme convenue qui porte le nom de soulte. Dans ce cas, le droit perçu sera celui qui correspond aux échanges jusqu'à concurrence de l'immeuble qui vaut le moins, et celui qui correspond à la vente sur la soulte.

VI. LOUAGE.

651. Le contrat de louage peut porter sur toutes sortes de biens meubles ou immeubles.

652. Le Code civil distingue deux sortes de louages : celui des choses et celui d'ouvrage.

Dans le louage des choses l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à lui payer.

Dans le louage d'ouvrage l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles.

Le louage est donc un contrat à titre onéreux : à titre gratuit, ce serait un prêt.

653. Ces deux genres se divisent en plusieurs espèces parmi lesquelles nous aurons à signaler ou étudier :

I. Dans le louage des choses:

1o Le bail à loyer;

2o Le bail à ferme;

3o Le bail à métayage, ou colonage partiaire;

4o Le bail emphytéotique;

5o Le bail à complant (1);

6o Le bail à convenant ou à domaine congéable (2); 7° Le bail à cheptel.

II. Dans le louage d'ouvrage :

1o Le louage des domestiques ou gens de travail qui s'engagent au service de quelqu'un ;

2o Le louage des voituriers;

3o Le louage des entrepreneurs d'ouvrages par suite de devis ou marchés, ou contrat d'entreprise.

654. Le bail à loyer est celui des maisons et des meubles en général. On appelle locataire celui qui reçoit la chose louée, propriétaire ou bailleur celui qui la donne. Ce contrat étant beaucoup plus urbain que rural, nous ne lui consacrerons aucun développement. Pour l'étude des règles qui s'y rapportent et dont beaucoup, d'ailleurs, sont communes au bail à ferme, nous renverrons aux articles 1704 et suivants du Code civil.

BAIL A FERME.

655. Le bail à ferme est celui des héritages ruraux. On désigne sous le nom de bailleur celui qui donne l'immeuble à

(1) Le bail à complant n'est guère usité que dans la région nantaise. Il ne s'applique qu'à la vigne. Les détails en sont réglés par les principes généraux du droit et par une loi du 8 mars 1898.

(2) Le bail à convenant est spécial à certaines parties de la Bretagne (Finistère, Morbihan, Côtes-du-Nord). Il est régi par les lois des 7 juin-6 août 1791 et 8 février 1897.

bail, de preneur celui qui le reçoit, et de fermage la redevance due au bailleur.

656. Le bail à ferme se forme par le consentement des parties, et il est parfait dès qu'elles sont d'accord sur la chose, le prix, et les conditions accessoires. Comme nous l'avons vu, l'usufruitier peut donner à bail; d'autre part, la capacité d'administrateur suffit pour permettre la conclusion de ce contrat. Il en résulte que les personnes pourvues de la demicapacité : mineur émancipé, prodigues, femmes séparées de biens, et les simples administrateurs, tuteur, mari pour les biens, même dotaux, de sa femme, peuvent donner à bail. Toutefois, la durée des baux consentis par l'usufruitier, par le mari pour les biens de sa femme, par le tuteur pour ceux de son pupille, par le mineur émancipé, ne peut dépasser neuf années, avec faculté de renouvellement trois années avant l'expiration, de sorte que ces baux ne sont opposables que pour chaque période des douze années, suivant ce qui a été dit à propos de l'usufruit.

657. Le contrat de bail est parfait, par le seul effet des consentements et sans qu'il soit nécessaire de constater cet accord par écrit. Mais s'il n'y a pas là une nécessité pour assurer l'existence du bail, ce sera souvent indispensable en fait pour en établir la preuve. Si le bail a été fait sans écrit et que l'une des parties le nie, cette preuve n'en peut, en effet, être présentée que de trois façons :

1o Par le serment d'office déféré à la partie qui nie le bail;

2o Par l'aveu judiciaire, ou par l'aveu extra-judiciaire écrit ;

3o Par l'exécution. Lorsque le fermier s'est installé, ni lui, ni le propriétaire ne peuvent plus nier l'existence du bail. Mais il faut que le commencement d'exécution ne soit ni douteux ni contesté. La preuve du commencement d'exécution ne peut pas plus être administrée par témoins que celle de l'existence du bail elle-même. Or, sur ce point, la preuve testimoniale n'est jamais admise, quelque minime que soit la location, qu'il y ait ou non commencement de preuve par écrit et quoiqu'on allègue qu'il y a eu des arrhes données.

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