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n'en parle pas, et le législateur n'a pu même s'occuper d'une prohibition de compromettre à cet égard, parce qu'il est libre à tout individu de stipuler à son profit, par contrat à titre onéreux, des alimens, ou, si l'on veut, une pension alimentaire. Dans ce cas, l'ordre public n'est point intéressé, les alimens stipulés ne conservent pas les mêmes priviléges de la loi; ce n'est point une dette insaisissable, c'est une rente viagère établie sur des biens qu'on ne peut soustraire à des créanciers; c'est, en un mot, la garantie ou plutôt le gage de ce qui leur est dû.

5o La prohibition de l'art. 1004, relative aux alimens, s'étend-elle aux arrérages échus?

Sur cette question, les auteurs du Répertoire, Vho Alimens, S 8, distinguent: Ou il s'agit d'arrérages à échoir, ou il s'agit d'arrérages échus. Au premier cas, il y a prohibition; au second cas, il n'y en a pas; mais, ajoutent-ils, il ne faut pas prendre ceci à la lettre ; car, si celui qui doit des alimens avait été mis en demeure de les payer, et que celui auquel ils sont dus eût été obligé d'emprunter pour vivre, les arrérages échus conserveraient alors leur privilége. Cette doctrine, fondée sur l'équité, ne peut présenter de difficulté. (V. M. Carré, no 3264, et le Praticien, p. 346.)

6o Peut-on compromettre sur les intérêts civils résultant d'un délit ?

Il n'est pas besoin de dire qu'on ne peut compromettre sur un crime ou sur un délit; mais, dit l'auteur du Répertoire, Vo Compromis, no 1, « les parties peuvent compromettre des intérêts civils et

des dépens d'un procès criminel, et même des délits que l'on ne poursuit que civilement.

Il est certain que si la difficulté, entre les parties, `n'avait rapport qu'à des frais d'un procès criminel, ou seulement à des dommages causés par le délit de l'une d'elles, et aux dépens qui en ont été la suite, ces parties pourraient compromettre, parce qu'il ne s'agit là que d'intérêts privés et pécuniaires; mais, nous n'entendons pas qu'on puisse compromettre sur des délits que l'on ne poursuit que civilement; car, qu'un délit quelconque soit poursuivi à la requête de la partie civile, ce n'est pas moins un fait qui intéresse l'ordre public, une poursuite où le procureur du roi doit être entendu. Bien plus, si ce fait n'est déféré qu'au tribunal de simple police, à la requête de la partie civile, il intéresse encore la société, et celui qui remplit les fonctions du ministère public près ce tribunal doit en prendre connaissance et donner son avis.

Il n'est donc permis, sous aucun rapport, aux parties, de compromettre sur un délit; seulement, elles peuvent mettre en arbitrage les intérêts privés qui résultent d'un délit; par exemple, les dommages et les dépens qu'il a occasionnés.

7° Peut-on compromettre sur des intérêts pécuniaires nés à l'occasion d'une question d'état?

Il faut distinguer, dit M. Carré, no 3267, 1o le cas où les parties n'auraient soumis aux arbitres la question d'état que comme préjudicielle, comme nécessaire à décider pour statuer sur des intérêts pécu

naires qui y seraient liés, et qui seraient l'unique et dernier objet du compromis.

2o Celui où cette question leur aurait été déférée pour rendre, même à son égard, une décision qui devrait avoir tous les effets d'un jugement.

Nous estimons, dit l'auteur, que le compromis serait valable dans ce premier cas, parce qu'il est toujours permis de transiger sur des intérêts pécuniaires, et que la solution donnée sur la question d'état ne pourrait préjudicier à l'état de la personne, ni lui être opposée; mais dans la seconde hypothèse, le compromis serait nul, conformément à l'art. 1004.

Suivant nous, cette question se rattache à une espèce extraordinaire, qui, sans doute, ne s'est pas encore présentée à juger depuis la publication de nos Codes, ou ne se présentera que bien rarement.

En effet, on ne voit pas quel motif pourrait avoir une personne à qui des héritiers contesteraient son état, par exemple, celui d'enfant légitime, pour ne l'admettre que comme enfant naturel reconnu; on ne voit pas, disons-nous, quel motif cette personne aurait de compromettre sur le quantum qui doit lui revenir dans la succession (si ce n'est de jouir de suite d'une portion de la succession), avant de faire juger par les tribunaux la question d'état; car, en compromettant avant cette décision, il est possible qu'il ne lui soit attribué par la sentence arbitrale qu'une part d'enfant naturel, alors que postérieurement l'autorité judiciaire le reconnaîtrait pour enfant légitime; ce qui, par là, lui ferait perdre un droit plus important dans la succession.

On tentera peut-être de rétorquer l'argument, etde dire que cette personne peut avoir l'espérance d'une plus grande part dans la succession, en se faisant juger par des arbitres; au lieu qu'en soumettant la question d'état aux juges de la loi, elle pourrait n'être reconnue que comme enfant naturel. Quoi qu'il en soit, nous ne verrions pas moins dans cette démarche prématurée, qui consisterait à compromettre sur les intérêts pécuniaires avant la solution de la question d'état, plus d'inconvéniens que d'avantages.

Toutefois, en examinant, sous le point de vue du droit, la première hypothèse de M. Carré, nous admettons, comme lui, que si les parties ne soumettaient à des arbitres la question d'état que comme nécessaire pour arriver à une décision sur la proportion des intérêts pécuniaires qui y seraient liés, et qui seraient l'unique objet du litige, un tel compromis serait valable, quoique les arbitres eussent à examiner les prétentions respectives sur l'état de la sonne pour asseoir leur jugement, parce qu'il est permis de transiger sur des intérêts pécuniaires, et que la décision touchant ces intérêts, rendue en conséquence de l'opinion privée des arbitres sur la question d'état de la personne, ne peut préjudicier à cette personne ni lui être opposée.

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Mais, dans la seconde hypothèse, c'est-à-dire celle où la question d'état aurait été soumise aux arbitres pour rendre, sur l'essence de cette question, une décision qui devrait avoir l'effet d'un jugement, il n'est pas douteux que le compromis scrait nul, d'après Part. 1004.

Ainsi, supposons, comme l'a fait M. Carré, qu'un individu prétende avoir droit à une succession en qualité d'enfant légitime; que cette qualité lui soit contestée par les parens du défunt, qui soutiendraient qu'il ne peut prendre part qu'en qualité d'enfant naturel reconnu.

Dans ce cas, l'individu dont il s'agit pourra compromettre sur la portion qui peut lui revenir dans la succession, en déclarant que, nonobstant la manière d'envisager son état d'enfant naturel ou légitime, il veut néanmoins se soumettre à n'y prendre part que suivant la quotité qui sera fixée par les arbitres.

Il arrivera de là, ajoute M. Carré, que le jugement arbitral ne sera exécutoire et ne pourra être opposé à l'individu dont il s'agit, que relativement à la portion qui lui aura été accordée dans la succession, et que, conséquemment, la question d'état restera entière et pourra être discutée par lui en toute cir

constance.

8o Peut-on compromettre sur des droits tellement certains qu'ils ne puissent fournir matière à une contestation sérieuse?

On peut répondre affirmativement, d'après un arrêt de la cour de cassation du 17 janvier 1809, D., t. Ier, 610.

C'est aussi l'avis de M. Carré, Lois de la Procéd., no 3265. Il suffit, dit-il, que ces droits soient contestés, quoique sans fondement, pour qu'il puisse y avoir lieu à compromission; mais, la raison nous dit, autant que la loi, que si les parties n'avaient. ni

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