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» d'être juges, est prescrite en termes aussi absolus » dans l'art. 54 C. Com. que dans l'art. 1007 C. Pr., » et que dès-lors rien ne peut conduire à penser qu'il » ait été dans l'intention du législateur de vouloir » que le délai soit de rigueur dans un cas, et simple>>ment comminatoire dans l'autre. >>

D'après cette explication sur le but de la loi, la règle serait donc violée, alors que les parties craignant que le délai fixé dans le compromis ne soit pas suffisant, et autorisant en conséquence les arbitres à le proroger, sans limiter le terme de la prorogation, s'il arrivait que ces mêmes arbitres le portassent au-delà de trois mois. Le motif le plus apparent de cette violation cst que les parties, n'ayant point limité le délai de la prorogation, qui se trouve ainsi abandonné à la discrétion des arbitres, sont considérées comme n'ayant point réglé ce délai, et dans ce dernier cas, l'art. 1007 C. Pr. en fixe un de trois mois, que les arbitres doivent adopter, lorsqu'ils n'ont reçu des parties qu'une simple autorisation de proroger celui du compromis.

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Ainsi, depuis la publication de nos Codes de procédure civile et de commerce, et suivant l'autorité de l'arrêt précité de la cour suprême, il est évident que les dispositions de la loi du 24 août 1790, qui autorisaient les arbitres à juger après le délai fixé par compromis, pourvu qu'ils n'eussent pas été révoqués par les parties, se trouvent abrogées, et que, par cette utile innovation, cessent les inconvéniens et les abus qui pourraient résulter de cette espèce de prorogation tacite des pouvoirs des arbitres.

3° (DÉLAI EXPIRÉ, MOYENS DE DÉFENSE DES PARTIES, PROROGATION.) Lorsque les parties continuent de produire devant les arbitres leurs moyens et défenses, après l'expiration du délai stipulé, ou de celui de la loi, cette circonstance peut-elle avoir le même effet qu'une prorogation expresse; en sorte que, malgré l'expiration du délai, les pouvoirs des arbitres n'auraient pas cessé, et le jugement qu'ils auraient rendu serait valable?

En d'autres termes, peut-il y avoir prorogation tacite des pouvoirs des arbitres?

Ces questions ont été résolues par le mémorable arrêt de la cour suprême du 22 avril 1823, D., t. Ier, p. 721, et par autres arrêts des cours d'Angers, Toulouse, etc. on peut voir l'exposé des motifs à l'Arbitrage forcé, section v, de la Cessation des pouvoirs des arbitres forcés, on y reconnaîtra qu'il est formellement décidé que les pouvoirs des arbitres volontaires ou forcés cessent, de plein droit, à l'expiration du délai fixé, soit par les parties, soit par la loi, soit par le tribunal, et qu'à cet égard on ne doit prendre pour règle que celle de l'art. 1012; qu'en conséquence, il n'y a point de prorogation tacite de ces pouvoirs, par cela seul quc les parties auraient gardé le silence ou auraient procédé devant les arbitres depuis l'expiration du délai, sans qu'aucune d'elles ait argué de cette expiration ou ait provoqué la nomination de nouveaux arbitres; qu'il faut, pour que la prorogation existe réellement, qu'un nouveau délai soit fixé dans les formes déterminées par l'art. 1005 C. Pr. ; qu'enfin il faut, pour que les pouvoirs des arbitres soient légalement prorogés, que le consentement una◄

nime des partics apparaisse par écrit et d'une manière précise.

4° (Délai de l'arbitrage, date d'ou il part.) Pour savoir l'époque exacte où finit la mission des arbitres, est-ce uniquement du jour de l'acte du compromis que doit commencer à courir le délai de l'arbitrage?

Voyez la solution de cette question, section Ix de ce chapitre, S de l'Expiration du Délai, ou de la Cessation des pouvoirs des arbitres.

5o (PROROGATION DU DÉLAI, PRODUCTION DE PIÈCES ET DÉFENSES.) Dans le cas où les parties ont fixé un délai, avec faculté aux arbitres de le proroger si l'une d'elles ne s'était pas mise en état dans le premier délai, serait-elle autorisée à le faire pendant celui de la prorogation convenue entre les arbitres?

M. Pigeau, t. Ier, p. 22, est pour la négative, et M. Carré, no 3283, adopte son avis sans réserve.

Nous pensons également, si les parties s'étaient bornées à fixer un délai dans le compromis, avec faculté aux arbitres de le proroger, que ce délai, étant une loi pour elles, ce ne pourrait être que pendant sa durée qu'elles pourraient produire leurs pièces et défenses, en un mot se mettre en état; qu'en conséquence l'une d'elles ne pourrait pas profiter du délai prorogé par les arbitres; car, dans l'intention des compromettans, ce délai prorogé n'a véritablement été destiné que pour les arbitres, afin de faciliter leurs opérations, afin qu'ils puissent rendre leur sentence, après une instruction qui a pu être longue et dépasser le délai primitif. Aussi M. Pigeau dit-il avec raison loco citato, que cette faculté de proroger ne fait pas,

du premier délai et de la prorogation, un seul délai, et n'autorise pas, par elle-même, la partie qui ne se serait pas mise en état dans le premier délai, à le faire dans le second.

Mais quid, si ces mêmes parties, craignant qu'elles ne puissent se mettre en état pendant le délai qu'elles auraient fixé, avaient entendu profiter aussi de celui de la prorogation en cas de besoin? En serait-il autrement, c'est-à-dire l'une d'elles, nonobstant l'expiration du premier délai, pourrait-elle encore produire pendant la prorogation?

Cela ne nous paraît pas faire de doute et n'a rien de contraire à l'opinion que nous venons d'émettre. Toutefois, cette partie, en pareil cas, doit se conformer à ce que prescrit l'art. 1016 C. Pr. ; elle doit être tenue, si elle est en retard, de produire ses pièces et défenses quinzaine au moins avant l'expiration du délai prorogé, et les arbitres eux-mêmes, d'après la stipulation des parties, ne peuvent s'empêcher d'avoir égard à ces nouvelles productions.

6o (PROROGATION faite en double ORIGINAL, OU NON.) Est-il nécessaire, A PEINE DE NULLITÉ, que l'acte qui proroge les pouvoirs des arbitres soit fait en double original, surtout si les arbitres ont été constitués dépositaires de l'acte qui contient la prorogation?

Jugé négativement par la cour de Florence, qui faisait partie de l'empire français, arrêt du 3 juin 1811. S., XIV, 11, 84. Cette cour a considéré « que >>> la prorogation se trouvant à la suite d'un acte déposé » et cité dans le jugement, on ne peut douter que les » arbitres n'en eussent connaissance, et que leur in

» tention ne fût d'en faire usage; que, lorsque les ar» bitres ont déclaré prononcer en vertu d'un com» promis prorogé, et dans les termes de cette proro>> gation, l'omission d'énoncer l'acte par lequel elle a » cu lieu ne peut fournir un moyen de nullité, ni d'après la lettre, ni d'après l'esprit de la loi. » Met l'appellation au néant.

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7o (Acte de prOROGATION NON MENTIONNÉ DANS LA SENTENCE, NULLITÉ.) La sentence arbitrale rendue par suite d'une prorogation de pouvoirs, après l'expiration du délai fixé par le compromis, est-elle nulle par cela seul qu'elle ne mentionne pas expressément l'acte de prorogation, si d'ailleurs cet acte existe, et s'il est constant que les arbitres en ont eu connaissance ?

Jugé encore négativement par la même cour de Florence. (V. l'arrêt du n° 6.)

8° (PROROGATIONS SUCCESSIVES DU DÉLAI DE LA LOI.) Lorsque les parties ont omis de fixer le délai, et qu'il se trouve par conséquent limité à trois mois par la loi, peuvent-elles néanmoins, à l'expiration de ce dé

lai, proroger les pouvoirs des arbitres, et même, avant le terme de cette prorogation, peuvent-elles le proroger de nouveau ?

Il n'est pas douteux que du moment que l'art. 1007 C. Pr. déclare valable le compromis, encore qu'il ne fixe pas le délai, les parties ont conservé, par cette prévoyance du législateur, la plénitude de leurs droits; qu'elles peuvent, de leur consentement unanime, proroger les pouvoirs des arbitres même audelà de trois mois, et les proroger encore dans la suite, s'il est nécessaire.

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