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dans l'intervalle de ce fait, constaté dans le procèsverbal, à la signature des arbitres apposée au jugement, y aurait-il raison de décider, par voie de conséquence de l'arrêt dont il s'agit, que ce jugement ne devrait pas sortir effet? Que l'arbitrage ne serait pas terminé? Qu'il serait seulement suspendu par le décès, et que les choses resteraient en l'état pendant les délais accordés aux héritiers pour faire inventaire et délibérer? Nous ne le pensons pas; nous pouvons même fortifier notre opinion d'un arrêt de la cour de cassation du 8 vendémiaire an VIII, S., II, 11, 526, qui a décidé que, lorsqu'il est constaté par le procès-verbal des arbitres que le jugement a été rendu par tous, qu'en outre ce jugement a été lu aux parties, il y a chose jugée, encore que les arbitres n'eussent pas encore signé au moment de la lecture.

Il résulte donc de là que si les arbitres, le jour même ou le lendemain de cette lecture, apposaient leur signature au jugement, il aurait acquis toute sa force avec la formalité de l'exequatur.

En un mot, nous sommes d'avis que la chose jugée, avec les circonstances établies dans notre proposition, ne peut recevoir aucune atteinte par le décès de l'une des parties, lors même que les arbitres n'auraient pas encore signé la sentence, pourvu qu'ils la signent dans un délai moral, et surtout dans celui réglé par le compromis ou par la loi.

3° (DÉCÈS DES DEUX COMPROMETTANS, FIN DU COMPROMIS.) S'il arrivait que les deux parties, qui ont soumis leur contestation à des arbitres, vinssent

à décéder pendant le cours de l'arbitrage, leur décès mettrait-il fin au compromis?

La négative s'induit facilement de ces termes généraux de l'art. 1013: Le décès, lorsque tous les héritiers sont majeurs, ne mettra pas fin au compromis. Si le législateur n'avait entendu prévoir que le décès de l'une des parties, il s'en serait expliqué, et l'article n'eût pas été rédigé dans le même sens. Toutefois, si les deux parties décèdent pendant l'arbitrage, il faut, pour que le délai ne soit que suspendu, la condition que les héritiers des deux compromettans soient tous majeurs au moment du décès; car, s'il y avait parmi eux des mineurs, on rentrerait dans la règle implicitement établie dans cet art. 1013, c'està-dire que le compromis prendrait fin du jour du décès de la partie qui a laissé des minenrs pour hé

ritiers.

Il est à regretter, nous le répétons, que les discussions législatives et la jurisprudence actuelle ne présentent pas, en cette matière, des éclaircissemens sur les motifs de dérogation du législateur à quelques règles de droit consacrées par le Code civil, notamment aux art. 724, 1122, etc., pour le cas où l'une des parties décède pendant le délai de l'arbitrage, et qu'elle laisse, dans sa succession, l'exécution d'un contrat, telle que celle d'un compromis qui lie ceux qui l'ont fait, comme tout autre contrat, tant qu'il n'est point annulé du consentement unanime des parties, ou que le délai convenu ou celui fixé par n'est pas expiré.

la loi

SII.

De l'inscription de faux.

L'art. 1015 s'exprime ainsi : S'il est formé inscription de faux, méme purement civile, ou s'il s'élève quelque incident criminel, les arbitres délaisseront les parties à se pourvoir, et les délais de l'arbitrage continueront à courir du jour du jugement de l'incident.

Avant de nous expliquer sur le texte de cet article, il est bon de donner une idée de l'inscription de faux et d'un incident criminel survenu pendant l'arbitrage.

On sait en général que le faux est une préméditation calculée cacher ou pour pour altérer la vérité au

préjudice d'autrui.

Que le crime de faux peut se commettre par paroles, par écritures, par altération, par suppression, etc. Il est inutile d'entrer dans ces détails.

On distingue entre le faux principal et le faux incident.

Le faux principal est celui qui s'intente directement contre une personne avec laquelle on n'est point déjà en procès, mais qui a dans sa possession une pièce dont elle se sert actuellement, ou dont elle pourrait se servir, laquelle pièce on prétend fausse, et dont on veut faire déclarer la fausseté.

Le faux incident est celui qui s'intente incidemment dans le cours d'un procès en instance, à l'effet

de faire déclarer fausse et annuler une pièce dont la partie adverse veut se servir au soutien de sa cause.

Alors, il est sensible que ce faux incident, qu'on appelle civil, doit toujours être instruit et jugé avant d'en venir à la décision de l'action principale. Au surplus, l'art. 214 C. Pr. établit clairement ce que le faux incident civil, et ce qui est à faire

c'est que

en pareil cas.

L'inscription de faux est une déclaration faite par acte au greffe du tribunal par le demandeur en faux, signée de lui ou de son fondé de pouvoir spécial et authentique, dans laquelle il manifeste l'intention de s'inscrire en faux. (Art. 218 C. Pr.)

Cela exécuté, le demandeur poursuit l'audience sur simple acte, à l'effet de faire admettre l'inscription de faux et faire nommer le commissaire devant lequel elle sera poursuivie. (Ibid.)

Toutefois, avant de procéder ainsi, les art. 215, 216 et 217 C. Pr. prescrivent des formalités à suivre. Ensuite, lorsque l'inscription est admise, les articles 219 et suivans tracent toutes les règles de la procédure sur le faux incident, lesquelles nous ne rappelons point ici à cause de leur étendue. On peut consulter le Code de procédure, tit. XI, 1re partie, liv. II.

Quant à un incident criminel qui surviendrait, par le fait d'une des parties, devant les arbitres et à l'occasion de l'arbitrage, nous n'avons pas besoin d'en donner des exemples, la raison et la loi indiquent suffisamment de quel caractère il doit être pour en saisir le ministère public.

Nous nous dispenserons également de parler des actes répréhensibles commis par les parties envers les arbitres, nul doute que la voie de la plainte leur est ouverte comme aux autres citoyens; mais ils ne peuvent continuer de procéder jusqu'au jugement de l'incident: d'ailleurs il y a pour eux motifs légitimes de déport.

Enfin, ce n'est pas le lieu d'examiner si, vu la mission de juges que les arbitres ont reçue des parties, on doit appliquer ou non, envers les coupables, les dispositions du Code pénal, art. 222 et suiv.

D'après donc ce qui vient d'être exposé, il est aisé de reconnaître que l'inscription de faux, ou tout autre incident criminel, est un fait qui touche de trop près à l'ordre public et les bonnes mœurs pour qu'il ne soit pas défendu aux arbitres, qui ne sont que des fuges privés, d'en connaître. S'il en était autrement, les arbitres et de telles matières seraient facilement soustraits à la surveillance du ministère public, dont un des principaux devoirs est de poursuivre le crime, indépendamment des conventions que les parties ont pu faire entre elles, dans leurs propres intérêts.

Le législateur a donc voulu, par l'art. 1015, faire dans l'intérêt de la société une obligation aux arbitres de délaisser les parties à se pourvoir, en cas d'inscription de faux ou de tout autre incident criminel, sans pour cela nuire à l'exécution du compromis, dont le délai, convenu ou réglé par la loi, reste seulement suspendu et ne peut continuer à courir que du jour du jugement de l'incident.

Nous pouvons ajouter que les arbitres rempliraient

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