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déport de l'arbitre qui aurait assisté à toutes les opérations, et qui ne donnerait aucun motif valable de son déport, il est sans difficulté que cet arbitre, contrevenant à la disposition de l'art. 1014, pourrait être contraint, non pas à rendre jugement, puisque c'est là une obligation de faire, mais à payer tels dommages et intérêts; et si le délai expirait, ou si l'arbitre persistait dans son refus de juger, alors le compromis finirait par défaut de consentement de l'une des parties de proroger le délai ou de remplacer l'arbitre refusant.

5o (OPÉRATIONS COMMENCÉES, DÉPORT, CLAUSE DU COMPROMIS.) Lorsqu'un arbitre, après avoir commencé les opérations et manifesté une opinion contraire à celle de l'autre arbitre, refuse de constater la discordance par un procès-verbal, est-ce là un déport qui mette fin au compromis? La prohibition de se déporter, en ce cas, autorise-t-elle l'autre arbitre à continuer ses opérations dans le sens de l'arbitrage?

Au premier aperçu, cette question présente de la difficulté à cause de la disposition formelle de l'article 1017, § 3. Cependant la cour suprême, par son arrêt du 18 mai 1814, S., XV, 1, 28, a résolu négativement la première partie de cette question, et affirmativement la seconde. Les circonstances, les faits de la cause et la convention des parties, sur lesquels la cour s'est fondée, dispensent de toute observation; nous allons rapporter textuellement l'arrêt.

« Attendu qu'il était convenu, par le compromis, » qu'en cas de discordance entre les deux premiers

» arbitres, N. était nommé pour tiers et unique ar» bitre à l'effet de fixer définitivement, librement, » d'après son opinion personnelle, sans être tenu de » se réunir à l'un ou à l'autre avis des deux premiers » arbitres, le prix de l'immeuble vendu; — Attendu » qu'il est constaté par l'arrêt que le fait de la dis» cordance des deux premiers arbitres ne résulte pas » seulement du procès-verbal dont il s'agit, mais en» core de tous les faits de la cause; du refus du » sieur N., l'un d'eux, de signer le procès-verbal >> après avoir procédé à l'expertise, et de déférer à la >> sommation faite; de ses dires et réponses, et de la plaidoierie des parties; d'où il suit qu'il n'y a nulle >> contravention à l'art. 1592 C. C., ni aux art. 1012, » 1014 C. Pr. »

La convention était ainsi conçue: « Dans le cas où les deux arbitres seraient discordans, ils dresseront procès-verbal constatant leurs avis motivés, qui sera remis au sieur N., nommé tiers-arbitre, et investi du pouvoir de prononcer également en dernier ressort; que celui-ci appellera les deux arbitres pour déduire les motifs de leurs avis différens, mais ne sera point tenu de se réunir à celui de l'un ou de l'autre. >>

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Sur l'opposition à l'ordonnance d'exequatur, le tribunal avait annulé l'arbitrage; la cour de Lyon avait infirmé et jugé dans le sens de la cour suprême. L'une des parties se pourvut en cassation, 1o pour contravention à l'art. 1592 C. C., en ce que le refus d'apprécier, de la part d'un des arbitres, rendait l'arbitrage sans effet; 2° pour contravention aux ar

ticles 1012 et 1014 C. Pr., lesquels ne permettaient au tiers-arbitre de se regarder comme investi d'une mission, qu'autant qu'il y aurait discordance des deux arbitres nommés, et que cette discordance serait constatée par un procès-verbal signé par chacun d'eux, aux termes de l'art. 1017.

Enfin, cette partie fondait encore son pourvoi sur ce que, de la part de son arbitre, il y avait eu déport, et conséquemment fin du compromis; elle soutenait que la défense de se déporter après les opérations commencées, n'avait laissé qu'une action en dommages et intérêts contre l'arbitre qui se déportait; qu'elle n'opérait pas la nullité de l'acte, avec faculté de passer outre.

D'après cet exposé, on reconnaît micux le véritable motif qui a déterminé la cour régulatrice à rejeter le pourvoi; c'est que la discordance entre les deux arbitres existait réellement, et bien que l'arbitre discordant n'eût pas dressé et signé dressé et signé un procèsverbal de son avis particulier, ses motifs étaient néanmoins connus, ils résultaient des circonstances signalées dans l'arrêt.

Mais quid, si, avec la convention relatée ci-dessus, l'un des arbitres, après les opérations commencées, se retirait, étant discordant d'opinion avec son co-arbitre; qu'il ne voulût pas, même après sommation, rédiger son avis particulier, et que cet avis ne fût pas connu d'une manière valable, ainsi que cela résulte des circonstances signalées dans l'arrêt précité, les motifs du pourvoi seraient-ils fondés? Nous n'en faisons pas de doute.

6o (ABSENCE D'UN ARBITRE, LES AUTRES PROCÈDENT, DÉPORT.) Un arbitre qui ne se réunit pas au jour fixé pour procéder, doit-il être considéré comme refusant sa mission? Son absence autorise-t-elle les autres arbitres ù procéder seuls?

Telle est à peu près la question posée par M. Carré, Lois de la Procéd., no 3315, et il répond ainsi : « M. Boucher, p. 291, no 591, appuie l'affirmative » sur un arrêt du 11 janvier 1816 (la cour n'est pas » désignée), mais il nous paraît certain que l'art. 1028 » s'oppose à cette décision. En ce cas, les parties doi>> vent sommer l'arbitre de se rendre à un autre jour » indiqué, et en cas de refus, le remplacer, sauf » contre lui l'action en dommages-intérêts. »

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Quant à nous, nous croyons devoir entrer dans des explications que nécessite la question. D'abord, si l'arbitre ne se rend pas au jour fixé pour procéder, et que ce soit pour la première séance des opérations de l'arbitrage, il est de l'intérêt des parties de connaître la cause de son absence et de s'entendre, s'il y a lieu, pour la réunion à un autre jour, ou bien les parties peuvent prendre de suite une voie régulière, celle d'une sommation de se rendre à un jour indiqué, et en cas de refus ou d'une nouvelle absence de sa part, qui sera réputée refus, il peut être remplacé, s'il y a clause dans le compromis que le remplacement sera au choix des parties ou au choix des arbi

tres restans.

S'il n'y avait pas ladite clause, le remplacement pourrait s'effectuer par les parties elles-mêmes, si elles étaient d'accord, parce qu'elles sont toujours li

bres de leur volonté à cet égard; ou bien, enfin, dans le même cas de refus ou d'absence reitérée de l'arbitre après sommation, les arbitres restans pourraient' passer outre et continuer les opérations si les parties les y autorisaient.

En un mot, si la clause dont nous venons de parler n'existait pas, ou si les parties ne prenaient les mesures que nous indiquons, et que l'une d'elles ne voulût rien consentir, l'arbitrage prendrait fin à l'instant du refus (1012), arrêt de la cour de cassation, 24 décembre 1817, rapporté au no 1er ci-dessus, des Questions et Décisions.

Voilà la règle ordinaire; mais, dans cette hypothèse, les parties n'ont pas d'action en dommages et intérêts contre l'arbitre qui ne s'est pas présenté au jour indiqué, même après sommation, parce que, n'ayant pas encore commencé d'opérer, il a la faculté de refuser la mission, sans être tenu de donner les motifs de son refus, ainsi que nous l'avons déjà démontré précédemment.

Quant aux arbitres restans, ce n'est point également le cas pour eux d'opérer seuls, alors que leur co-arbitre ne se présente pas au jour fixé pour commencer à procéder, même quand ils seraient autorisés

à

passer outre, parce qu'ils ne sont pas encore certains du refus, et qu'ils ne peuvent le connaître valablement que d'après un écrit émané de lui, ou d'après une sommation qui lui aurait été faite de se présenter, à laquelle il n'aurait pas répondu.

D'un autre côté, les arbitres restans ne pourraient non plus passer outre, dès l'instant du refus connu

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