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elles ont contracté »; mais c'est une autre question dont nous nous occuperons.

Toujours est-il que, d'après les anciens principes comme sous notre droit actuel, les mineurs, les interdits, les femmes mariées et autres à qui la loi défend certains contrats, ne pouvaient et ne peuvent compromettre, ni soumettre la décision de leurs cès au jugement d'arbitres. Il est inutile de rapporter des autorités à cet égard.

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Maintenant, il s'agit de savoir si cette rigucur du droit peut recevoir des modifications, puisqu'il est permis d'appeler des sentences arbitrales; par exemple, on peut demander si un mineur peut compronettre étant assisté de son tuteur ou curateur.

Cette question va être l'objet de nos premières ob

servations.

Si l'on consulte la jurisprudence des anciens parlemens, attestée par Jousse et autres auteurs, il est certain qu'il n'y avait pas uniformité de décisions sur cette question. D'un côté, on pensait que les mineurs pouvaient compromettre avec l'assistance de leurs tuteurs ou curateurs, mais que relativement à la peine stipulée par le compromis, ils ne devaient pas être condamnés à la payer, lors même que cette peine aurait été stipulée par le mineur, du consentement de son tuteur ou curatcur.

D'un autre côté, on soutenait que le tuteur même e pouvait compromettre, parce qu'il n'avait pas le pouvoir d'aliéner (V. Brillou, Vbo Compromis, no 14); mais, s'il compromettait, tant en son nom qu'en sa qualité de tuteur, il devait la moitié de la peine, à

moins que la convention ne fût solidaire (V. Brodeau, sur Louet, let. C., som. 4). Brillou ajoute que si le compromis avait été passé par le père, le tuteur pouvait le continuer, d'après l'avis des parens.

Il est facile de remarquer que les décisions des parlemens et les doctrines des auteurs, dont l'examen successif nous a paru inutile, ne peuvent aider à résoudre de pareilles difficultés qui se présenteraient sous l'empire de nos Codes; on ne pourrait surtout concilier l'arrêt du parlement de Rouen du 1er février 1667 (Basnage, tit. de Juridict., art. 12), qui a décidé que le compromis fait par un père peut être continué par le tuteur du mineur, on ne pourrait, disons-nous, concilier cet arrêt avec la disposition de l'art. 1013 C. Pr., suivant laquelle le décès d'un des compromettans met fin au compromis, si tous ses héritiers ne sont pas majeurs.

En définitive, il est question de savoir si, aujourd'hui, un tuteur peut compromettre sur les droits de son mineur, même avec l'autorisation du conseil de famille, et s'il faut distinguer entre la compromission sur des immeubles et celle sur des objets mobiliers.

A l'égard des immeubles, il n'y a pas de doute qu'un tuteur ne peut compromettre pour le mineur; mais s'il s'agit d'objets mobiliers, on élève des doutes.

Au surplus, nous allons rapporter l'opinion des auteurs modernes, ainsi que deux arrêts, l'un d'une cour d'appel, l'autre de la cour de cassation, touchant la faculté donnée au tuteur de compromettre sur les droits du mineur.

MM. Demiau, p. 672, et Boucher, Manuel des

Arbitres (en 1807), n° 948 et suiv. à 957, pensent que le tuteur, lorsqu'il est autorisé par le conseil de famille, et qu'il a l'avis de trois jurisconsultes désignés par le procureur du roi près le tribunal civil, aux teranes de l'art. 467 C. C., relatif aux transactions, peut valablement compromettre sur les intérêts du mineur.

Mais MM. Berriat-Saint-Prix, p. 38, note 9; les auteurs du Praticien, t. V, p. 335 et suiv.; Toullier 2 t. II, no 1242; Carré, no 3251, et Dalloz, t. Ier, p. 603, sont d'un avis contraire. M. Carré, entre autres, fait un raisonnement très-judicieux en cette matière et touchant l'art. 467 C. C. « Le cas d'une » transaction, dit-il, est bien différent de celui d'un »compromis. Dans la transaction, les conditions de >> l'accommodement sont connues, tandis qu'on ignore » les résultats futurs du compromis. D'un autre côté, » le tribunal, sur les conclusions du ministère pu» blic, homologue la transaction, sur l'avis de trois >> jurisconsultes, et le jugement arbitral n'est soumis qu'à la simple formalité d'une ordonnance d'exe» quatur. »

Néanmoins, ce n'est pas conformément à cette opinion que s'est prononcée la cour de Turin, par son arrêt du 19 ventôse an XI, D., t. Ier, p. 603, dans une espèce où le tuteur n'était même pas autorisé par le conseil de famille, mais une autre autorité juaire, la cour suprême, a, par plusieurs arrêts, notamment par celui du 4 fructidor an XII, D., t. 1, p. 604, consacré le principe qu'un tuteur, fût-il autorisé le conseil de famille, ne peut compromettre sur les intérêts du mineur; en conséquence,

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elle a déclaré que ce mineur, devenu majeur, pouvait demander la nullité de l'acte par lequel son tuteur, quoique autorisé par la famille, avait compromis sur ses droits mobiliers, sans qu'il fût obligé de prouver qu'il a été lésé.

A la vérité, on pourra dire que cet arrêt de la cour de cassation a été rendu sous l'empire de la loi du 24 août 1790, laquelle, art. 2, interdisait la faculté de compromettre à tous ceux qui n'avaient pas le libre exercice de leurs droits; mais nous répondrons que l'art. 1003 C. Pr. reproduit la même disposition, quoique en d'autres termes, et qu'on peut encore aujourd'hui argumenter dudit arrêt, pour démontrer qu'en aucun cas le tuteur ne peut compromettre sur les droits mobiliers ou immobiliers du mineur.

On pourra encore dire que l'art. 467 C. C. permettant au tuteur de transiger, en observant les formalités indiquées par cet article, il y a induction suffisante qu'il lui est permis de compromettre; que s'il en était autrement, on priverait souvent les míneurs des avantages que leur offre l'arbitrage, quant à l'économie des frais; que, d'ailleurs, la faculté d'appeler serait toujours une ressource contre la sentence; mais, encore un coup, l'art. 1989 C. C. résiste à unè pareille conséquence, dès qu'il déclare pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compromettre; ensuite, touchant l'économie des frais, nous pouvons citer une réponse du président du conseil-d'état au ministre de la justice, qui, lors de la discussion de la loi, lui observait que la communication au ministère public serait préjudiciable dans

que

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l'hypothèse où une famille, pour éviter les frais à son parent mineur, croirait utile de faire un compromis, et le déclarerait par une délibération; le président répondit que « quelques frais de plus seraient un >> inconvénient, qu'on ne doit pas racheter au prix » de l'inconvénient bien plus grand, de laisser les >> intérêts des mineurs à la discrétion de leur famille». En conséquence, il fut d'avis que « les contestations » qui intéressent des femmes, des mineurs, en un

mot des personnes auxquelles la loi n'accorde pas » l'exercice de leurs droits, fussent toujours décidées » par les tribunaux ».

A cette réponse, qui révèle l'intention du législateur, on peut ajouter ce que le tribun Mallarmé disait dans son rapport au Tribunat, en parlant, soit de la faculté de compromettre, soit des choses sur lesquelles on ne peut compromettre. « Ce serait donc, » observait-il, permettre de faire, par une voie in» directe, ce que la loi défend de faire directement, » que d'autoriser à compromettre sur des droits dent » on ne peut disposer; et certes on ne pourrait ren>>> contrer une pareille contradiction dans les lois de » France... >>

Ici, nous observerons que l'arrêt de la cour suprême, dont nous nous sommes prévalu suprà, ne s'appliquerait pas au cas où le mineur serait, du chef de son auteur, intéressé dans une société commerciale, parce que l'arbitrage étant forcé, la thèse n'est plus la même, sans pourtant changer de base. (V. nos considérations à ce sujet, de l'Arbitrage forcé.)

Enfin, on pourra opposer à notre manière de voir,

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