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juridictions autres que celles de l'ordre administratif (1).

La Cour de cassation est composée de trois chambres. La chambre des requêtes a pour mission de faire subir le premier examen aux pourvois en matière civile et d'éliminer ceux qui sont manifestement mal fondés. Ceux qu'elle admet sont ensuite examinés par la chambre civile qui par un arrèt motivé maintient ou casse le jugement ou l'arrêt qui en a été l'objet. La chambre criminelle est saisie directement des pourvois formés en matière criminelle, correctionnelle ou de simple police.

TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS.

33. Les tribunaux judiciaires doivent statuer en toute indépendance sur les litiges qui naissent entre particuliers, ou sur l'application des lois pénales, afin de mettre les intérêts et la liberté individuelle à l'abri des entreprises du pouvoir exécutif. Ces garanties nous sont accordées dans une certaine mesure par l'élection (tribunaux de commerce) ou par l'inamovibilité des juges (tribunaux de première instance). Mais, d'autre part, il n'est pas moins utile que le pouvoir exécutif conserve une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir judiciaire. Or, son état de dépendance ne tarderait pas en fait à ètre complet, si l'appréciation des actes de l'administration était sans réserve abandonnée aux tribunaux judiciaires. C'est pour éviter ce danger, dont la réalité a été fréquemment démontrée sous le régime antérieur à 1789, que l'on a organisé et rattaché au pouvoir exécutif des tribunaux constituant la juridiction administrative ou du contentieux administratif. 34. D'une manière générale, ces tribunaux sont chargés de

(1) Toutefois, les juges de paix peuvent prononcer en équité, sans être tenus de se conformer aux dispositions de la loi et leurs juge. ments ne peuvent dans ce cas être l'objet d'aucun pourvoi en cassation, si ce n'est pour cause d'excès de pouvoir (Loi du 25 mai 1838, art. 15). Mais en fait, il n'en sera ainsi qu'autant que leur décision peut être rendue en dernier ressort. Car leurs jugements susceptibles d'appel peuvent être déférés à la Cour de cassation après avoir été soumis à l'examen du tribunal de première instance, qui, lui, en toutes circonstances, est lié par la loi.

trancher les conflits qui naissent de l'opposition entre les intérêts privés et les actes de l'administration. Toutefois, ces conflits peuvent se présenter avec des caractères différents qui entrainent aussi des différences dans la nature du recours susceptible d'être exercé.

35. Il peut arriver à l'administration agissant dans la plénitude de ses droits, c'est-à-dire conformément aux pouvoirs qu'elle tient de la loi, d'accomplir un acte qui froisse des intérêts privés et cela sans qu'il y ait eu urgence à le faire : tel est le cas par exemple, lorsque le maire (ou le préfet), en dehors de certaines circonstances (cas de rage), prendrait un arrêté interdisant la circulation des chiens. Dans ces conditions, le seul recours qui puisse être exercé par les intéressés consistera en une simple requête ou pétition (sur timbre) adressée à l'autorité même qui a accompli l'acte qu'ils désirent voir rapporter ou à l'autorité dont ils désirent un acte nouveau : c'est le recours gracieux. Il se fonde sur ce principe que l'administration doit être bienveillante et ne doit point, même conformément aux lois, froisser les intérêts privés sans utilité.

36. Dans l'administration, l'organisation est hiérarchique, ce qui signifie que les actes de gestion ou d'autorité sont exercés, d'une manière générale, par des agents soumis au contrôle de chefs directs auxquels a été déléguée une autorité plus grande, et ceux-ci eux-mêmes à un contrôle nouveau reposant sur le même principe, jusqu'à ce que, de degré en degré, on parvienne jusqu'au ministre qui représente l'autorité la plus élevée dans les services dépendant de son département ministériel. Les agents des services locaux ont pour chef suprême l'autorité locale la plus élevée et non point le ministre. C'est ainsi que le maire est le chef suprême des employés de la mairie.

Le recours est dit hiérarchique lorsqu'il est porté non plus devant l'autorité même d'où émane l'acte à réformer, ou de laquelle on attend l'acte nouveau, mais devant l'autorité immé diatement supérieure. On comprend, dès lors, que le recours gracieux est le seul qui puisse être exercé au sujet de l'acte d'un ministre, puisque celui-ci n'a pas de supérieur hiérarchique.

37. Contre des actes accomplis en dehors des règles prescrites par les lois, et qui donnent lieu, par conséquent, à un véritable droit de réparation en faveur de la partie lésée, le recours, plus énergique, est appelé recours contentieux. C'est le seul qui puisse s'exercer devant les tribunaux administratifs. Ces mêmes actes peuvent également donner lieu, sans qu'il y ait obligation de le faire, soit au recours gracieux, soit au recours hiérarchique qui constituent une sorte de procédure préalable comparable à la conciliation pour les tribunaux judiciaires, différente néanmoins d'abord en ce qu'elle n'est pas obligatoire, et ensuite en ce qu'elle peut s'exercer parallèlement au recours contentieux.

Il sera même prudent d'exercer ces deux actions parallèlement, ou tout au moins, d'avoir le soin d'exercer le recours contentieux avant que les délais pendant lesquels il est recevable soient expirés.

Ces délais ne se trouveraient nullement augmentés du fait qu'un recours gracieux, ou hiérarchique, aurait été exercé et laissé sans réponse de la part de l'administration.

Celle-ci, en effet, n'est nullement tenue de se prononcer sur les recours qui lui sont adressés. D'autre part, son silence, passé un délai de quatre mois, doit être interprété comme une décision de rejet (Loi du 17 juillet 1900).

38. Le recours devant les tribunaux sera donc admis exclusivement contre des actes accomplis en dehors des règles prescrites par la loi. Mais des difficultés se présentent, lorsqu'il s'agit de savoir si le recours doit être exercé devant les tribunaux administratifs ou s'il relève de la compétence des tribunaux judiciaires.

Lorsque l'accord ne s'établit pas sur ce point, on dit qu'il y a conflit d'altribution. Le conflit est positif lorsque les deux juridictions, judiciaire et administrative, se déclarent l'une et l'autre compétentes pour connaître d'une mème affaire; il est négatif lorsque toutes les deux se dénient la compétence.

Dans tous les cas, la question est tranchée par le tribunal des conflits, réorganisé en 1872.

39. Le principe d'après lequel s'établit le partage des attributions entre ces deux juridictions s'est sensiblement modifié

au cours du siècle dernier. Très absolu dans le droit révolu

tionnaire, qui interdisait aux tribunaux judiciaires <<< de connaître des actes d'administration de quelque espèce qu'ils soient », les décisions de la jurisprudence en ont singulièrement diminué la portée et actuellement il peut être ainsi formulé :

1° « Tout ce qui est appréciation des actes et des opérations de la puissance publique doit être de la compétence des tribunaux administratifs;

2o Tout ce qui n'est pas appréciation des actes et des opérations de la puissance publique doit être laissé aux tribunaux judiciaires. >>

Dans l'application du principe, on rencontrera quatre espèces de contentieux, savoir: 1° le contentieux de l'annulation; 2o le contentieux de pleine juridiction; 3° le contentieux de l'interprétation; 4° le contentieux de la répression.

Annulation. - Il s'agit d'obtenir l'annulation d'un acte, soit un règlement qui n'a pas été fait conformément aux prescriptions légales. Dans ce cas, la juridiction administrative est seule compétente; le tribunal de l'ordre judiciaire auquel il serait demandé de faire application d'un tel règlement pourrait refuser d'en tenir compte, mais non l'annuler.

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Pleine juridiction. Un certain état de fait, d'où résulte le litige, est soumis aux juges qui ont mission d'apprécier cet état de fait et d'appliquer les règles du droit, comme le font les tribunaux ordinaires lorsque des actes privés seuls sont en jeu. C'est en cette matière, surtout, que peut s'élever le conflit d'attribution. D'une manière générale (1): 1o entrent dans le contentieux administratif, tous les litiges qui naissent entre l'administration agissant comme puissance publique et les particuliers: par exemple, la demande d'indemnité présentée à une administration publique pour préjudice éprouvé à raison d'une faute commise dans les services qui en dépendent; 2o entrent au contraire dans le contentieux judiciaire les litiges qui naissent entre l'administration agissant comme personne privée et les particuliers: par exemple, les différends qui peuvent se former au sujet des dons ou legs faits à l'État,

(1) Maurice Hauriou, Précis de droit administratif, p. 799 et suivantes.

ou des opérations auxquelles donnent lieu les biens privés de l'État, des départements, etc., ou la gestion privée des administrations publiques, opérations telles que les ventes ou locations de biens, achats de fournitures, actes donnant lieu à une action en responsabilité, etc.; mais sur ce deuxième point, divers textes ont consacré des exceptions et réservent aux tribunaux administratifs les matières suivantes que l'application de la règle ferait entrer dans le contentieux judiciaire : vente des biens nationaux, concessions sur le domaine privé de l'État, baux des sources minérales. 3o Les tribunaux judiciaires sont encore compétents, lorsque le litige repose sur une dépossession définitive de propriété au profit de l'administration. Il y a dans ce cas une expropriation indirecte, soumise aux mêmes règles de compétence que l'expropriation directe quant au règlement judiciaire de l'indemnité.

Interprétation.

L'interprétation d'un acte administratif dont le sens est obscur ou la validité contestée est une matière réservée au contentieux administratif. Elle ne peut être demandée qu'autant que la solution à donner à un litige né et actuel lui est subordonnée, mais non point par voie de demande principale et en dehors de tout litige.

L'interprétation peut être demandée même pour des actes d'administration émanés directement du pouvoir législatif et qu'il faut éviter de confondre avec les lois dont ils n'ont que la forme: «La loi est établie en permanence pour un nombre indéterminé d'actes ou de faits », tandis que l'acte d'administration est une décision qui ne doit être exécutée qu'une seule fois. Répression. En principe, la répression des délits est du ressort des tribunaux judiciaires, auxquels est spécialement confiée la sauvegarde de la liberté individuelle. Pour cette raison, eux seuls peuvent prononcer une peine d'emprisonnement. Par exception à cette règle, la juridiction administrative (conseil de préfecture) a une compétence répressive en matière de grande voirie. Mais les seules pénalités qu'elle ait le droit de prononcer consistent dans une amende, la réparation des dommages et les frais du procès-verbal. Dans le cas où la gravité de l'infraction aux lois justifierait un emprisonnement, la juridiction administrative doit renvoyer le prévenu devant les tribunaux de l'ordre judiciaire.

40. L'organisation de la juridiction administrative diffère profondément de celle des tribunaux judiciaires. Pour la

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