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>> Code civil (1125 C. C.) n'ont point d'application » à l'espèce; que les demandeurs en nullité avaient » intérêt de faire prononcer cette nullité, et que le >> jugement arbitral ainsi anéanti, il ne peut plus y » avoir lieu à la violation de la chose jugée. »

On peut demander, dit M. Carré, Lois de procéd., n° 3258, comment concilier cet arrêt avec plusieurs autres de la cours uprême, qui déclarent que la nullité du compromis, passé avec un incapable, ne peut être demandée par ceux qui étaient capables de compromettre. (V. les n° 4, 5, 6 ci-dessus.)

M. Carré répond « que ces différentes décisions se » concilient facilement, parce qu'il y a une grande » différence entre le cas d'un absent qui pourrait >> compromettre lui-même, et pour lequel un notairc >> souscrit le compromis, et la personne qui agit di» rectement et par elle-même. Dans le premier cas, >> le notaire est assimilé à un mandataire qui ne peut >>> compromettre pour le mandant qu'autant qu'il en >> a pouvoir spécial. »

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Cet auteur renvoie à l'art. 1988 C. C., et à M. Pigeau, t. Ier, p. 19, puis il ajoute au bas de la page, note : « L'opinion que nous émettons ici est d'ail» leurs fondée sur la disposition de l'art. 1125 C. C., » qui n'est relative qu'au mineur, à l'interdit et à la » femme mariée, et non à l'absent; d'où suit qu'à » son égard l'on doit décider autrement que relati

>>vement aux autres. >>

Suivant nous, c'est peut-être aller trop loin que de professer que l'art. 1125 C. C. est limitatif au mineur, à l'interdit et à la femme mariée; mais, sans

examiner cette question, nous croyons mettre à côté des explications de M. Carré un moyen de concilier l'arrêt précité de la cour suprême avec ceux des no 4, 5 et 6 dont nous avons parlé; ce moyen est celui-ci (V. Dalloz, t. Ier, p. 609, note). Soit que le compromis ait lieu avec un mineur, un interdit ou une femme mariée; soit qu'il ait été passé avec le curateur d'un absent dans l'un et l'autre cas, il y a présomption que la condition de l'incapable a été connue de la personne qui a consenti à traiter avec lui; cependant, on trouve cette différence que là il y a eu obligation, au moins au for intérieur ou consciencieusement, de la part de l'incapable, et cela a pu paraître suffisant faire déclarer valide le compromis, quoique, pour suivant la loi, l'incapable ne fût pas lié et qu'il eût pu se faire relever de son incapacité. Mais, dans l'espèce que nous traitons, il ne pouvait y avoir aucune obligation naturelle ni civile de la part de l'absent, et dès-lors il pouvait paraître souverainement injuste aux yeux de la cour régulatrice de maintenir l'obligation dans son seul intérêt.

En effet, la chose n'était pas sienne au curateur; il n'y avait pas, au for de la conscience, obligation de sa part; ensuite, il n'y avait pas autorisation suffisante pour lier l'absent, et le compromis étant un acte synallagmatique, il ne pouvait alors rendre obligées les autres parties envers cet absent.

Nous pensons donc que ces dernières explications peuvent servir à concilier les arrêts en question avec celui-ci.

Telle est en général la jurisprudence moderne tou

chant les personnes qui ne peuvent compromettre, sauf la modification à l'égard de l'héritier bénéfi– ciaire, no 14.

SECTION II.

Des choses sur lesquelles on ne peut compromettre.

L'art. 1004 C. Pr. porte: On ne peut compromettre sur les dons et legs d'alimens, logement et vétemens; sur les séparations d'entre mari et femme, questions d'état, ni sur aucune des contestations qui seraient sujettes à communication au ministère public.

En effet, « ces causes, disait le tribun Mallarmé » dans son rapport au Tribunat, touchent de trop » près à l'ordre public, pour que le jugement en >> puisse être abondonné à des arbitres, qui, quelque >>> instruits, quelque sages qu'on les suppose, n'offrent jamais à la société la même garantie, la même in» dépendance que les juges institués par la loi ».

Il suit donc que, s'il est des personnes qui ne peuvent compromettre, il est aussi des choses qui, par leur nature et par leur importance dans l'ordre public et dans l'intérêt de la morale, ne peuvent être soumises à l'arbitrage. De ce nombre sont celles indiquées par l'article ci-dessus.

Le motif de ces prohibitions est fort sage: la loi a pu permettre aux citoyens, libres de leurs droits, de compromettre sur leurs intérêts purement privés, mais elle n'a pas dù les autoriser à insérer dans leurs

conventions aucune stipulation qui toucherait directement ou indirectement à l'ordre public.

D'ailleurs, puisque la loi admet, dans notre orga nisation judiciaire, des offers chargés, sous le titre de procureurs du roi, de surveiller tout ce qui peut intéresser l'ordre public et les bonnes mœurs, de prendre, par conséquent, connaissance de certaines contestations, la loi eût été en contradiction avec ellemême, si elle eût permis aux citoyens de soumettre à des arbitres toute espèce de litige entre eux, et de soustraire ainsi à l'examen de ces officiers diverses prétentions où leur surveillance est nécessaire; mais, telle n'a point été l'imprévoyance du législateur moderne, il a voulu prévenir les nombreux abus qu'avaient fait naître les anciennes lois, notamment celle du 24 août 1790; et sous ce rapport l'art. 1004 de notre Code de procédure a introduit une grande amélioration.

Ici, nous nous abstiendrons de faire connaître les doctrines de différens auteurs sur cette matière, et les conséquences qu'ils en ont tirées, d'après les lois romaines et d'après notre ancien droit: cet exposé n'aurait point de but utile; il serait en quelque sorte étranger à certaines dispositions de l'article précité.

Toutefois, nous ferons quelques observations de détail sur ledit article, puis nous établirons aux Questions et Décisions les distinctions admises par la nouvelle jurisprudence, dans des espèces où les prohibitions du même article ne sont pas applicables; et même nous examinerons si, dans quelques cas qui sembleraient prohibés, on peut compromettre.

1. Sur les dons et legs d'alimens, logement et vétemens. Il est constant que, dans des questions de cette nature, il s'agit de prononcer sur les droits d'un testateur ou d'un donata, ou sur ses intentions lequel testateur ou donataire étant alors un tiers, sujet principal, il en résulte que de pareilles questions ne peuvent pas autoriser un compromis; car, l'arbitrage n'est institué que pour décider des différends relatifs seulement aux compromettans entre eux seuls, et non des difficultés qui peuvent intéresser des tiers ou l'ordre public.

Mais, pourrait-on compromettre sur des alimens échus?

Sans entrer dans les considérations qui ont déterminé le testateur ou le donateur à léguer ou donner à quelqu'un des alimens, dont la première est que ce légataire ou donataire offre la présomption d'être sans moyens pour exister; sans nous occuper également des inconvéniens qui résulteraient pour lui et pour ceux qui seraient venus à son secours pendant le temps qu'il aurait été privé des alimens donnés ou légués, nous pensons que celui-ci ne peut pas plus compromettre sur les alimens échus que sur ceux à échoir, parce que l'art. 1004 C. Pr. ne fait point de distinction; qu'il défend en termes généraux de compromettre sur les dons et legs d'alimens, logement et vêtemens ce qui généralise la prohibition pour les alimens échus comme pour ceux à échoir.

II. A l'égard des séparations d'entre mari et femme, soit de corps, soit de biens seulement; des questions d'état relatives à la paternité, la filiation,

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