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terminés par la loi (art. 2063 C. C.), par conséquent, elles ne peuvent, dans le compromis, déférer aux arbitres le pouvoir de la prononcer; mais, quand la loi permet au juge de la prononcer, les parties, autorisant les arbitres à cet effet, ne font point une stipulation pour cette contrainte; elles ne font que donner pouvoir aux arbitres dans le but d'appliquer la loi.

En un mot, remarque fort bien M. Carré, no 3334, elles ne peuvent dire aux arbitres : « Vous pronon» cerez la contrainte par corps si vous le trouvez » juste, soit que la loi ait ou non attaché cette peine » à la condamnation que vous porterez. »

Elles ne peuvent que leur dire : « Nous vous inves> tissons du droit de statuer sur le différend qui nous >> divise. Telle est sa nature; que la condamnation à » intervenir contre celui que vous jugerez mal fondé » est, d'après un texte formel de la loi, exécutoire » par voie de contrainte. Nous n'entendons point re» noncer à ce moyen d'exécution, vous pourrez donc » prononcer la contrainte. »>

La seconde observation concerne les points suivans: 1° c'est que les parties peuvent déclarer, dans le compromis, que les arbitres ne prononceront pas la contrainte par corps dans le cas où la nature de la contestation attirerait ce moyen d'exécution; 2° que rien n'empêche aussi qu'elles fassent, par une clause expresse, la réserve de la demander au tribunal et de faire décider que la sentence arbitrale sera exécutée par corps. Antrement, et sans cette réserve, il y aurait incompétence du tribunal pour la prononcer,

parce qu'elle doit être prononcée par le même jugement qui contient les condamnations principales. Dans tous les cas, le président qui accorde l'ordonnance d'exequatur serait encore plus incompétent pour y ajouter que l'exécution aura lieu par la voie de contrainte; 3°s'il n'y a point renonciation, dans le compromis, à la contrainte par corps, et que la loi l'ait prévue, les arbitres peuvent la prononcer; d'un autre côté, si elle est laissée à la prudence des juges, comme dans les cas de l'art. 126 C. Pr., et que les arbitres ne l'aient point prononcée, la partie intéressée qui l'aurait demandée ne pourrait se pourvoir au tribunal pour l'obtenir. Dans cette hypothèse, elle n'aurait que la voie de l'appel (458, 136 C. Pr.); et si la sentence était passée en force de chose jugée, ou que la matière fût du dernier ressort, il n'y aurait aucune ressource pour l'obtenir; 4° dans le cas de l'art. 126, les arbitres peuvent user de la faculté donnée aux juges par l'art. 127, celle de surseoir à l'exécution de la contrainte par corps pendant un temps déterminé ; 5o enfin, les arbitres, comme les juges, doivent se conformer aux art. 2060, 2063, 2065, 2066 et 2067 C. C.

Cinquièmement. Les arbitres peuvent aussi, sur la demande des deux parties, interpréter ou expliquer leur jugement, même après que les délais du compromis sont expirés: c'est l'avis de M. Merlin, Nouveau Répertoire, t. Ier, p. 297. Il observe seulement que si une seule des parties en faisait la demande, les arbitres, dont les pouvoirs sont expirés, ne pourraient y souscrire, Ils peuvent aussi, sur la demande des parties, ré

viser leur jugement, s'il y a eu erreurs, omissions, faux ou doubles emplois. (Art. 541 C. Pr.)

Maintenant, 'on peut demander ce que les parties auraient à faire si, après la prononciation de la sentence, l'un des arbitres était décédé, ou si, étant tous vivans, l'un d'eux refusait de réviser cette sentence.

Dans une telle occurrence, c'est-à-dire, si l'un des arbitres est décédé, et que les parties ne soient pas d'accord de remettre en question les points du litige, ou qu'étant d'accord l'un des arbitres refuse de réparer les erreurs ou omissions, puisqu'en vertu d'aucune loi on ne pourrait l'y contraindre, nous répondons que, dans l'un ou l'autre cas, la partie qui aurait intérêt pourrait s'adresser aux tribunaux, juges naturels des parties. En effet, il serait contraire à l'équité que celui qui a obtenu une décision favorable pût être privé de cet avantage, et que son adversaire pût profiter d'erreurs, d'omissions graves, d'un faux ou d'un double emploi.

Si donc les erreurs ou omissions étaient la suite d'un compte qui aurait été rendu devant les arbitres, la partie intéressée pourrait faire appel, et alors ce serait à cette cour qu'il faudrait soumettre les demandes en rectification d'erreurs, omissions, etc., et celle-ci devrait prononcer sur le compte; car, comme les arbitres ont terminé leur mission par la sentence qu'ils ont rendue, elle ne pourrait, si elle infirmait cette sentence, user de la faculté qui lui est donnée par l'art. 528 C. Pr.

Dans tous les cas, il est à observer
il est à observer que, si le deman-

deur en rectification avait exécuté sans réclamation ni réserve la sentence contenant les erreurs, omissions, faux ou doubles emplois, où si cette sentence était passée en force de chose jugée, alors ce demandeur deviendrait non recevable. (Argument de l'article 1350, C. C., no 3.

Nous ferons encore remarquer, touchant le cas où, sur la demande des deux parties, les arbitres consentiraient, après le délai du compromis, à interpréter, expliquer leur jugement, ou bien à le réviser pour erreurs, omissions, doubles emplois, qu'on ne pourrait opposer que ces arbitres seraient incompétens pour un tel office, attendu que leurs pouvoirs, ayant pris fin par la signature de leur sentence, ils n'ont plus aucun caractère pour réparer leurs propres crreurs: si pareille objection était faite, on répondrait, avec raison, qu'il ne s'agit pas d'un nouveau jugement de la part des arbitres, mais seulement de reconnaître un fait qui leur est personnel, qui ne peut mieux être reconnu que par eux; qu'il en est de même des juges ordinaires : ceux-ci ne peuvent plus, il est vrai, rétracter leur jugement dès que, officio judicis functus est, et ils sont sans caractère à cet effet; cependant, la loi leur permet de rectifier les erreurs du compte qu'ils ont réglé (V. art. 541, C. Pr.), et pourquoi? Parce que la loi ne voit de jugement définitif, en matière de compte, qu'autant que les erreurs sont réparées ; que quoique le jugement, disait M. Merlin, lors de l'arrêt de la cour de cassation du 28 mars 1815, D., t. 1, p. 778, soit qualifié définitif sur chacun des points litigieux, il est censé

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renfermer la clause, sauf erreurs ou omissions, que le juge se réserve de réparer le cas échéant.

Gette doctrine de M. Merlin a été consacrée par la cour suprême, non-seulement par l'arrêt précité, mais par celui du 23 novembre 1824, D., t. Jer, p. 740, en ces termes : « Que les erreurs de calcul » peuvent toujours être réparées, sans porter atteinte » à l'autorité de la chose jugée, puisqu'il est toujours » certain que les juges n'ont voulu faire qu'une opé>> ration d'arithmétique complète et exacte, et n'ont » pu faire qu'un autre chiffre tînt la place du juste >> nombre. >>

On verra d'ailleurs cette même question à l'Arbitrage forcé.

6o. Nous avons déjà observé, et nous ne pouvons trop le répéter, que les arbitres doivent s'attacher à bien connaître la nature et l'étendue des pouvoirs qu'ils ont reçus par le compromis, afin d'accomplir régulièrement leur mission. Ainsi, lorsque la contestation repose sur plusieurs chefs à juger, ils doivent savoir s'ils peuvent prononcer sur chacun autant de sentences séparées, ou s'ils doivent prononcer sur le tout par une seule et même décision.

Si donc les parties ont imposé aux arbitres l'obligation de statuer par un seul et même jugement sur tous les points de la contestation, c'est pour eux une condition sine quâ non.

Si au contraire le compromis ne renferme aucune convention à cet égard, on peut dire qu'il est de règle que les arbitres doivent prononcer par un seul et même jugement sur tous les chefs de la contestation;

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