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déposent des limons ou se retirent d'une rive pour se porter sur l'autre (C. civ., 556 et 557).

369. L'alluvion profite au propriétaire du fonds auquel elle se joint. En application de cette règle, le rivage de la mer appartenant à l'État (C. civ., 538), les relais de mer deviennent également la propriété de l'État. D'autre part, l'alluvion qui se forme le long d'un cours d'eau appartient au propriétaire riverain sans que celui de la rive opposée, sur laquelle l'eau pourrait au contraire gagner, soit admis à formuler de réclamations (C. civ., 556-557). Il lui est seulement loisible de se livrer à des travaux de défense. Si le cours d'eau est navigable ou flottable, le riverain devra continuer à fournir le chemin de halage ou marchepied.

370. Les lacs et étangs font exception à cette règle générale. En ce qui les concerne, la limite des propriétés est indiquée par le niveau de la décharge: soit que l'eau baisse ou qu'elle s'élève, le propriétaire de l'étang conserve toujours le terrain qu'elle couvrirait si elle était à la hauteur de la décharge (C. civ., 558). Cela, bien entendu, sans préjudice du cas où le terrain situé autour de la pièce d'eau appartiendrait au même propriétaire que celle-ci.

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371. 2o Avulsion. Sous ce nom, on désigne l'enlèvement par une force subite, et le transport sur une autre propriété, d'une portion reconnaissable d'un champ riverain. Le propriétaire de la partie enlevée peut la réclamer. Mais il doit le faire et, s'il y a lieu, former sa demande en justice, dans l'année même de l'enlèvement. Passé ce délai, il n'y serait admis qu'au cas où le propriétaire du fonds auquel se trouve unie la partie enlevée n'en aurait pas encore pris possession.

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372. 3° Iles et îlots. Les îles et ilots, au moment où ils se forment, appartiennent au propriétaire du lit du cours d'eau dans lequel ils prennent naissance, c'est-à-dire à l'État si le cours d'eau est navigable ou flottable, aux riverains dans le cas contraire. Dans ce cas, le partage en est fait entre les riverains des deux rives opposées suivant une ligne que l'on suppose tracée au milieu de la rivière, et entre ceux d'une même rive, pour ce qui leur revient, si l'ile se prolonge en face de plusieurs propriétés, au moyen d'une perpendiculaire menée

de chaque limite à cette médiane: chaque propriétaire prend de la partie de l'île attribuée à sa rive la part comprise entre les deux perpendiculaires partant de ses limites (1).

373. Il faut noter que les îles et les îlots, s'ils appartiennent à l'État au moment de leur formation, n'en sont pas moins aliénables et prescriptibles, car ils font partie du domaine privé. Les particuliers peuvent donc en avoir acquis la propriété et dans ce cas, suivant la règle générale, profiter de l'alluvion qui s'y ajoute.

374. Enfin, si l'ìle au lieu de se former par des atterrissements dans le lit du cours d'eau, prend naissance par suite de la formation d'un bras nouveau, le terrain ainsi englobé dans le cours d'eau ne cesse point pour cela d'appartenir au même propriétaire, qu'il s'agisse d'un cours d'eau navigable, flottable

ou non.

375. 4° Changement de lit. Dans ce cas, le cours d'eau abandonne son ancien lit pour un nouveau.

S'il s'agit d'un cours d'eau navigable ou flottable, et dans le cas où le changement de lit résulte des forces de la nature, le lit abandonné demeure la propriété de l'État, mais les riverains peuvent l'acquérir, chacun en droit soi, jusqu'à une ligne qu'on suppose tracée au milieu de la rivière, et pour le prix fixé par des experts nommés par le président du tribunal de la situation des lieux, à la requête du préfet du département. Ils doivent faire connaître dans un délai de trois mois, à dater de la notification qui leur est faite par le préfet, s'ils entendent acquérir le terrain. S'ils n'ont pas donné de réponse dans ces délais, le terrain est mis en adjudication et dans tous les cas, le prix provenant de la vente est distribué aux propriétaires des fonds occupés par le nouveau cours, à titre d'indemnité, dans la proportion de la valeur du terrain enlevé à chacun d'eux (C. civ., 563).

376. Les propriétaires riverains peuvent exercer le mème droit de préemption sur le lit abandonné par un cours d'eau navigable ou flottable à la suite de travaux légalement exécutés (L. du 8 avril 1898, art. 38).

(1) Baudry-Lacantinerie, Précis de droit civil, I, 1896, no 1353.

377. Si c'est un cours d'eau non navigable et non flottable qui change de lit naturellement, les riverains de l'ancien lit, de même que ceux du lit nouveau peuvent prendre les mesures nécessaires pour rétablir le cours primitif. Faute par eux de le faire dans l'année, les riverains du nouveau lit sont tenus, sans avoir droit à aucune indemnité, de fournir le terrain occupé. Ceux de l'ancien lit reprennent possession de leur terrain abandonné. Ces diverses solutions s'expliquent tout naturellement, d'une part, par le désir pour le législateur de régler les choses en toute équité, et, d'autre part, en raison des avantages qui résultent d'un cours d'eau sur une propriété.

III. Animaux. 378. Les animaux dont la loi attribue la propriété au propriétaire du fonds sur lequel ils viennent se fixer appartiennent à des catégories particulières dans lesquelles les individus se distinguent mal ou ne se distinguent point les uns des autres et qui, d'autre part, ne sont pas toujours complètement domestiques. De là surgiraient de nombreuses difficultés pour en connaître le propriétaire si on ne leur appliquait pas des règles spéciales. On les peut grouper en deux classes distinctes, l'une comprenant ceux qui ne sont acquis au propriétaire du fonds qu'après un séjour assez prolongé : ce sont les volailles et autres animaux de basse-cour; l'autre comprenant ceux qui sont acquis dès qu'ils sont fixés sur le fonds ce sont les pigeons des colombiers, les lapins des garennes et les poissons des étangs, pourvu qu'ils n'aient pas été attirés par fraude ou artifice dans les colombiers, garennes ou étangs dans lesquels ils sont venus se fixer (C. civ., 564). Il faut y ajouter les abeilles. Mais le propriétaire d'un essaim, c'est-à-dire celui de la propriété duquel il est sorti, a le droit de le réclamer et de s'en ressaisir tant qu'il n'a point cessé de le suivre (L. 4 avril 1889 sur le Code rural, art. 9). Quant au sort des volailles et autres animaux de basse-cour qui s'enfuient dans les propriétés voisines : ils ne cessent pas d'appartenir à leur maître quoiqu'il les ait perdus de vue. Néanmoins, celuici ne pourra plus les réclamer un mois après la déclaration qui devra être faite à la mairie par les personnes chez lesquelles les animaux se seront enfuis.

DE LA PROPRIÉTÉ (suite). — V.

- DROIT DE DISPOSER.

379. Disposer d'une chose, c'est dépasser à son égard l'usage et la jouissance : c'est aller jusqu'à la détruire ou l'abandonner.

Le plus souvent, on n'abandonne une chose qu'en la transmettant à quelqu'un, soit à titre gratuit, soit par voie d'échange, mais dans tous les cas au moyen d'un acte juridique tel que la vente ou l'échange. C'est en étudiant ces actes que nous aurons à examiner les conditions dans lesquelles il est permis de disposer de cette façon. Nous ne retiendrons ici que la réglementation du droit de défricher les bois, d'où résulte une restriction au droit de disposer, par destruction, de la chose dont on est propriétaire.

380. Les motifs de cette réglementation sont tirés de la très grande utilité des massifs boisés. Les forêts exercent en général une action favorable sur le climat quant à la salubrité. Elles contribuent puissamment à la régularisation du régime des eaux, en particulier à la conservation des sources, à la fixation des dunes sur le bord de la mer, ou des terrains disposés en pente rapide sur les montagnes, etc. De là la protection qui leur est assurée par la loi et qui a fait l'objet des articles 219 et suivants du Code forestier.

Défricher un bois, ce n'est pas nécessairement en extirper les arbres avec leurs souches et diviser le sol pour le mettre en culture ce sera tout ensemble de pratiques devant aboutir à la destruction du peuplement. Par exemple, la coupe à blanc étoc pour les essences qui ne donnent pas de rejets comme la plupart des résineux, ou bien le pâturage succédant à une coupe semblable pour des essences feuillues susceptibles de se perpétuer par des rejets, etc. Le propriétaire peut done. exploiter et améliorer ses bois, mais il doit le faire sans cesser de recourir aux moyens qui permettent d'assurer la perpétuité du peuplement.

381. Le propriétaire qui veut défricher doit en faire la déclaration à la sous-préfecture, au moins quatre mois à l'avance, et en ayant le soin d'indiquer d'une manière précise

quelle partie il veut défricher et dans quel massif elle se trouve. Cette déclaration doit être faite par le propriétaire luimême (et non par son fermier par exemple), quel que soit l'agent chargé d'opérer le défrichement. Elle doit contenir élection de domicile dans le canton de la situation des bois, ètre rédigée sur timbre en double minute, dont une, visée par le sous-préfet el retournée au propriétaire, lui tiendra lieu de récépissé et lui permettra, si aucune opposition ne lui est signifiée dans le délai de quatre mois, de procéder sans risques au défrichement.

Une fois la déclaration faite, l'affaire est soumise à une instruction dont les deux principaux traits sont les suivants :

1o Avant la signification de l'opposition, et huit jours au moins après en avoir averti le propriétaire, un agent de l'administration forestière vient procéder à la reconnaissance de la parcelle à défricher et en dresse un procès-verbal. Ce procèsverbal est non pas seulement communiqué, mais notifié à l'intéressé qui l'étudie et présente ses observations. Ces formalités accomplies, le conservateur des forêts pourra former son opposition et en faire donner signification au propriétaire (1).

2o Signifiée dans le délai de quatre mois après le dépôt de la déclaration, cette opposition oblige le propriétaire à surseoir au défrichement, mais elle n'est irrévocable qu'après confirmation et, à ces fins, la procédure va se poursuivre de la manière suivante. Le dossier, remis au préfet, sera, avec l'avis de celui-ci sur l'opposition, transmis au ministre de l'agriculture en même temps que l'avis du préfet sera notifié d'une part au propriétaire, de l'autre à l'agent forestier du départe

(1) L'opposition au défrichement ne peut être formée que pour les bois dont la conservation est reconnue nécessaire : 1o au maintien des terres sur les montagnes ou sur les pentes; 2o à la défense du sol contre les érosions et les envahissements des fleuves, rivières ou torrents; 3° à l'existence des sources et cours d'eau; 4o à la protection des dunes et des côtes contre les érosions de la mer et l'envahissement des sables; 5° à la défense du territoire dans la partie de la zone frontière qui sera déterminée par un règlement d'administration publique (décret du 3 mars 1874); 6o à la salubrité publique (C. F., 220).

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