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elle-même n'ont rien de contraire à l'ordre public et aux intérêts de la société.

Nous allons maintenant examiner en détail les diverses causes qui peuvent mettre fin au compromis, si les parties ne consentent unanimement à en arrêter les effets.

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Il est constant que si les parties, dans le compromis, n'avaient pas prévu la circonstance du décès d'un des arbitres, soit en se réservant le choix du rempla çant, soit en laissant cette faculté à l'arbitre ou aux arbitres restans, soit en autorisant ceux-ci à continuer d'instruire et juger, nonobstant le décès de l'un d'eux: il est constant, disons-nous, qu'alors la cenvention ne peut plus s'exécuter; qu'il en faut une nouvelle, si les parties sont toujours d'accord de soumettre leur différend à des arbitres, à moins que, par cette convention primitive, elles ne se trouvent liées à l'arbitrage, indépendamment d'une des circonstances prévues par l'art. 1012, et, dans ce cas, elles peuvent ou choisir un remplaçant, s'il y a lieu, ou autoriser l'arbitre ou les autres arbitres à continuer d'opérer; si au contraire la convention primitive ne les lie pas à l'arbitrage, quand une des circonstances de l'art. 1012 arrive, dans ce dernier cas, elles peuvent consentir à maintenir cette convention et pourvoir au remplacement, où nommer de nouveaux arbitres, si les autres ne veulent continuer de juger.

Cela posé, il est nécessaire que nous nous occupions d'une question 'qui n'est point encore résolue par la jurisprudence, et qui peut fréquemment se présenter, en cas de remplacement pour décès, déport, refus ou empêchement de l'un des arbitres. Cette question est de savoir, en supposant que la contestation s'étende sur plusieurs points distincts et que les arbitres n'aient point été tenus de prononcer par un seul et même jugement, si, dans ce cas, les points arrêtés par les premiers arbitres doivent être mis de nouveau en délibération, ou s'ils doivent être adoptés comme définitifs par l'arbitre remplaçant?

On ne peut se dissimuler que cette question offre des difficultés sérieuses; car, s'il fallait appliquer à l'arbitrage les règles qui s'observent dans les tribunaux, notamment dans ceux qui ne sont composés que de trois juges, il est certain qu'on se déclarerait pour la négative. En effet, si l'un des juges décède, se récuse ou est empêché, après qu'un des points du procès a été mis en délibération; que ce point a été arrêté, et que le jugement est en état d'être prononcé, il est de règle que cette circonstance n'empêche pas que la cause ne soit plaidée de nouveau devant le juge remplaçant, comme dans le cas de l'art. 118 C. Pr., et qu'une nouvelle délibération ne soit prise sur tous les points du litige, sans distinction de ceux déjà discutés et arrêtés avec le juge remplacé.

Cependant, la cour de Bruxelles, dans son arrêt du 20 mai 1810, D., t. Ier, p. 715, paraîtrait avoir établi comme principe que; dans un arbitrage où il y a eu remplacement d'un arbitre pour cause de

décès, « les points définitivement arrêtés ne peuvent plus être soumis à l'examen et au jugement de l'arbitre remplaçant»; et M. Carré, Lois de Procéd., no 3304, en rapportant cet arrêt, ne l'accompagne d'aucune observation que semble nécessiter son simple énoncé. Seulement il en fait ressortir ce dilemme: « Ou le compromis porte qu'il sera statué par un seul » et même jugement sur les points soumis à l'arbi» trage, et alors ce qui a été fait par les premiers ar>> bitres peut être réformé par les nouveaux, ou, au >> contraire, le compromis n'astreint pas les arbitres » à décider, par un seul et même jugement, toutes » les difficultés qui leur sont soumises, et, dans ce >> dernier cas, si les différens points de la contestation » sont susceptibles de décisions partielles, ceux qui » ont été arrêtés définitivement, avant le décès de » l'un d'eux, sont irrévocablement jugés. »

Quant à nous, qui avons lu attentivement les faits de la cause jugée par la cour de Bruxelles, et qui avons mûrement examiné le fond de la question, il nous est difficile d'admettre le principe consacré par son arrêt, lequel contient en outre d'autres doctrines que la mémorable décision de la cour suprême, du 22 avril 1823, déjà citée, a réformées .(V. D., t. Ier, p. 723.)

Dans notre manière de voir, nous sommes guidé par deux considérations générales :

Par la première, nous voyons que, quelle que soit la distinction tirée de la clause du compromis, suivant laquelle les parties auraient ou non astreint les arbitres à prononcer par un seul et même jugement,

quel que soit aussi le nombre des points distincts que présente la contestation à juger, il n'y a toujours qu'un seul compromis, et il ne doit résulter de l'instruction et des opérations des arbitres qu'une seule et même sentence arbitrale définitive, bien que les arbitres se soient entendus pour discuter et arrêter isolément chacun de ces points; en un mot, tous ces points débattus successivement forment un ensemble de la sentence, et il n'est besoin que d'une ordonnance d'exequatur pour le tout, à moins donc qu'un des points contestés n'ait exigé une instruction particulière, et qu'un jugement l'ait ordonné, lequel doit recevoir l'ordonnance d'exécution; mais, en définitive, le résultat de cette instruction rentre dans les élémens de la sentence définitive; il fait corps avec elle et reçoit la même homologation du président du tribunal.

Par la seconde considération, c'est qu'il y a une conséquence tirée du principe que nous combattons, qui répugne à la raison et blesse la règle commune; en effet, si vous admettez que l'arbitre remplaçant ne puisse plus remettre en question, comme le dit l'arrêt de Bruxelles, ce qui aurait déjà été arrêté lors du décès de l'arbitre remplacé, vous restreignez évidemment ses pouvoirs à ce qui reste à juger, et par une contradiction singulière, vous les étendez à toute la sentence, puisqu'à la fin de l'opération où il est rendu jugement définitif, vous exigez qu'il le signe, et que, par là, il lui donne le même caractère que s'il avait participé à la délibération de toutes ses parties; par conséquent, vous le chargez de la res

ponsabilité morale, de même que s'il avait participé à la délibération de tous les points jugés; vous lui faites approuver par sa signature les erreurs, les excès de pouvoirs, et autres vices qui peuvent être reprochés aux points jugés par les premiers arbitres, lesquels points il n'a pas discutés, et qu'il ne peut même pas remettre en question. Bref, vous le faites juger par l'organe d'autrui; et dès qu'un jugement n'a d'existence légale que par la présence et par la coopé ration des juges qui y sont dénommés, il s'ensuit que l'arbitre remplaçant qui aura clos, daté et signé le jugement arbitral avec ses co-arbitres, y figurera comme s'il avait été présent au commencement et à la fin de l'opération : ce qui choque la raison.

En définitive, on peut demander, avec le système de l'arrêt précité, quel caractère aurait un procèsverbal d'arbitres où il serait constaté que quelques points du litige ont été débattus et arrêtés au moment du décès de l'un de ces arbitres, à ce moment même où finit le compromis, s'il n'y a clause, porte l'art. 1012 C. Pr., qu'il sera passé outre ou que le remplacement sera au choix des parties, ou de l'arbitre ou des arbitres restans, et, pour tout dire, si le remplacement n'a pas lieu, quel qu'en soit le motif: ce procès-verbal aura-t-il le caractère de jugement? Pourra-t-on dire que l'opération des arbitres, ainsi ébauchée, doit prendre la place d'une sentence arbitrale, dans le sens de la loi et d'après la jurisprudence constante; qu'en conséquence l'une des parties peut s'en prévaloir et en poursuivre l'exécution? Non sans doute, puisque le décès d'un des arbitres non rem

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