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donnée par le tribunal civil de son dernier domicile et dans le cas de nécessité. Il faut entendre par là non seulement les circonstances qui peuvent rendre nécessaire une intervention en vue de protéger les intérêts de l'absent, mais encore le cas où les intérêts des tiers souffriraient de l'abandon de ses biens. La décision du tribunal peut être provoquée par les intéressés (C. civ., 112), c'est-à-dire, en premier lieu, par les personnes ayant à agir un intérêt né et actuel (conjoint, associé, créancier de l'absent, nu-propriétaire des biens dont il a l'usufruit) et par celles qui possèderaient des droits subordonnés au décès du présumé absent (héritiers presomptifs, légataires ou donataires de biens à venir, conjoint, nu-propriétaire, donateur avec pacte de retour). Les pouvoirs du tribunal s'étendent à tout ce qui pourrait être nécessaire, mais aussi s'y trouvent étroitement limités, et il devra se borner à prescrire des actes isolés, des mesures de détail (réparations, inscriptions d'hypothèques, actes interruptifs de la prescription) si elles sont suffisantes, sans confier à un administrateur des pouvoirs généraux. Pour quelques cas particuliers seulement, la loi a fixé la nature des mesures de protection à employer: « Le tribunal, à la requète de la partie la plus diligente, commettra un notaire pour représenter les présumés absents, dans les inventaires, comptes, partages et liquidations dans lesquels ils seront intéressés >> (C. civ., 113). Il faut d'ailleurs noter qu'il ne peut s'agir ici que d'une succession qui se serait ouverte antérieurement à la déclaration d'absence, car celle qui s'ouvrirait à une date postérieure serait dévolue provisoirement à ceux avec lesquels l'absent aurait eu le droit de concourir ou à ceux qui l'auraient recueillie à son défaut (C. civ., 136 et 137). Par voie de réciprocité « Quiconque réclamera un droit échu à un individu dont l'existence ne sera pas reconnue, devra prouver que le dit individu existait quand le droit a été ouvert : jusqu'à cette preuve, il sera déclaré non recevable dans sa demande >> (C. civ., 135).

210. Deuxième période, ou d'envoi en possession provisoire. Elle s'ouvre par l'intervention du jugement prononçant la déclaration d'absence. Ce jugement ne peut pas être provoqué dès que la disparition de la personne a été constatée. Le délai

minimum à observer avant d'introduire la demande est de quatre ou de dix années suivant les cas. Si l'absent n'a pas laissé de procurateur fondé, c'est-à-dire de mandataire pour gérer ses biens, la loi attribue sa disparition à une cause anormale, elle établit une forte présomption en faveur du décès et limite ce délai à quatre années. Elle le fixe à dix ans dans le cas où l'absent aurait laissé un mandataire pour administrer ses biens, parce que dans ces conditions, il y a tout lieu de croire que l'éloignement est volontaire, que la cause en avait était prévue et qu'il n'est que temporaire. Mais il faut, pour allonger le délai, qu'il y ait mandat général d'administrer et non point simple procuration spéciale à l'égard d'une opération isolée (vendre une coupe de bois par exemple).

Le tribunal peut être saisi par les intéressés (C. civ., 115). Il faut entendre par là toutes les personnes ayant des droits subordonnés au décès de l'absent (ses héritiers présomptifs, ses légataires et donataires de biens à venir, son conjoint, le nupropriétaire des biens dont il a l'usufruit, le donateur avec pacte de retour), mais non point les personnes qui auraient des droits nés et actuels (créanciers), auxquels il est seulement permis de provoquer les mesures nécessaires pour assurer l'exercice de leurs droits.

Le tribunal saisi de l'affaire ordonne une enquête dans laquelle le ministère public remplace l'absent. Il ne peut rendre le jugement de déclaration d'absence qu'un an au moins après celui qui a ordonné l'enquête. Il en résulte que la déclaration d'absence ne peut jamais être prononcée si ce n'est cinq années, ou onze années au moins, après la disparition de la personne selon les distinctions établies ci-dessus. Le tribunal reste d'ailleurs toujours libre de ne pas déclarer l'absence ou d'observer un délai plus long.

L'absence une fois déclarée, les héritiers présomptifs de l'absent, ou ceux qu'un testament pourrait faire connaître, peuvent obtenir l'envoi en possession provisoire sous caution de ses biens. Toutefois, l'époux commun en bien peut s'opposer à cet envoi en possession en demandant la continuation de la communauté; il en peut aussi, à son choix, demander la dissolution provisoire.

JOUZIER.

Législation rurale.

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La possession provisoire n'est qu'un dépôt, donnant à ceux qui l'ont obtenu l'administration des biens, mais les rendant comptables envers l'absent, dans le cas où il reparaîtrait et dans celui où on aurait de ses nouvelles (C. civ., 125). La possession provisoire ne permet ni d'aliéner, ni d'hypothéquer les immeubles (C. civ., 128). Elle ne confère qu'une partie des revenus (C. civ., 127) dans le cas où l'absent reparaîtrait. Cette deuxième période de l'absence dure trente ans, ou prend fin plus tôt dès qu'il s'est écoulé cent ans après la naissance de l'absent.

211. Troisième période, ou de l'envoi en possession définitif. Elle commence nécessairement quand la seconde finit et dure indéfiniment, à moins que le retour de l'absent ou la preuve de son décès n'y viennent mettre un terme. Dès que cette deuxième période est ouverte, l'envoi en possession, jusque-là provisoire, devient définitif, les possesseurs deviennent propriétaires de la totalité des revenus et peuvent valablement aliéner les immeubles, sauf, pour l'absent qui reviendrait, ou ses descendants, le droit de reprendre à tout moment les biens restants dans l'état où ils se trouveront, ainsi que le prix de ceux qui auraient été vendus, ou les biens qui auraient été acquis en emploi de leur prix.

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212. Par biens, il faut entendre des choses de deux natures différentes. D'une part des biens corporels, constitués par toute chose matérielle ayant corps, susceptible d'appropriation, et d'autre part des biens incorporels ou choses immatérielles n'ayant point de corps et que l'imagination seule permet de percevoir telle sera, en particulier, une créance, existant et considérée indépendamment des écrits qui servent à en établir la preuve, écrits qu'il faut se garder de confondre avec elle.

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213. Tous ces biens sont l'objet de diverses classifications. La plus importante au point de vue qui nous occupe, en rai

son des fréquentes applications qu'on en fait dans le droit, consiste à les distinguer en meubles et immeubles. Pour établir cette distinction, il suffit de caractériser les immeubles; toute chose qui ne se rattachera pas à cette catégorie par ses caractères devra forcément prendre place parmi les meubles.

214. Le Code civil reconnaît trois catégories d'immeubles : les immeubles par nature, les immeubles par leur destination et les immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent. A cette énumération, il faut ajouter une autre catégorie dans laquelle entrent les immeubles par la déclaration du propriétaire. De ces quatre groupes, ies deux premiers renferment exclusivement des biens corporels et les deux derniers des biens incorporels.

215. Sont immeubles par leur nature, comme le nom l'indique, toutes les choses qui, par nature, ne sont pas susceptibles d'ètre déplacées; elles ont pour type les fonds de terre. A cela, il faut ajouter les objets fixés au fonds et faisant corps avec lui; ce sont ou des édifices ou des végétaux: les bâtiments, les moulins à vent ou à eau fixés sur piliers et faisant partie du bâtiment, les récoltes pendantes par les racines et les fruits des arbres non encore détachés sont immeubles par nature. (C. civ., 517 à 520). Il en est ainsi par extension de tous les végétaux fixés dans le sol, mais non de ceux qui occuperaient des caisses ou terrines.

216. Dès que les végétaux, grains ou fruits, sont détachés du sol, ils sont meubles. Si une partie seulement de la récolte est détachée du sol, cette partie seule est meuble : les pommes qui pendent encore à l'arbre sont immeubles, celles qui sont tombées ou cueillies sont meubles. Pareillement les coupes ordinaires des bois taillis ou des futaies mises en coupes réglées ne deviennent meubles qu'au fur et à mesure que les arbres sont abattus (C. civ., 517 à 521).

217. Les tuyaux servant à la conduite des eaux, dans une maison ou autre héritage, sont également immeubles et font partie du fonds auquel ils sont attachés. Ils sont immeubles par nature, bien qu'il n'ensoit point fait mention dans l'article 523 du C. civ., qui les régit et que cet article se trouve égaré parmi ceux qui sont consacrés aux immeubles par destination. Enfin, à cette

énumération, la loi du 21 avril 1810 ajoute les mines, à l'exclusion des matières extraites et des approvisionnements, qui sont meubles.

218. En résumé, sont immeubles par nature, les fonds de terre et tout ce qui s'y trouve incorporé, soit directement, comme le gros œuvre du bâtiment, soit indirectement, comme les portes, girouettes, marquises, paratonnerres, et toutes choses qui complètent le bâtiment.

219. Les immeubles par destination sont des choses meubles par leur nature, c'est-à-dire qui pourraient être déplacées facilement, et qui deviennent immeubles par le seul effet de la loi. Pour qu'elles soient immeubles, deux conditions sont requises : l'une, commune à toutes, c'est qu'elles appartiennent au même propriétaire que le fonds sur lequel elles se trouvent; la seconde c'est, pour les unes, d'avoir été placées sur le fonds pour son service et son exploitation, pour les autres d'y être fixées à perpétuelle demeure.

220. Parmi les choses destinées au service et à l'exploitation du fonds se placent :

1o Les animaux de la culture, soit que le propriétaire cultive lui-même (C. civ., 524) ou qu'il les ait confiés à son fermier ou à son métayer (C. civ., 522); sont meubles, au contraire, les animaux donnés à cheptel à un cultivateur par une autre personne que le propriétaire du fonds (C. civ., 522, al. 2o); sont meubles également et par l'effet d'une exception à la règle générale : les animaux donnés au colon ou au fermier par le propriétaire du fonds et qui seraient destinés à être engraissés pour être revendus ensuite, comme les bestiaux d'embouche ou des volailles (1).

2o Les ustensiles aratoires.

3o Des semences, pailles et engrais, auxquels il faudrait ajouter les foins quand ils ne sont pas destinés à être vendus (2).

4o Certains animaux qui vivent sur le fonds dans un état de semi-liberté, tels que les pigeons des colombiers, les lapins des

(1) Gauwain.

(2) Gauwain; en sens contraire, Planiol.

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