Page images
PDF
EPUB

entendre que ces actes doivent se répétér tous les jours, mais seulement d'une manière régulière en rapport avec la nature et le mode d'utilisation de la chose il ne sera point nécessaire, pour exercer la possession au sujet d'un passage, d'être sans cesse sur le terrain, mais d'y passer selon les besoins pour l'exploitation du fonds qu'il dessert.

:

248. La possession serait clandestine et pour cette cause sans utilité, si celui qui l'invoque avait cherché à cacher les actes par lesquels se manifeste la possession. La clandestinité n'est un vice que si elle existe au début. Comme pour la violence, le vice est relatif et n'existera qu'à l'égard des personnes auxquelles le possesseur aura cherché à cacher ses actes, non à l'égard des autres. Il n'existera pour personne si, sans se livrer à aucune publicité spéciale, le possesseur agit comme le ferait tout propriétaire.

249. L'équivoque est un vice si elle porte sur l'un des éléments constitutifs de la possession: élément intentionnel ou élément matériel (1); tel est le cas pour les actes accomplis par l'un des copropriétaires d'un bien indivis, pour la totalité du bien : sa situation de copropriétaire lui permettant d'accomplir de tels actes en cette qualité, il n'est jamais possible de savoir s'il agit ou non exclusivement pour son propre compte et, par conséquent, s'il s'acquiert ou non les éléments de la possession.

250. On dit encore que la possession doit être non précaire. Elle est précaire, quand celui qui accomplit sur la chose les actes de possession agit pour le compte d'autrui tel est le cas du fermier. Dans ce cas, il manque l'élément intentionuel et il n'y a pas possession au sens juridique du mot, il y a simplement détention. Il faut noter que la simple detention confère un droit par elle-mème: Texercice de l'action possessoire appelée réintégrande.

251. La possession est protégée par les actions possessoires. On appelle de ce nom les actions en justice permettant au possesseur qui viendrait à être dépouillé ou troublé dans sa possession, de s'y faire réintégrer ou maintenir en faisant

(1) Planiol.

cesser le trouble. On en distingue habituellement deux sortes la réintégrande et la complainte.

252. La réintégrande suppose une dépossession violente à la suite de laquelle celui qui en a été victime demande au juge à être réintégré dans sa situation primitive. C'est improprement que cette action est appelée possessoire, car elle n'est pas accordée seulement au possesseur, mais encore au simple détenteur, même d'un bien non susceptible de propriété privée, qui aurait été dessaisi au moyen de voies de fait. Elle est par conséquent accordée au locataire que son bailleur aurait expulsé violemment. Elle est fondée sur ce principe, en dehors duquel aucun ordre social ne saurait exister, à savoir que nul ne peut se faire justice soi-même.

Les juges n'auront donc pas à savoir si le demandeur avait bien le droit de détenir la chose dont il a été dessaisi, pas plus que si celui qui s'en est emparé, étant le véritable propriétaire, ne faisait que reprendre sa chose, ils auront simplement, la dépossession violente ayant été constatée, à rétablir chacun dans sa situation primitive. Mais aussi, leur décision n'ira pas au delà et n'aura nullement pour effet de conférer ou de reconnaître au demandeur des droits de possession ou de détention sur l'objet du litige. Cette question doit faire l'objet d'une instance distincte. Deux conditions seulement sont donc exigées pour l'exercice de la réintégrande : une détention paisible, mème de courte durée, et une dépossession violente. En outre, il faut noter que l'action n'est recevable que dans l'année même où l'acte de dépossession a été commis (Pr. civ., 23).

253 L'action en complainte se présente sous deux variétés : la complainte proprement dite et la dénonciation de nouvel

œuvre.

254. La complainte proprement dite suppose qu'il est apporté à la possession, par un tiers, un trouble que le plaignant désire faire cesser. Il faut qu'il s'agisse d'un trouble de droit et non d'un simple trouble de fait, c'est-à-dire qu'il s'agisse de l'un des actes susceptibles de fonder en faveur de celui qui l'accomplit, l'élément matériel de la possession (240), mais non point seulement d'un délit contre la propriété :

Qu'un maraudeur dérobe des fruits, sans prétendre le faire en vertu d'un droit, et il y aura là simplement matière à des poursuites criminelles ou à dommages-intérèts; mais qu'une tierce personne vienne effectuer une récolte, ou réclamer le prix du loyer au fermier comme le ferait le propriétaire luimême, ou pousse ses ensemencements au delà de la limite qui nous sépare, etc., et l'action possessoire sera justifiée.

Les conditions imposées pour que l'action soit recevable sont les suivantes : 1° Que la possession soit exempte de vices; 2o qu'elle ait duré au moins un an; 3° qu'elle soit relative à une chose susceptible de propriété privée et de nature immobilière; 4° Que l'action soit intentée dans l'année même à dater du jour où le trouble s'est produit.

255. La dénonciation de nouvel œuvre suppose non pas l'existence d'un trouble actuel, mais de travaux en cours d'exécution et susceptibles, s'ils étaient continués, de porter atteinte à la possession. En l'absence du trouble, qui n'est pas encore né, les juges ne pourront pas ordonner la démolition des travaux, mais seulement qu'ils ne seront pas continués. A part ces particularités, les conditions requises pour l'exercice de l'action en dénonciation de nouvel œuvre sont les mêmes que pour l'exercice de l'action en complainte proprement dite.

256. Les actions possessoires sont de la compétence des juges de paix, qui en connaissent à charge d'appel. Le possesseur victime du trouble, et qui possèderait comme propriétaire, et en vertu de titres de propriété d'une valeur certaine, pourrait également intenter à son adversaire une action pétitoire, c'est-à-dire une action au cours de laquelle il serait admis à établir la preuve de son droit de propriété et qui aboutirait à faire proclamer ce droit par jugement, à lui attribuer par conséquent la possession à titre de propriétaire. Toutefois, il est plus prudent d'exercer d'abord l'action possessoire, et cela pour les raisons suivantes : 1o L'action pétitoire étant de la compétence du tribunal civil, entraînera des frais plus élevés, tant pour l'instance que pour le déplacement; 2o il sera plus facile, en général, d'établir en justice le fait de la possession, que de prouver le droit de propriété,

et d'autre part, la possession judiciairement constatée, conduira à la propriété par la prescription; 3o enfin, dans le cas d'échec au possessoire, il sera toujours possible de rouvrir une instance au pétitoire, tandis que la réciproque n'est pas vraie après avoir échoué dans sa tentative de faire reconnaître sa possession devant le juge de paix, le possesseur sera admis à produire les preuves de son droit de propriété devant le tribunal civil, tandis que si, commençant par là, il avait échoué, il serait ensuite tenu d'abandonner la possession sans pouvoir recourir au tribunal de paix pour s'en faire reconnaître le profit.

257. Bien que la possession ne constitue pas un droit par elle-même, elle crée, en raison des effets juridiques qu'elle produit, une situation particulièrement avantageuse. Par des moyens variables suivant la nature des objets auxquels elle s'applique elle conduit facilement à la propriété. D'autre part, par elle-mème, elle confère au possesseur certains droits du propriétaire. Enfin, dans le cas où un procès en revendication de propriété serait intenté au possesseur, celui-ci se trouvera, du fait de sa possession, dans la situation d'un défendeur, c'est-à-dire qu'il n'aura point à prouver qu'il a des droits à la possession. En vertu de la règle générale sur le fardeau de la preuve, il sera maintenu dans sa situation jusqu'à ce que son adversaire ait démontré qu'il est lui-même propriétaire.

DEUXIÈME PARTIE

DROITS RÉELS

DU DROIT DE PROPRIÉTÉ.

I.

DIVISION DU SUJET.

258. User, jouir, disposer, ces trois mots résument pour les juristes tous les droits que confère la propriété et que nous étudierons en trois sous-titres correspondants. Mais il est encore important de noter, pour ordonner cette étude, que si le droit de propriété est absolu en ce sens qu'il est opposable à tous, il cesse de l'ètre en ce que les pouvoirs qu'il confère à l'égard de la chose sur laquelle il porte, ne sont pas sans limites, ce que l'article 544 du Code civil exprime de la façon suivante : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » Nous aurons donc, non seulement à constater la nature des facultés accordées au propriétaire, mais encore les limites imposées par la loi dans l'exercice de ces facultés. Il n'entre pas dans notre programme d'épuiser le sujet dans cette première partie. La plupart des limites que nous aurons à signaler ont pour cause les nécessités du voisinage. Or pour toute propriété privée, celui-ci peut se présenter à l'égard d'une autre propriété privée, ou à l'égard d'un bien du domaine public. De là des limites de deux sortes, réglant les rapports du voisinage, les unes vis-à-vis du domaine public, les autres vis-à-vis des propriétés privées. Nous retiendrons ici les dernières surtout, et nous joindrons les autres, pour l'étude, aux diverses règles qui intéressent le cultivateur en ce qui concerne les travaux publics et la voirie.

« PreviousContinue »