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et concordans, le tribunal pourrait ordonner la preuve testimoniale.

On peut voir, à l'égard des simples allégations d'inimitié, deux arrêts, l'un de la cour de cassation du 9 novembre 1808 (Denevers, 1808, supp. p. 161), et l'autre de la cour de Paris, du 30 août 1810 (Journal des Avocats, t. III, p. 28).

Nous avons déjà fait remarquer que le no 8 de l'article 378 a pour texte s'il y a inimitié, et non pas s'il ya eu inimitié, comme le portait l'ancienne ordonnance; que, par conséquent, il ne faut pas que l'inimitié ait été suivie d'une réconciliation pour donner lieu à la récusation, à moins que des faits nouveaux ne démontrent la violence de l'ancienne inimitié, et ne donnent de justes motifs de suspicion; alors, c'est aux juges de la récusation à les apprécier.

12o (ARBITRE INJURIE.) De ce qu'une partie peut récuser l'arbitre qui l'a injuriée, s'ensuit-il que cette partie puisse récuser l'arbitre contre lequel elle a proféré ou écrit des injures? (N° 8 de l'art. 378.)

Cette question, qu'on trouve dans Sirey, t. II, 11, p. 27, a été résolue négativement par la cour suprême, arrêt du 23 août 1810, qui a considéré que les injures proférées ou écrites contre des juges par une partie, ne sont pas des moyens mis par la loi au nombre de ceux qui peuvent légitimer une demande en récusation. En effet, le no 8 de l'art. 378 ne fait mention des agressions, injures ou menaces verbalement ou par écrit, de la part du juge, et cette disposition est très-sage; car s'il en était autrement, il suffirait à une partie d'insulter un juge, un arbitre dont elle

que

craindrait les lumières et l'équité, ou qui aurait d'autres calculs, pour avoir le droit de le récuser.

Il faut néanmoins rappeler ici l'opinion de M. le procureur-général Merlin, qui portait la parole dans l'affaire où est intervenu l'arrêt préctié. Ce magistrat pensait que si les injures proférées ou écrites contre le juge avaient amené entre lui et l'auteur des injures une inimitié capitale, le juge pourrait être reproché de ce chef, parce que le Code de Procédure civile met expressément l'inimitié capitale entre le juge et la partie, au nombre des causes de ré

cusation.

Ainsi, lorsqu'un arbitre est resté impassible aux injures verbales ou écrites d'une partie, celle-ci ne peut être reçue à le récuser; mais si l'arbitre, entraîné par des mouvemens de colère, s'était porté à quelques actes, ou s'il y avait eu aussi de sa part des injures ou menaces, nous pensons, comme M. Merlin, qu'il serait récusable de ce chef.

13° (RECUSATION EN MASSE.) Des arbitres peuvent-ils être récusés en masse?

Si l'on doit assimiler la récusation en masse d'un tribunal ordinaire à celle qui serait proposée contre tout un tribunal arbitral, la jurisprudence nous offre des décisions sur pareilles récusations de la part des plaideurs, et l'on peut fixer son opinion.

La cour de Paris; par son arrêt du 18 mars 1813, S., XIII, 11, 235, a jugé que la récusation en masse d'un tribunal ou d'une cour royale n'est point autorisée, qu'elle n'oblige pas les juges à surseoir de pro

noncer.

Mais la cour d'Angers, arrêt du 12 janvier 1815, S., XVII, 11, 129, a jugé le contraire, et a déclaré que cette récusation en masse peut durer tant que le tribunal est composé des mêmes juges.

Cette dernière décision nous paraît d'autant plus sage et conforme aux principes, que la cour régulatrice, par son arrêt du 6 décembre 1808, S., IX, 1, 143, avait, dans ce cas, déterminé la compétence en décidant qu'il n'appartenait qu'à la cour de cassation de statuer sur la récusation de tous les membres composant une cour d'appel; enfin, que la récusation en masse n'était véritablement en soi qu'une demande en renvoi à une autre cour d'appel, pour cause de suspicion, et qu'il fallait suivre les règles prescrites par le Code de Procédure civile, au titre des réglemens de juges.

Ainsi, on peut récuser en masse une cour, un tribunal, ce qui n'est au fond qu'une demande en réglement de juges; ainsi encore, lorsque la récusation en masse a lieu envers une cour royale, c'est à la cour de cassation qu'il faut recourir, et si c'est envers un tribunal de première instance, c'est à la cour d'appel à statuer, parce qu'il est sensible que tous les menbres de ce tribunal, étant récusés, ne peuvent être juges de leur propre récusation. La cour d'Agen, ar rêt du 28 août 1809, S., X, 11, 303, s'est fondée, à cet égard, sur des motifs les plus clairs et les plus satisfaisans.

Maintenant, peut-on appliquer ce principe à un tribunal arbitral que les parties ont constitué de leur propre volonté ? Cela ne nous paraît pas faire de

doute; il serait déraisonnable de penser qu'une partie qui aurait contre tous les arbitres des motifs légitimes de soupçonner leur partialité, ne pût pas employer les mêmes moyens qu'en la juridiction ordinaire pour empêcher ces juges de rendre une décision qui pourrait être dictée par la passion.

A la vérité, si la récusation en masse des arbitres est admise parce qu'il y a des causes légitimes, il est possible que le résultat ne soit pas le même qu'en jus tice réglée, où il reste toujours des juges aux parties, par le renvoi à un autre tribunal qui est ordonné; en effet, dès qu'en arbitrage volontaire les arbitres sont au choix des parties, il peut arriver, si le compromis n'a pas prévu le cas du déport, de la récusation, etc., ni réservé le remplacement, que l'autre partie refuse de nommer d'autres arbitres, parce qu'elle espérait, de ceux qui ont été récusés, un jugement favorable: alors le compromis doit prendre fin, comme dans le cas de l'art. 1012.

par

Il y aurait même raison de décider si toutes les ties avaient de justes motifs de récuser en masse le tribunal arbitral; toutefois, étant toutes d'accord, elles pourraient, au lieu de recourir au moyen extrême de la récusation, prendre la voie de la révocation, qui les conduirait au même but. Par là elles retireraient, pour les rendre à d'autres, des pouvoirs qu'elles avaient donnés à des hommes qui ne leur présentent plus les garanties d'une décision équitable : ce serait même le parti le plus sage qu'elles devraient prendre.

Enfin, si la conduite des arbitres avait irrité l'esprit des parties au point que celles-ci voulussent leur dé

montrer qu'ils ne peuvent équitablement rester juges, rien ne pourrait les empêcher, si les arbitres persistaient, de faire ordonner qu'ils seront tenus de s'abstenir.

14° Quels juges doivent connaître de la récusation en masse des arbitres?

Il est certain que des arbitres forment un tribunal de première instance, et que si une partie a lieu de se pourvoir contre la sentence, hors les cas de nullité qui exigent une action principale, elle peut faire appel, puisque le premier degré est épuisé; mais quand il s'agit d'une récusation individuelle, et qué les arbitres ne sont pas autorisés par les parties à en connaître, les seuls juges compétens pour prononcer sont ceux du tribunal ordinaire (voyez le n° 17 suivant), et alors commence le premier degré de juridiction. Il en serait de même si les arbitres étaient récusés en masse par l'une des parties ou par elles toutes, quoique ces arbitres fussent autorisés à connaître de la récusation. Dans ce cas, comme il est de principe que des juges ne peuvent juger leur propre récusation, il faudrait encore s'adresser au tribunal, et l'on ne pourrait le franchir sans violer les règles des juridictions.

A l'égard d'un tribunal institué qui est récusé en masse, pourquoi faut-il que cette récusation soit portée devant la cour royale? c'est parce qu'il faut toujours des juges aux parties, et que ce tribunal étant paralysé par une récusation en masse, et ne pouvant plus agir, il faut bien que l'autorité supérieure, chargée de la surveillance des tribunaux, en connaisse les causes, et qu'elle puisse lever les obstacles, soit en

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