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même effet qu'une prorogation expresse, en sorte que, malgré l'expiration du délai, les pouvoirs des arbitres ne cesseraient pas, et le jugement qu'ils rendraient serait valable?

Il est certain que, jusqu'à l'important arrêt de la cour suprême du 22 avril 1823, D., t. Ier, 11, p. 721, il s'était élevé une grande dissidence d'opinions touchant l'application de l'art. 1012 à l'arbitrage forcé. Diverses cours avaient jugé, et tel était l'avis de plusieurs auteurs, que les pouvoirs des arbitres forcés ne cessaient pas de plein droit à l'expiration du délai stipulé ou fixé par le tribunal de commerce, si les parties avaient continué à produire, et si l'une d'elles n'avait point argué de l'expiration du délai, ou n'avait point provoqué la nomination de nouveaux arbitres; qu'en cet état, le jugement rendu par les arbitres après le délai n'était pas nul, parce que la disposition de l'art. 1012 n'était pas applicable à l'arbitrage forcé. La cour régulatrice fit donc cesser toutes les discussions à ce sujet, et fixa la jurisprudence. Voyez à l'Arbitrage force, section de la Cessation des pouvoirs des arbitres, ce que nous avons dit sur cette matière, et le texte de l'arrêt précité, suivi de l'arrêt de la cour d'Angers, intervenu sur renvoi; on y reconnaîtra qu'il y est formellement décidé que les pouvoirs des arbitres volontaires ou forcés cessent de plein droit à l'expiration du délai fixé, soit par les parties, soit par la loi, soit par le tribunal, et qu'à cet égard on ne doit prendre pour règle que celle de l'art. 1012; qu'en conséquence, il n'y a point de prorogation tacite de ces pouvoirs, par cela senl que

les parties auraient gardé le silence ou auraient procédé devant les arbitres depuis l'expiration du délai, sans qu'aucune ait argué de cette expiration ou ait provoqué la nomination de nouveaux arbitres; qu'il faut, pour que la prorogation 'des pouvoirs existe réellement, qu'un nouveau délai soit fixé dans les formes déterminées par l'art. 1005; qu'enfin il faut, pour que les pouvoirs des arbitres soient légalement prorog's, que le consentement des parties apparaisse par écrit et dune manière formelle.

Cependant, nous devons faire remarquer, relativement à la question posée, que si dans le compromis établi, par exemple, sous scing-privé, les parties n'avaient fixé le délai de l'arbitrage, et que, par un pas acte séparé, elles eussent déterminé le délai, en déclarant qu'elles le font courir, non du jour du compromis, mais du jour qu'elles désignent, il est raisonnable de croire que cette stipulation serait valable, et que la durée des pouvoirs des arbitres devrait être calculée d'après la dernière convention; d'ailleurs, cette manière de voir semble conforme à cette expression de l'art. 1012, le délai stipulé. La loi respecte donc toute stipulation de délai faite par les parties; par conséquent, la convention qui le fait partir de tel jour désigné, et le fait cesser à telle époque, ne pourrait être illégale. A la vérité, lorsque les parties n'ont pas stipulé de délai, l'art. 1007 en fixe un de trois mois, du jour du compromis; mais c'est précisément parce qu'il n'y a point de convention à cet égard, et, dans ce cas, la loi ne pouvait pas miner une époque plus certaine pour faire courir le

déter

délai, que celle du jour où les parties ont compromis, où elles ont désigné l'objet du litige et les noms des arbitres.

S V.

Du partage, lorsque les arbitres ne sont pas autorisés à prendre un tiers-arbitre.

L'art. 1012 C. Pr. met encore le partage au nom bre des causes qui mettent fin au compromis; cependant cet article ajoute: Si les arbitres n'ont pas le pouvoir de prendre un tiers-arbitre. D'après cette dis position restrictive au seul cas où les arbitres ne sont pas autorisés à choisir un tiers, en doit-on conclure que le compromis doit finir si les parties n'avaient pas prévu la circonstance où les arbitres seraient divisés d'opinion, si elles ne leur avaient pas donné, en consequence, le pouvoir d'appeler un tiers pour les départager, ou si elles ne s'étaient pas réservé la faculté de le nommer elles-mêmes? Non sans doute, elles ont toujours le droit, quand elles sont d'accord, de suppléer à tout ce qui est nécessaire pour arriver à l'exécution de leur convention, lorsqu'elles l'ont omis, et d'empêcher, par ce moyen, les effets d'une disposition de la loi qui ne tient point à l'ordre public, et qui n'a pour but elle-même que de régulari

n'est

ser ce qui ne l'a point été; enfin, ce régime de la loi que facultatif pour les parties: le droit qu'elles 'ont d'y suppl'er, par leur propre volonté, est une suite naturelle de la juridiction volontaire qu'elles ont préférée.

Ainsi, lorsque les parties n'ont pas prévu, dans le compromis, le cas du partage, et qu'elles en sont instruites, elles peuvent nommer un tiers pour prononcer sur le partage ou autoriser les arbitres à le choisir; elles peuvent aussi déroger aux règles établies dans les art. 1018 et 1019, touchant le tiers-arbitre, soit en le dispensant de conférer avec les arbitres divisés, ou de se conformer à l'un de leurs avis, soit en lui donnant le pouvoir de prononcer comme amiable-compositeur, sans formes de droit, et cela dans un délai déterminé, si celui du compromis ne suffit pas.

Enfin, le partage, quand les arbitres n'ont pas reçu le pouvoir de prendre un tiers-arbitre, ne met fin au compromis que lorsque les partics ne sont pas d'accord d'en continuer l'exécution par la médiation d'un tiers qui rendra jugement définitif en se réunissant à l'un des deux avis, ou en prononçant comme amiable-compositeur, s'il y est autorisé.

Comme nous n'avons entendu parler ici du partage que comme d'un fait qui peut éteindre le compromis, nous renvoyons, pour ce qui le constitue et pour les règles à suivre en cette partie de l'arbitrage, à la section XIII de ce chapitre.

S VI.

Des autres causes qui mettent fin au compromis, indépendamment de celles prévues par l'art. 1012 C. Pr.

Il est trop évident que les causes énoncées en l'ar-` ticle 1012 ne sont pas exclusives de certaines autres

causes dont les effets font cesser péremptoirement les pouvoirs des juges de la loi, à plus forte raison les pouvoirs des arbitres, qui ne sont conférés par les parties que pour la contestation qui les divise; que si le législateur n'a pas cru devoir faire mention de ces causes dans cet article, c'est qu'il a reconnu qu'elles sont autant de droit qu'avouées par la raison.

Plusieurs auteurs, auxquels nous nous réunissons et notamment Jousse, de l'Administration de la Justice, p. 703; Pigeau, t. Ier, p. 25, mettent au nombre de ces causes pour lesquelles le compromis finit, parce qu'elles dérivent de la nature des choses :

1° La convention des parties; car il est presque inutile de dire que, dans le cours d'un arbitrage volontaire, ces parties peuvent s'entendre, terminer le litige à l'amiable et faire de nouvelles conventions.

2o Le paiement, si une dette était l'objet du com promis (art. 1234 C. C.)

3o La perte de la chose, si les parties avaient compromis sur cette chose (argument de l'art. 1302 C. C.)

4° L'extinction de l'obligation que les parties ont mis en arbitrage, si ce cas arrive, soit par la remise volontaire du titre (1282 C. C.), soit par la réunion des qualités de créancier et de débiteur dans la même parsonne, puisque cette réunion fait une confusion de droit qui éteint les deux créances (1300 C. C.)

5o La cession des biens, dans ce cas, le compromis devient inutile, à moins que les créanciers ne soient d'avis d'exercer les droits du débiteur, ainsi

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