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parce que la loi, dans le cas où les parties n'auraient pas fixé le délai de l'arbitrage, en détermine un de trois mois, que ces mêmes parties n'ont pas le droit d'établir ce délai à un terme plus long, par exemple

quatre, à six, à huit mois et même au-delà, suivant la nature de la contestation; elles sont entièrement libres à cet égard; elles ne font qu'user d'un droit naturel et imprescriptible qui appartient à tous les citoyens, en se soumettant à l'arbitrage, de donner à cette institution toutes les modifications qu'elles jugent convenables, tant sous le rapport de la durée de l'arbitrage que sous celui des pouvoirs qu'elles confèrent aux arbitres, il suffit qu'elles ne dépassant pas les règles du droit touchant ces pouvoirs. Toutefois, si elles ont omis de fixer un délai dans le compromis, c'est alors que la loi intervient, non pas pour annuler la convention, puisqu'elle déclare au contraire qu'elle est valable, mais pour limiter à un temps déterminé la mission des arbitres, dès que les parties ne l'ont fait. Ce soin appartenait à la loi, parce que l'ordre public est intéressé à ce que des juges purement volontaires ne puissent en conserver le caractère d'une manière indéterminée; et si le législateur a fixé trois mois, c'est qu'il a pensé que ce délai était suffisant, soit dans l'intérêt des parties, soit pour l'opportunité des arbitres.

pas

Maintenant, pour ce qui concerne la faculté qu'ont les parties de proroger le délai de l'arbitrage, il est certain que s'il fallait prendre à la lettre la disposition de l'art. 1012 C. Pr., qui porte, n. 2, que « le >> compromis finit par l'expiration du délai stipulé ou

» de celui de trois mois, s'il n'en a pas été réglé »; il est certain, disons-nous, que l'on pourrait conclure que les parties n'auraient pas la faculté de proroger le délai à son expiration, soit qu'il ait été stipulé par elles, ou qu'à défaut, il se trouve réglé par la loi; mais, telle n'a pu être l'intention du législateur, et s'il a gardé le silence, sur ce point, dans l'art. 1012 et dans tout le titre des Arbitrages, c'est qu'il a considéré que cette faculté de la part des compromettans, libres de leur volonté, était trop évidemment de droit, pour en faire l'objet d'une disposition particulière.

Ainsi donc, soit que les parties aient fixé, dans le compromis, un délai pour la mission des arbitres, soit qu'ayant omis cette clause, le délai se trouve limité à trois mois par la loi, elles ont incontestablement le droit de le proroger, lorsqu'il expire ou qu'il est expiré, il ne faut de leur part qu'un consentement unanime à cet effet, exprimé en termes formels.

Par une conséquence naturelle de ce même droit, les parties craignant que le délai qu'elles ont fixé ne soit insuffisant, peuvent aussi, dans le compromis, autoriser les arbitres à le proroger, si ceux-ci le jugent nécessaire, c'est-à-dire, s'ils s'aperçoivent que l'instruction de l'affaire ou toute autre cause, ayant employé une grande partie du délai fixé, ils ne peuvent rendre leur décision dans ce même délai.

A ces observations générales, qui ne nous semblent point offrir de difficultés, nous pourrions ajouter de suite quelques explications touchant le délai de l'arbitrage et sa prorogation; mais, comme elles vont se

trouver aux Questions et Décisions, nous croyons inutile de nous répéter.

QUESTIONS ET DÉCISIONS.

1o (MANDATAIRE, POUVOIR DE PROROGER LE DÉLAI.) Lorsqu'un mandataire a reçu simplement le pouvoir de compromettre, peut-il consentir à proroger le délai, quand celui fixé par le compromis, ou celui déterminé par la loi, est expiré?

la

Sur cette question, M. Carré, no 3284, est pour négative. <«< Il n'est pas douteux, dit-il, que les dé» lais de l'arbitrage peuvent être prorogés du consen»tement des parties; mais nous croyons que les man>> dataires des parties ne pourraient proroger le délai » sans un pouvoir exprès et spécial donné séparé>>>ment, ou compris dans le mandat en vertu duquel >> ces mandataires auraient passé le compromis. >>

M. Carré, à l'appui de son opinion, rapporte celle de M. Boucher, p. 345, no 707, qui lui-même cite l'avis semblable de quelques auteurs anciens.

Nous partageons entièrement l'opinion de ces auteurs, quoique nous ne puissions pas la fortifier de décisions sur un pareil cas. Il est évident, en effet, qu'un mandataire qui n'a reçu que le pouvoir de compromettre ne peut consentir à proroger le délai de l'arbitrage sans un mandat spécial, parce que si le délai est expiré avant que les arbitres aient pu prononcer leur sentence, le mandant peut avoir intérêt à n'être plus lié par le compromis, qui finit (art. 1012 C. Pr.) par l'expiration du délai. Or, si le mandataire

souscrivait une prolongation des pouvoirs des arbitres, il compromettrait par là les intérêts du mandant et les siens propres, suivant les art. 1991 et 1992 C. C.

D'ailleurs, eùt-il même, avec le pouvoir de compromettre, un mandat conçu en termes généraux, il ne pourrait encore proroger le délai, d'après l'esprit des art. 1988 et 1989 même Code, il lui faudrait une autorisation expresse.

Il en serait de même si une partie, en l'absence de l'autre, consentait à la prorogation du délai, et qu'un tiers y consentît aussi au nom de la partie absente, promettant de lui faire ratifier ce consentement; Alors, si les arbitres rendaient ensuite leur sentence, la partie absente n'ayant pas ratifié la prorogation, serait fondée à en demander la nullité, puisqu'il scrait certain que cette sentence n'aurait pas été rendue dans le délai fixé par le compromis.

Toutefois, si la partie absente avait été mandée pour entendre la lecture de la sentence; qu'elle eût comparu sans faire aucune observation, et que les arbitres eussent constaté cette présence, nous croyons

que

la sentence devrait être maintenue, si elle était inattaquable pour autres motifs, parce que la partie, quoique n'ayant pas ratifié la prorogation, serait censée y avoir acquiescé, puisqu'elle a comparu pour entendre la lecture de ladite sentence, sans faire de réclamation.

2o (ARBITRES, POUVOIR, PROROGATION AU-DELA DE TROIS MOIS.) Si les parties, craignant que le délai qu'elles ont

fixé ne soit pas suffisant, autorisent les arbitres à le proroger, sans néanmoins fixer le terme de la prorogation, ceux-ci peuvent-ils le porter au-delà de trois mois?

M. Carré, sur cette autre question, se borne à dire que M. Pigeau, t. Ier, p. 21, la résout négativement, et que tel est aussi l'avis de M. Boucher, p. 346, no 706; mais il ne fait point connaître son opinion particulière.

Quant à nous, qui avons sous les yeux celle de M. Pigeau, nous pensons qu'elle devrait reposer sur des motifs plus concluans, afin de ne laisser aucun doute qu'en arbitrage volontaire, comme en arbitrage forcé, si les parties, ont la faculté de prolonger la mission des arbitres pour aussi long-temps qu'elles le croient utile, elles ne peuvent néanmoins s'en rapporter à la volonté de ces juges pour proroger le délai déjà fixé; il est nécessaire qu'elles déterminent la durée de la prorogation, autrement la loi doit prendre ce soin, dans le silence des parties; et à ce sujet nous emprunterons un argument péremptoire d'un arrêt de la cour suprême, du 22 avril 1823, D., t. Ier, p. 723, dont on peut voir les développemens à l'Arbitrage forcé, section v.

La cour suprême, touchant donc la règle de limiter d'une manière formelle le délai, soit en arbitrage volontaire, soit en arbitrage forcé, s'exprime en ces

termes :

<< On peut d'autant moins en douter que l'obliga>>tion de circonscrire les pouvoirs des arbitres dans » un délai fixé, à l'expiration duquel ils cesseraient

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