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de ce moment, le créancier dans l'obligation devient propriétaire de ces choses.

Dettes de corps certains.

540. Si la chose à donner est déterminée à la fois dans sa nature et dans son individualité, s'il s'agit par exemple de livrer tel cheval, telle charrue, etc., on dit qu'il y a obligati n de corps certain. Cette obligation, dès qu'elle a pris naissance, entraine mutation immédiate de la propriété : le corps certain, objet de l'obligation, devient la propriété du créancier, sans que la livraison ait besoin d'être faite.

Conséquences du transfert.

541. De la mutation de propriété, résultent des conséquences qu'il est important d'analyser.

1° Déplacement des risques. Il est de règle, quand une chose vient à périr, que la perte en soit supportée par son propriétaire. Dès lors, aussitôt que l'obligation de donner a déterminé la mutation de propriété, dès qu'elle s'est formée s'il s'agit d'un corps certain, dès que la détermination (pesée ou mesurage) a eu lieu s'il s'agit d'une dette de genre, les risques incombent au créancier dans l'obligation, c'est-à-dire à celui auquel la chose est acquise.

542. En appliquant cette règle au contrat de vente, qui fait naître une obligation de donner, nous déciderons que la chose vendue appartient à l'acquéreur, sans qu'il y ait eu livraison, dès que les parties sont d'accord sur la chose et sur le prix. Dès lors, si cette chose vient à périr sans qu'il y ait de la faute du vendeur, l'acquéreur n'en sera pas moins obligé de payer le prix convenu et supportera seul la perte. Mais si la perte avait pour cause une faute du vendeur, il n'en serait plus de mème. Non seulement l'acquéreur cesserait d'être tenu de payer le prix, mais encore il aurait droit à des dommages-intérêts vis-à-vis de son vendeur qui se serait mis par sa faute dans l'impossibilité de tenir son engagement.

543. Cela suppose, d'ailleurs, que l'obligation était pure et

simple, ou seulement à terme. Si elle était subordonnée à une condition suspensive, la perte de la chose survenant avant la réalisation de la condition d'où dépendait la formation de l'obligation, empêcherait celle-ci de prendre naissance, son objet ayant disparu, et par conséquent, la mutation de propriété de s'opérer (110): par exemple, j'achète un cheval sous la condition qu'il me convienne quand je l'aurai essayé, l'obligation de donner (de donner le droit de propriété portant sur le cheval) qui doit me transférer les risques n'existera pour mon vendeur qu'après l'essai et à la condition que l'animal me convienne; jusque-là, n'étant pas propriétaire du cheval, je ne cours aucun risque. Si l'animal vient à périr avant l'essai, l'obligation ne peut pas naître, son objet ayant disparu, et les risques ne peuvent pas m'être transmis.

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544. Si, au lieu d'ètre suspensive, la condition était résolutoire, il est admis assez généralement que les risques seraient à la charge de l'acheteur : si je vends un cheval à la condition de le reprendre à ma volonté, au bout d'un mois, en restituant le prix à l'acheteur, celui-ci supportera les risques à dater de la vente, et si l'animal vient à périr avant que le inois convenu ne soit écoulé, je n'aurai nullement à en restituer le prix. 545. 2o Impossibilité pour le débiteur de transmettre à nouveau l'objet vendu. Le débiteur, dans l'obligation de donner, cessant d'ètre propriétaire de la chose due, n'en peut plus transmettre valablement la propriété à autrui. De là peuvent résulter des difficultés dans le cas où la livraison n'ayant pas eu lieu immédiatement, le débiteur viendrait à aliéner de nouveau le bien qu'il détient encore quoiqu'ayant cessé d'en être propriétaire. Quel est, en effet, dans ces conditions l'acquéreur qui devra être préféré? Voici par exemple V., qui vend à A. une certaine chose, sous la condition de la livrer dans un délai déterminé. Cette vente fait naître entre les parties une obligation de donner la chose. Mais pendant que V. la détient encore, un autre acquéreur X. se présente, ignorant le premier marché et offrant un prix plus élevé que celui qui a été déjà réalisé. V., dépourvu de scrupules, acceptant la proposition, qui, de A. ou de X. aura droit à la chose? Qui des deux devra se contenter d'un

recours en dommages-intérêts, le plus souvent illusoire, vis-àvis du vendeur de mauvaise foi? Quelle que soit la solution admise, la mauvaise foi du vendeur, qui ne s'annonce par aucun indice, n'en sera pas moins susceptible de causer à l'un ou à l'autre des acquéreurs un tort appréciable.

Pour éviter la fraude, le droit romain exigeait, pour qu'il y eût mutation de propriété, non seulement la réalisation de l'obligation de donner, mais encore la tradition ou livraison de la chose. Celui qui négligeait d'exiger la tradition savait à quoi il s'exposait; d'autre part celui qui, en achetant, obtenait livraison, était sûr d'ètre devenu propriétaire de la chose acquise. Mais ce système présente des inconvénients, et en particulier celui d'une certaine lenteur de l'opération, aussi le problème a-t-il été résolu autrement dans le droit français.

546. S'il s'agit d'un meuble, dès que la livraison a élé faite, le possesseur sera devenu propriétaire en vertu de la maxime: En fait de meubles, la possession vaut titre (471 et s.). Si aucune livraison n'avait été faite, après deux ou plusieurs ventes successives, et si, d'autre part, l'ordre dans lequel se sont présentés les acquéreurs était établi, le premier en date serait préféré comme propriétaire, le second et les suivants n'ayant droit qu'à des dommages-intérêts. Quiconque achète un objet mobilier sans exiger livraison immédiate sait donc à quoi il s'expose.

547. S'il s'agit d'un droit réel immobilier, le transfert ne sera opposable aux tiers qu'autant que l'écrit qui constate l'existence de l'obligation (acte de vente, jugement), aura été transcrit et de tous les acquéreurs, dans le cas de plusieurs ventes successives faites par le mème vendeur, le premier qui aura fait transcrire son acte sera préféré, peu importe qu'il soit intervenu au dernier rang comme acheteur. L'acte non transcrit conserve sa valeur entre les partis, mais il est sans effet à l'égard des tiers. Tel est le régime appliqué en France depuis le 1er janvier 1856, en vertu de la loi du 23 mars 1855.

Comme le mot l'indique, la transcription consiste à prendre copie de l'écrit sur un registre spécial tenu au bureau du conservateur des hypothèques. Elle doit être requise au

bureau des hypothèques de la situation des biens (1).. Ces mesures sont loin d'être suffisantes. Elles permettent à tout acheteur éventuel d'un immeuble de se renseigner sur les mutations entre vifs auxquelles il a donné lieu ou aux droits réels qui sont venus le grever depuis que la loi est appliquée, mais non sur certains privilèges et hypothèques non plus que sur les mutations qui se produisent par décès, lesquelles ne sont pas soumises à la transcription. De plus, la tenue des registres laisse à désirer quant à la méthode les transcriptions sont rangées sous le nom du propriétaire de la parcelle. Il en résulte que pour connaître la situation de celle-ci, il faut prendre connaissance de toutes. les inscriptions qui peuvent figurer sous les noms des proprié-taires qui se sont succédé dans sa possession en remontant jusqu'à trente années au moins, terme qui, dans la généralité des cas, assure le bénéfice de la prescription. Or, si durant cette période, l'une des mutations s'est faite par décès, il pourra être difficile d'ètre renseigné faute de connaître celui qui a, par ce moyen, détenu l'immeuble.

C'est donc sous le nom ou le numéro de la parcelle mème,. que les transcriptions devraient être groupées, mais la réalisation de cette réforme n'est pas sans présenter de lourdes difficultés par suite de sa connexité avec la réforme du cadastre lui-même. Il faudrait tout d'abord établir l'identité de chaque parcelle, ce qui est loin d'être réalisé, ainsi que

(1) La transcription est indispensable pour conférer valeur à l'égard des tiers aux actes suivants (L. du 23 mars 1855) :

1o Tout acte entre vifs, translatif de propriété immobilière ou de droits réels susceptibles d'hypothèque; 2° tout acte portant renonciation à ces mêmes droits; 3° tout jugement qui déclare l'existence d'une convention verbale de la nature ci-dessus exprimée; 40 tout jugement d'adjudication, autre que celui rendu sur licitation au profit d'un cohéritier ou d'un copartageant (art. 1er); 5o tout acte constitutif d'antichrèse, de servitude, d'usage et d'habitation; 6o tout acte portant renonciation à ces mèmes droits; 7° tout jugement qui en déclare l'existence en vertu d'une convention verbale; 8o les baux d'une durée de plus de dix-huit années; 9o tout acte ou jugement constatant, même pour bail de moindre durée, quittance ou cession d'une somme équivalente à trois années de loyers ou fermages non échus.

nous l'avons montré dans le volume consacré à l'Économie rurale.

EFFETS DES OBLIGATIONS.

548. Une obligation produit des effets de deux sortes: 1o Pour le créancier, elle crée des droits; 2° pour le débiteur, elle crée un état de contrainte qui le met dans la nécessité d'assurer ou de supporter l'exercice de ces droits. On appelle égalemen obligation la contrainte qui pèse ainsi sur le débiteur.

L'étendue des droits accordés au créancier dépend de la nature de l'obligation et, sous ce rapport, il faut distinguer entre les obligations naturelles et les obligations civiles. Nous nous occuperons d'abord de ces dernières, puis des obligations naturelles, et enfin des particularités qui peuvent résulter de ce que les obligations seraient affectées de diverses modalités.

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549. L'obligation civile est celle dont l'existence est non seulement reconnue, mais aussi sanctionnée par la loi. Elle confère au créancier des droits de trois sortes : 1o Celui d'obtenir au besoin l'exécution forcée de l'obligation; 2o celui d'exercer certains droits pour conserver intact le patrimoine du débiteur (action oblique : Nos 567-568-569 ou action révocatoire 570 et s. ou séparation des patrimoines 576); 3o celui d'obtenir des dommages intérêts en cas de retard ou d'inexécution (556 et 577).

550. Mise en demeure. —Mais l'obligation ne produira tous ses effets qu'à dater de la mise en demeure ou, plus simplement, de la demeure. On entend par là certains actes émanés du créancier et qui ont pour but de faire connaître son intention arrêtée d'exercer ses droits. Jusque-là, on est en droit de supposer que l'obligation est à un terme qui n'est pas échu, ou bien, si le terme est échu, que le créancier peut avoir des raisons pour ne pas traiter le débiteur avec toute la rigueur que lui permet son titre. Toutefois, il en est autrement si, par une convention, les parties ont décidé que l'arrivée du terme

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