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Code de procédure, elle n'eût pas hésité à se conformer à la même décision, si pareille question lui eût été

toumise.

A la vérité, la cour régulatrice, par un arrêt du 8 janvier 1821, a décidé qu'un jugement arbitral était valable quoique le compromis ne fût pas représenté, si la preuve de cet acte résultait de son insertion entière dans le jugement, des conclusions prises par les parties, et en outre de son enregistrement. Mais, comme on le voit, cette dernière décision ne contredit en rien celle ci-dessus, où les arbitres seuls faisaient preuve de leurs pouvoirs, tandis que dans celle postérieure, la preuve du compromis résultait 1° de la copie que les arbitres avaient insérée dans leur jugement; 2o de la mention de l'enregistrement; 3° des conclusions prises par les parties, qui avaient par là reconnu l'existence de ce compromis.

10° (JUGES DES EXCÈS DE POUVOIRS.) Les arbitres peuvent-ils statuer sur le vice d'excès de pouvoirs reproché à leur décision?

Jugé négativement par arrêt de la cour de Bruxelles du 8 fructidor an X, S., IV, II, 91, qui a considéré que c'était devant le juge de première instance que devait être portée la question de savoir si les arbitres avaient excédé leurs pouvoirs dans la décision arbitrale, et non devant les mêmes arbitres qui étaient taxés d'avoir commis cet abus; qu'ainsi le premier juge ne pouvait refuser de faire droit sur cette question.

11° (EXCES DE POUVOIRS, RÉCUSATION.) Des arbitres récusés qui jugent la récusation, excèdent-ils leurs pou

voirs? Leur décision est-elle frappée de nullité, ainsi que tout ce qui s'ensuit ?

La cour de cassation a décidé l'affirmative par són arrêt du 12 juin 1812, S., XII, rre, 349; elle a considéré que la loi ne permet pas qu'un juge, un arbitre, un expert, jugent leur propre récusation.

12° (CONDAMNATION AUX DÉPENS.) Les arbitres doivent-ils condamner aux dépens, et peuvent-ils en faire la liquidation?

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Aujourd'hui, dit M. Carré, Lois de la Procéd. n. 3332, l'on peut donner aux arbitres le pouvoir de statuer sur les dépens, comme ils croiront devoir le faire, et en consultant l'équité.

Si cette liberté ne leur est pas accordée, ils doivent y condamner celui qui succombe, suivant l'art. 130 C. Pr., à moins qu'il n'y ait lieu à les compenser, suivant l'art. 131 du même Code.

Si les arbitres, dit de son côté M. Merlin, Répertoire, t. Ier, p. 336, avaient omis de condamner aux dépens dans le cas où ils auraient dû le faire, leur silence à cet égard ne rendrait pas nulle la sentence arbitrale; mais celui au profit de qui elle aurait été rendue serait en droit de se pourvoir au juge ordinaire pour faire prononcer la condamnation aux dépens contre sa partie adverse.

Examinons maintenant si les arbitres, dans le silence du compromis, ont le droit, par leur seule qualité d'arbitres, de liquider les dépens.

Pigeau, t. Ier, p. 22, no 8, ne le pense pas; M. Bou cher, Manuel des Arbitres (en 1807), p. 171, prétend que toutes les affaires portées en arbitrage deviennent,

par

cela même, des affaires sommaires ; d'où il concluí que les arbitres doivent liquider les dépens et frais, puisque l'art. 543 C. Pr. porte que la liquidation des dépens sera faite, en ces matières, par le jugement qui les adjuge.

que

M. Carré, no 3332, répond à cet argument que ce ne serait pas le seul motif qui le porterait à décider les arbitres, dans le silence du compromis, seraient autorisés à liquider les dépens; en effet, dit-il, l'art. 1009 porte que les arbitres suivront, dans la procédure, les délais et les formes établis pour les tribunaux, si les parties n'en sont autrement convenues; donc, termine-t-il, si les parties n'ont pas consenti à ce qu'une affaire ordinaire de sa nature soit jugée par eux comme matière sommaire, il ne scrait pas sûr que cette affaire fût susceptible de recevoir l'application de l'art. 543, qui sert d'argument à M. Boucher, et la question resterait tout en

tière.

Cependant, ajoute M. Carré, nous adopterons l'opinion de M. Boucher, en la fondant sur ce que dit Rodier sur l'art. 2 du titre XXXI de l'ordonnance; il s'exprime ainsi : « Si les arbitres adjugent les dé>> pens, ils les liquident en même temps dans leur >> sentence; en défaut de les liquider, la taxe serait >> faite par les procureurs des parties, suivant Pussort, » dans le procès-verbal de l'ordonnance, ou plutôt » les dépens seraient enrôlés et taxés d'autorité du » parlement, en vertu de l'arrêt qui autoriserait la

» sentence. »

Ce qui veut dire qu'aujourd'hui la taxe serait faite

par le président du tribunal qui délivre l'exequatur de la sentence arbitrale (1020 C. Pr.)

Ainsi qu'on le remarque, M. Carré n'est point explicite dans sa manière de voir; et ce qui le démonère, c'est cette conclusion : « On sent néanmoins qu'il » est prudent que les parties, dans le compromis >> autorisent les arbitres à liquider, si de sa nature » l'affaire n'est pas sommaire, ou si, en renonçant » aux formalités de la procédure ordinaire, elles » n'ont pas donné ce caractère à une affaire qui ne >> l'aurait pas par elle-même ».

Quant à nous, nous n'établirons point en principe, comme M. Boucher, que toutes affaires portées en arbitrage deviennent, par cela même, des affaires sommaires, et qu'en conséquence il faut appliquer l'art. 543 C. Pr.

D'un autre côté, nous ne suivrons point le raisonnement de M, Carré, nous nous bornerons à dire que le droit de prononcer la condamnation aux dépens et de les liquider, est inhérent au pouvoir de juger qu'ont reçu des parties les arbitres de leur choix, sans distinction d'affaire ordinaire et d'affaire sommaire; que, suivant l'art. 1006, le compromis ayant dû désigner, à peine de nullité, les objets du litige, les arbitres n'ont plus qu'à prononcer sur ce litige, ordinaire ou sommaire, en suivant les délais et les formes établis pour les tribunaux, si les parties n'en sont autrement convenues, et ces formes et délais doivent etre suivis même pour les actes d'instruction; que si, d'après l'art. 1009, le compromis ne leur donne pas le pouvoir de prononcer comme

amiables compositeurs, ils sont tenus de décider d'a près les règles du droit; or, la règle qu'ils doivent suivre, en matière de dépens, est celle prescrite par l'art. 130 C. Pr., qui veut que toute partie qui succombera soit condamnée aux dépens, sauf les exceptions prévues par l'art. 131.

Ainsi, du moment que les arbitres ont le pouvoir et doivent condamner aux dépens la partie qui succombe, comme étant un droit et un devoir attachés à leur qualité de juges, ils peuvent donc les liquider, quelle que soit la nature du litige.

D'ailleurs, est-il besoin pour des arbitres de faire la distinction des dépens en matière sommaire et ordinaire, calquée sur les décrets du 16 février 1807? Y a-t-il près de leur tribunal des avoués auxquels il faut allouer des frais, suivant que la matière est sommaire ou ordinaire? Y a-t-il des greffiers, des huissiers-audienciers? S'agit-il, en arbitrage, de faire entrer en taxe, comme devant les tribunaux, une foule de dépens signalés par le réglement? N'arrivet-il pas le plus souvent que le litige est jugé sans autres frais que ceux d'enregistrement de certains actes, par exemple de l'enregistrement du compromis, du jugement, de quelques pièces, et des coûts d'exploits ou de significations faits par des huissiers, lesquels coûts sont fixés par le Tarif?

Ces considérations, et autres que nous aurions pu faire valoir, nous déterminent donc à penser que les arbitres ont le pouvoir de liquider les dépens qu'ils ont prononcés, que l'affaire, de sa nature, soit sommaire ou non.

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