Page images
PDF
EPUB

§ 2. Effets de l'adoption, Révocation, Nullité.

49.

Effets. L'adoption confère le nom de l'adoptant à l'adopté, en l'ajoutant au nom propre de ce dernier (C. civ., 347).

50. Le contrat d'adoption pourrait-il contenir la convention que l'adopté ne joindrait pas à son nom celui de l'adoptant? Sans doute, les juges n'homologueraient pas une pareille adoption. Dans tous les cas, cette convention nous paraîtrait de nul effet. Dès que les rapports de paternité et de filiation sont créés, il est d'ordre public que ces actes, qui touchent à l'état des citoyens, soient exécutés selon le vœu du législateur, et que la société en soit informée par l'addition du nom dont il s'agit.

51. Cette transmission de nom n'empêche pas que l'adopté ne reste dans sa famille naturelle, et n'y conserve tous ses droits. (C. civ., 348). L'adoption romaine, au contraire, jusqu'à Justinien, rendait l'adopté tout à fait étranger à son ancienne famille, sauf les effets produits par le lien naturel, qui n'était pas détruit. Just. de adopt., no 2.

52. Puisque l'adopté reste dans sa famille naturelle, l'adoption ne produit ni parenté, ni alliance, mais simplement une affinité civile qui a fait interdire le mariage entre l'adoptant et l'adopté, entre l'adoptant et le conjoint de l'adopté, et ses enfants légitimes ou adoptifs, et réciproquement (C. civ., 348,) L'adopté n'est tenu à des actes respectueux qu'envers ses parents naturels. V. Acte respect.

53. Le mariage contracté au mépris de l'art. 348 serait-il nul? V. Mariage.

54.-L'obligation naturelle, qui continuera d'exister entre l'adopté et ses père et mère, de se fournir des aliments dans les cas déterminés par la loi, sera considérée comme commune à l'adoptant et à l'adopté, l'un envers l'autre (C. civ., 349.) — V. Ali

ments.

55. Le principal effet de l'adoption, celui qu'on a le tort de confondre avec le but de l'adoption, (V. supra), c'est la successibilité. - L'adopté aura sur la succession de l'adoptant les mêmes droits que ceux qu'y aurait l'enfant né en mariage. même quand il existerait d'autres enfants de cette dernière qualité, nés depuis l'adoption (C. civ., 350).

56. Mais l'adopté n'acquerra aucun droit de successibilité sur les biens des parents de l'adoptant. (C. civ., 550). Cela suit du principe, que l'adoption ne produit pas chez nous de parenté.

57. L'adopté ne peut pas non plus venir par représentation à la succession des ascendants de ses père et mère adoptifs; ce droit n'existe qu'en faveur des successibles en degré inférieur au représenté, et dans la succession de celui-ci (C. civ. 759). — Dur., t. 5, no 513.

58.

Il faut que les biens soient entrés, ne serait-ce que pendant un instant, dans le patrimoine de l'adoptant, (C. civ., 781).

59. L'enfant adoptif est véritablement héritier légitime de l'adoptant: l'adoption a eu pour objet de donner à l'adoptant une descendance fictive semblable, dans tous ses effets, à la descendance naturelle. - 2 déc. 1822. Civ., c.- - 27 janv. 1824.

60.- De là plusieurs conséquences: 1o la représentation a lieu en faveur des descendants de l'adopté, venant à la succession de l'adoptant. C. civ., 347, 351, 740.) Proud., t. 2, p. 159—2 déc. 1822. Civ., c. 27 janv. 1824, Paris. Toul., t. 2, no 1015; Dalloz, n. 65. Contrà, Locré, Esp. Code. civ. t. 4, p. 344; Gren., n. 37.

61.2o Les ascendants de l'adoptant ne peuvent

pas prétendre à une réserve, lors même que la succession n'est recueillie que par des enfants adoptifs. (C. civ., 915). Il en est autrement sous le code prussien (Dur., t. 3, no 311; Delv., t. 1.), et avec raison suivant nous; il ne faut pas que les actes du droit civil étouffent jamais les droits de la nature.

62. · 3o L'adopté, au contraire, a droit à une réserve, (C. civ., 913). Les auteurs sont d'accord sur ce point. Dur., t. 3, n. 317.

63. Quant aux dispositions entre-vifs, les auteurs refusent à l'adopté la demande en réduction de celles qui sont antérieures à l'adoption. Toul., t.12, n. 1011; Delv., t. 1, p. 413; Gren., n. 39. Il y a même controverse au sujet de celles qui sont postérieures à l'adoption.

64. Le droit de succession n'est point réciproque entre l'adoptant et l'adopté. Les biens de l'adopté appartiennent à ses parents naturels après sa mort, sauf le droit de retour en faveur de l'adoptant.

65. Si l'adopté meurt sans descendants légitlmes, les choses données par l'adoptant, ou recueilles dans sa succession, et qui existeront en nature lors du décès de l'adopté, retourneront à l'adoptant ou à ses descendants, à la charge de contribuer aux dettes, et sans préjudice des droits des tiers. (C. civ., 351).

66. Le surplus des biens de l'adopté appartiendra à ses propres parents, et ceux-ci excluront toujours, pour les objets même spécifiés au présent article, tous les héritiers de l'adoptant autres que ses descendants (C. civ., 551).

[ocr errors]

67. Ce retour est une véritable succession, comme au cas de l'art. 747 C. civ., et non pas une résolution du titre en vertu duquel le défunt possédait les biens (Demante, Cours de droit, n. 340). Ainsi les règles de l'indignité, en matière de succession, seraient applicables (C. civ., 727). Du reste, c'est un droit exclusivement limité aux personnes et aux choses que la loi détermine.

68. Le droit de retour en faveur de l'adoptant existe-t-il encore lorsque l'adopté a lui-même laissé, à son décès, des enfants adoptifs ? Non, s'il s'agit de retour légal (Arg. C. civ., 350). Oui, si le retour est conventionnel (Grenier p. 529, n. 39; Toullier, t. 5, n. 503).

69. Le droit de retour consacré par l'art. 351, moins étendu sous un rapport que celui de l'art. 747 C. civ., l'est davantage sous un autre.

[ocr errors]

70. Ainsi l'adoptant ne peut reprendre que les objets par lui donnés, qui se retrouvent en nature dans la succession de l'adopté; il n'a pas, comme l'ascendant, droit au prix qui pourrait en être dû (C. civ. 351. 747).

[ocr errors]

71. Mais aussi le droit de retour de l'adoptant ne s'éteint pas, par cela seul que l'adopté laisse à son décès de la postérité. «Si, du vivant de l'adoptant et après le décès de l'adopté, les enfants ou descendants laissés par celui-ci mouraient eux-mêmes sans postérité, l'adoptant succédera aux choses par lui données, comme il est dit en l'article précédent. Mais ce droit sera inhérent à la personne de l'adoptant, et non transmissible à ses héritiers, même en ligne descendante» (C. civ., 352.)

72. Si l'adoptant ne succède pas à l'action en payement du prix, succède-t-il aux actions en réméré, en rescision, en nullité? Oui, d'après la règle qui habet actionem ad rem recuperandam, rem ipsam habere videtur. En effet, le résultat de ces actions sera de faire rentrer la chose dans la masse héréditaire, tandis que l'action en payement du prix ne peut avoir cet effet. Conf. Dur., 3, n. 323, 324. Contrà, Gren., 520; Toul. 2, n. 1013. - Malleville et Delv. accordent action dans les deux cas.

73. Révocation. - L'adoption consommée par l'inscription sur le registre de l'état civil, peut-elle être révoquée? On argumente de la règle, que les contrats se défont de la même manière qu'ils se forment, pour prétendre que le changement de volonté manifesté et homologué de la même manière que l'acte d'adoption, aurait la force révocatoire. C'est l'avis de Toullier, t. 2, n. 118, qui s'appuie sur le code prussien. Mais l'adoption n'est pas seulement un contrat, c'est la constitution d'un état civil. Si la loi n'avait pas voulu lui imprimer le caractère de l'irrévocabilité, il était inutile d'imposer à l'existence de l'adoption les conditions difficiles que prescrit la loi. Conf. Gren., Merl., Rép. vo Révocation d'adoption; Locré, legisl. t. 3, p. 161 et 5. Dur., t. 5, n. 320. 74.-L'ingratitude de l'adopté serait-elle un moyen de révocation? Pour l'affirmative on se fonde sur ce que l'adoption n'est qu'un don d'hérédité; mais la privation de la succession de l'adoptant, pour le cas d'ingratitude, n'effacerait pas les autres caractères l'adoption. — V. Suprà et Dur., t. 3, n. 327, 328.

87.- Nullité. Les parties entre lesquelles estintervenu un arrêt d'adoption, ne pourraient pas en demander elles-mêmes la nullité pour vice de forme ou défaut d'accomplissement des conditions. Mais cette action appartient aux héritiers de l'adoptant. Elle leur vient directement de la loi, à la différence des actions héréditaires, qui ne peuvent être exercées par les héritiers qu'autant que leur auteur aurait pu les exercer lui-même. (C. civ. 339. 1595.) — Dur, t. 6, n. 529.

76. Mais quelle voie faut-il prendre pour faire prononcer cette nullité? Ce ne peut être ni la cassation ni la requête civile, car l'héritier n'a pas été partie dans l'arrêt d'admission de l'adoption. L'absence de motifs, prescrite par la loi, rend d'ailleurs impossible le recours en cassation, la cour suprême ne pouvant connaître des faits. - Dur. t. 3, n. 550. 77. Les demandeurs en nullité de l'adoption peuvent offrir de prouver, tant par titres que par témoins, que les conditions nécessaires pour l'adopLion n'ont pas été remplies. Dalloz, n. 95.

$5.-Des formes de l'adoption.

78.- La personne qui se proposera d'adopter, et celle qui voudra être adoptée se présenteront devant le juge de paix du domicile de l'adoptant, pour y passer acte de leurs consentements respectifs. (C. civ. 353.)

79. Mais, pour avoir son effet, ce contrat doit recevoir la sanction des tribunaux. Ainsi une expédition de l'acte sera remise, dans les dix jours suivants, par la partie la plus diligente, au procureur du roi près le tribunal de 1re instance, dans le ressort duquel se trouvera le domicile de l'adoptant, pour être soumis à l'homologation de ce tribunal (C. civ. 354)

80. Si la remise de l'expédition n'avait pas eu lieu dans les dix jours, il faudrait un nouvel acte d'adoption devant le juge de paix.

81. Il ne suit pas de cet article que l'acte reçu par le juge de paix ne soit un simple projet, n'enchaînant la volonté d'aucune des parties. Sans doute ces parties sont libres de faire tomber l'adoption, en n'en requérant ni l'une ni l'autre l'homologation; mais si l'une ou l'autre a fait cette réquisition, c'est au tribunal à prononcer, en ayant tel égard que de droit au refus actuel, soit de l'adopté, soit de l'adoptant.

82. Le tribunal, réuni en la chambre du conseil,

et après s'être procuré les renseignements convenables, vérifie 1o si toutes les conditions de la loi sont remplies; 2o si la personne qui se propose d'adopter, jouit d'une bonne réputation (C. civ. 555).

85. Les adoptions auraient été encore bien plus rares qu'elles ne sont, si l'on avait laissé à l'adoptant la crainte de voir consigner dans un acte public des allégations de faits honteux, ou reprochables, ou même de simples soupçons contre sa moralité. Aussi, dans un acte qui est tout de désintéressement, a-t-on dû prévenir un si grave inconvénient.

[ocr errors]

84. En conséquence, après avoir entendu le procureur du roi, et sans aucune autre forme de procédure, le tribunal prononce, sans énoncer de motifs en ces termes: Ily a lieu, ou Il n'y a pas lieu à l'adoption (C. civ. 356).

85. Le rejet d'une demande à fin d'adoption n'empêcherait pas les mêmes parties d'en présenter une nouvelle, soit devant les mêmes tribunaux, soit devant d'autres, si l'adoptant avait changé de domicile. L'autorité de la chose jugée ne trouve pas plus d'application au cas actuel, que dans celui d'un jugement qui maintient une opposition de mariage; opposition qu'on peut toujours faire lever en produisant la preuve que la cause en a cessé, ou n'a jamais existé. (C. civ. 172. 177. 178.) Seulement il faudra un nouvel acte d'adoption.- Dur.. 3, n. 305.

86. Tout arrêt de la cour d'appel qui admettra une adoption, sera prononcé à l'audience, et affiché en tels lieux et en tel nombre d'exemplaires que le tribunal jugera convenable (C. civ. 558).

87. L'adoption apportant un changement à l'état des personnes, doit être consignée parmi les actes qui règlent cet état. De là la nécessité de faire inscrire l'adoption sur le registre de l'état civil du lieu où l'adoptant est domicilié (C. civ., 359).

88. Cette inscription n'aura lieu que sur le vu d'une expédition, en forme, du jugement de la cour d'appel. L'adoption restera sans effet si elle n'a été inscrite dans les trois mois qui suivent le jugement (C. civ., 359).

89. Il suit de là que tant que l'adoption n'est pas inscrite, les parties peuvent revenir contre elle, même par consentement exprès. — Dur., t. 3, n. 501.

90. La mort de l'adoptant avant cette inscription n'est pas un obstacle à l'adoption, l'inscription pouvant être requise par l'adopté aussi bien que par l'adoptant (C. civ., 359).

91.- Si même l'adoptant vient à mourir après que l'acte constatant la volonté de former le contrat d'adoption a été reçu par le juge de paix et porté devant les tribunaux, et avant que ceux-ci eussent définitivement prononcé, l'instruction sera continuée et l'adoption admise, s'il y a lieu (C. civ., 560).

92. Il n'est pas douteux que les deux circonstances indiquées dans l'article ne doivent concourir pour que l'adoption puisse être continuée; l'acte est porté devant les tribunaux aussitôt que l'expédition en a été remise au procureur du roi. Demante, t. 1, n. 34.

[ocr errors]

93. Les héritiers de l'adoptant peuvent, s'ils croient l'adoption inadmissible, remettre au procureur du roi tous mémoires et observations à ce sujet (C. civ., 360): c'est le seul cas où une telle intervention est admise, mais ses héritiers peuvent attaquer l'adoption après le décès de leur auteur.

[blocks in formation]

$4. - Questions transitoires.

115. Dans l'intervalle de la loi de 1792 au code civil, avaient eu lieu un grand nombre d'adoptions qui n'auraient point été permises d'après les règles tracées au code. Elles ne pouvaient être anéanties sans injustice, puisqu'elles avaient été consommées alors qu'aucune règle n'existait encore. De là l'art. 1er de la loi du 25 germ. an x1, qui dispose:

<< Toutes adoptions faites par actes authentiques depuis le 18 janvier 1792 jusqu'à la publication des dispositions du code cviil relatives à l'adoption, seront valables, quand elles n'auraient été accompagnées d'aucune des conditions depuis imposées, pour adopter et être adopté. » Grenier, De l'adopt. n. 44.

119. ---- La loi du 25 germ. an xi paraît applicable à toutes les adoptions antérieures au code, sauf celles faites par uu mineur, un interdit, un mort civilement, en un mot par un individu affecté d'une incapacité absolue et générale. — Dalloz, n. 119.

ADULTERE.-1.- L'adultère est la violation de la foi conjugale par l'un ou l'autre époux (C. 212).

[blocks in formation]

$1er. Cas où il y a adultère.

2. - Il est de l'essence de tout délit qu'il y ait à la fois fait et intention. Qu'une femme, instruite d'un rendez-vous, donné par son mari, parvienne, aidée par la nuit, à se substituer à sa rivale, et reçoive des faveurs destinées à celle-ci, Bedel décide avec raison qu'il n'y a pas là adultère de la part du mari. L'intention était coupable, le fait a manqué.

3. Il en faudrait dire autant à l'égard de la femme qui aurait été surprise et arrêtée au moment même où le délit allait se consommer.

4. Il importerait même peu qu'elle fût provocatrice du rendez-vous.

5.-Que dire du mari ou de la femme qui auraient cherché à corrompre les mœurs d'une jeune fille ou d'un jeune enfant? Il y a un crime dans ce fait; l'art. 334 code pénal le déclare; mais suit-il de là qu'il n'y ait pas délit d'adultère? - Bedel, n. 5, résout la question à l'égard de la femme: « Je vois en elle, dit-il, une Messaline de cœur, mais elle n'est pas adultère; elle ne concerra pas les fruits d'un crime consommé. » ——— Cette opinion peut être exacte, suivant la distinction qu'on va faire; mais on remarque dès à présent que le motif qui lui sert de base manque de justice. Ce n'est pas, en effet, parce qu'il n'y aura pas de conception, que la femme ne sera pas adultère, car il en faudrait dire autant du mari qui aurait chaque jour, sous les yeux même de sa femme, des liaisons avec une jeune fille de dix à douze ans. On ne doit s'arrêter, ce semble, qu'à la question de savoir s'il y a eu copulation entre les individus, puisque l'intention de violer la foi conjugale ne saurait plus être incertaine.

6.-Aussi Bedel, n.5 et 6, décide-t-il que la femme qui reçoit les caresses d'un vieillard ou même d'un eunuque, est adultère, quoique ce dernier sera le plus souvent impuissant.

7. On comprend aisément que, dans l'appréciation de ce délit, la décision des juges sera presque toujours en dernier ressort, puisqu'ils se bornent à constater un fait.

8.- Mais si, après avoir reconnu le fait de copulation d'une femme avec un impubère, le juge n'excusait la femme qu'en considération de l'âge de ce dernier, il nous paraît que cette décision devrait être réformée par la cour de cassation.

9Il suit de là que la stérilité de la femme ou son impuissance ne serait pas une cause d'excuse.

10. On doit adopter la même solution à l'égard du mari, quoiqu'en raison de son grand âge où de celui de sa concubine, il n'y aurait aucune possibi lité que l'adultère amenât la conception de la femme. C'est la paix du ménage, c'est la sûreté du foyer domestique que le législateur a voulu surtout entretenir. Il devait dès lors en bannir toute souillure, toute cause de perturbation incessante et scandaleuse.

11. Il est une question, dit Bedel, n. 6, dont le développement exigerait un casuiste aussi intrépide que Sanchez. Si je la présente, c'est qu'une législation moderne et étrangère s'en occupe; la voici : an vir cum viro, mulier cum muliere adulterium committat? Qu'on la juge comme on voudra, le code prussien la résout affirmativement (2o part., tit. 1er, art. 672, et tit. 20, art. 1065). Il est manifeste que la négative ne saurait qu'être admise sous notre code.

Le fait criminel qui a occupé la législation prussienne est une monstruosité, que nos mœurs, plus pures sans doute, n'ont pas dû prévoir.

12. La femme mariée, pendant l'absence de son mari, qui, depuis le retour de celui-ci, entretient avec lui des liaisons. peut-elle être poursuivie en adultère par le second mari? Bedel soutient l'affirmative; il se fonde sur la règle : « in pari causâ possessor potior esse debet (L. 128, D. de reg. jur.) sur la position odieuse du premier mari, qui, pouvant faire annuler le second mariage de sa femme, et étant même seul recevable à réclamer (arg. de l'art. 129 C. civ.), garde le silence et préfère entretenir avec elle des liaisons déshonorantes pour le second mari.» Cette conclusion semble rationnelle vis-à-vis de la femme. Mais on comprend que la prétention du second mari, de faire punir le premier mari pour complicité d'adultère, ferait plus de difficulté. Sur la poursuite, celui-ci ne manquerait pas de faire annuler le second mariage, et l'annulation prononcée, le second mari resterait sans qualité pour se plaindre.

D'ailleurs, combien de circonstances, en cas pareil, pourraient faire juger avec faveur le premier mari, et rendre même son silence honorable, s'il était certain qu'il n'eût été déterminé que par la crainte de flétrir, sous les peines de la bigamie, la mère de ses enfants, celle qui fut pour lui une épouse toujours chérie ?

15. Le mort civilement, gracié, ne peut plus rien obtenir, sans délit, de sa femme tant que dure le nouveau mariage qu'elle s'est crue autorisée à con tracter. Bedel., n. 6.

14.« Si un mari commet un viol dans la maison commune, il y a de sa part crime complexe : adultère et viol, pourvu qu'il l'ait commis sur une femme nubile. » Ainsi s'exprime Bedel, n. 7. - Il y a là, suivant nous, une double erreur : il faudrait, d'une part, que le mari eût tenu ou entretenu sa concubine dans le domicile commun (C. civ., 230; C. pén., 359); et, d'un autre côté, la condition de nubilité n'est pas impérieusement exigée. Aussi cet auteur dit-il ailleurs, n. 13: « Le seul fait d'adultère dans la maison commune ne suffit pas pour faire dire du mari qu'il y a tenu, entretenu sa concubine; ces

mots supposent séjour de la complice, ou du moins adultère réitéré dans le domicile commun. »

15. Dans la répression du délit d'adultère, la loi a été et a dû être plus sévère pour la femme que pour le mari. Telle était déjà l'ancienne jurisprudence : des peuples peu avancés en législation admettaient la même distinction Rutheni pro adulterio non computant si vir habens uxorem cum solutâ concubuerit,exceptâ uxore allerius (Russia, de matrim. an. 1650). N'y a-t-il pas des raisons de cela? et fautil dire, avec Montaigne, « qu'il est plus aisé peutêtre d'accuser un sexe que d'excuser l'autre ? » La · loi est fort sage. « La femme, remarque très-bien Bedel. n. 7, a des devoirs domestiques; ses enfants lui sont, à elle plutôt qu'au mari, donnés en garde... Une mère, infidèle une fois, est désarmée à toujours; la pudeur n'est plus là; les séductions se pressent autour d'elle...; de sa faute naissent des enfants.... objets d'antipathie... L'adultère de l'homme n'allume la guerre qu'entre deux femmes, guerre rarement meurtrière; celui de la femme met en présence deux hommes, et le sang coule... » — Ajoutons une considération qui tient à la faiblesse de la femme, à la pudeur, qui est la première vertu de son sexe, et peut-être aussi à la manière dont le mariage est honoré parmi nous, c'est que la femme, qui a foulé une fois aux pieds la foi conjugale, në s'appartient plus. Esclave d'un nouveau maître, repoussée par son mari, par une société qui marque au front la femme coupable, tout en riant du mari trompé, elle sent qu'elle n'a d'appui qu'auprès de son complice; elle se rattache à lui par tous les dévouements, par l'oubli continuel de ses premiers devoirs.

16. L'épouse, qui, se croyant veuve, soit d'après un acte de décès, soit d'après tout autre indice propre à lui donner la conviction du décès de son mari, entretient des liaisons avec un autre individu, se rend-elle coupable d'adultère? - L'affirmative se fonde sur la maxime: Danti operam rei illicitæ, imputantur omnia quæ sequuntur etiam præter voluntalem ejus. - V. Merl., Rép., vo Légitim., sect. 5, § 2, n. 10; Pothier. Du mariage, part. 5, ch. 2, art. 2, 2; Toullier, 1, n. 657. — Bedel pense que la maxime est contraire à notre droit; il cite la disposition qui ne punit que des travaux forcés le recéleur d'objets enlevés avec des circonstances qui entrainent la mort. Cependant la femme est coupable à nos yeux; nous ne voyons dans sa position que des considérations propres à atténuer la peine.

17. Quoique la femme ait moins de de 16 ans, il serait dérisoire de prétendre qu'elle a agi sans discernement, pour lui appliquer l'art. 66 C. pén.; mais elle n'encourra qu'un emprisonnement de moins d'un an. (C. pén. 69.) Bedel, n. 55.

§2.-Exercice de l'action.—Qualité pour agir.

18. L'adultère de la femme est plutôt un délit privé envers le mari, qu'un délit public commis envers la société ( Motifs du C. pén., p. 227).

་་

19. L'art. 356. C. pén. porte : « L'adultère de la femme ne pourra être dénoncé que par le mari. » Cette disposition est conforme à l'ancienne jurisprudence. C'est lui, en effet, qui est le premier offensé, et qui est présumé le meilleur juge de la conduite de sa femme. S'il y a d'ailleurs une voie à l'indulgence, il ne faut pas la fermer; le repos de la famille, l'intérêt des enfants, réclament contre l'intervention indiscrète des tiers. Enfin, c'est le mari que les fautes de la femme flétrissent dans l'opinion publique. A lui seul dès lors devait être réservé le droit de plainte. LEG. US.

C'est le cas de dire, avec la loi romaine, Maritus genitalis thori solus vindex.

20. Le mari qui aurait été condamné aux travaux forcés perpétuels pour meurtre, jugé inexcusable, sur la personne du complice de sa femme, serait-il recevable encore à poursuivre par un curateur l'adultère de celle-ci? Bedel, n. 22, repousse l'action à défaut d'intérêt et de qualité, puisque, par la perte de ses droits civils et la dissolution de son mariage, il est devenu sans intérêt et sans qualité (C. 25).

21. — L'adultère du mari n'est aussi qu'un délit privé envers la femme, qui peut seule en demander la répression et la punition (C. pén. 559). Mais pour que sa demande puisse être accueillie, il faut que son mari ait tenu, entretenu sa concubine dans la maison conjugale. (C. civ. 250; C. pén. 559.).

22. Il faut, en un mot, une sorte de séjour de celle-ci dans la maison pour autoriser la plainte.

23. Mais il ne suffirait pas, pour y échapper, que le mari commit ces adultères ailleurs que dans la maison, si dans la réalité sa concubine y est entretenue.

24.

La maison commune est celle du mari, quoique la femme n'y réside pas. V. Sépar. de corps. 25. Le ministère public n'a pas l'initiative en cette matière, quoique la connivence de l'époux ajouterait au scandale.

26. Mais, suivant Carnot, sur les art. 536, 559, C. pén., il suffit d'une simple dénonciation de la part du mari pour autoriser les poursuites. Le code n'exige pas qu'il en ait porté plainte... Ce n'est que sur la plainte de la femme et non sur sa simple dénonciation, que le mari peut être poursuivi. » Cette distinction est bien subtile, et les mots dénonciation et plainte paraissent ici avoir la même valeur; et Bedel remarque avec raison que la dénonciation faite par un intéressé est une plainte véritable.

27. -- La dénonciation faite par le mari contre sa femme, suffit pour autoriser l'action du ministère public, sans qu'il soit besoin de son assistance dans les poursuites.- 22 août 1816, Cr. c. 23 nov. 1822, Bruxelles. Merl., vo Adultère.

28.

Le ministère public ne peut appeler quand le mari garde le silence. - Bedel, p. 83.

29. Cependant la demande en séparation de corps, portée par le mari devant le tribunal civil, n'anéantit pas l'action du ministère public. (C. pén., 336; Inst. cr. 537; 1, 5 et 22. - 22 août 1816. Cr. c., 30. - Il résulte de cette décision et des motifs de l'arrêt duquel elle est extraite, que le désistement du mari serait impuissant à arrêter l'action publique; mais, comme le remarque Carnot, t. 2, p. 104, la considération, dans l'espèce, que le mari, par sa demande en séparation, n'avait pas révoqué la dénonciation d'adultère, parut décisive à la cour pour faire prononcer l'annulation du jugement. Si donc le mari avait révoqué, comme la dénonciation n'aurait plus eu d'existence légale, le tribunal aurait eu raison de déclarer qu'il n'y avait pas lieu à suivre. Dalloz, n. 37.

Bedel

31. Si l'adultère est proposé au civil dans une instance en séparation de corps ou en révocation de donation, le ministère public peut-il s'emparer de faits allégués et provoquer la peine? fonde l'affirmative sur les art. 357 C. pén. et 22 C. inst. cr.; mais il pense que l'action doit être portée devant le tribunal correctionnel. — Cela ne nous parait pas certain.

32. Le tuteur de l'interdit ne pourrait ni intenter, ni suivre l'action, parce qu'en effet il ne pourrait pas pardonner l'interdit,ce que peut faire à chaque 13" LIVR.

instant, et ce qui est dans le vœu de la loi. C'est l'avis de Bedel; mais ne se préoccupe-t-on pas d'une raison trop particulière, pour dénier une action que le scandale public et l'intérêt des enfants peuvent rendre nécessaire?

33. Le mandataire eût-il reçu du mandant le pouvoir de dénoncer l'adultère de la femme, s'il arrivait qu'elle s'en rendit coupable, ne serait pas recevable à faire usage d'une telle procuration. « On « ne peut, dit Bedel, n. 10, renoncer ainsi d'avance « à la faculté d'absoudre, non plus qu'à un autre « droit non encore ouvert (C. civ. 791, 2220). » Notez que Bedel accorde, qu'à la rigueur le mandataire peut faire constater l'adultère, et réserver au mari la faculté de le poursuivre. Mais il ajoute, et avec raison, que cela serait sujet à inconvénient, et peu d'accord avec l'art. 356.

-

34. Sous le droit romain, les parents avaient qualité pour porter plainte. (Loi 50 au Code ad. leg. Jul. de adult.)

35. Sous notre droit, les héritiers, les enfants même peuvent opposer l'adultère, mais seulement d'une manière indirecte, soit pour faire annuler le legs dont une concubine est gratifiée, soit pour faire tomber la reconnaissance de l'enfant adultérin, soit pour continuer ou intenter l'action en désaveu.

[blocks in formation]

56. La réconciliation survenue entre les époux depuis la plainte en adultère portée par un mari contre sa femme, avant le jugement de cette plainte, a pour effet d'éteindre l'action du ministère public; dès lors, si le tribunal saisi de la plainte a néanmoins prononcé des peines contre la femme, la cour, sur l'appel, doit annuler la condamnation (C. pén., 330, 357). - 7 août 1823. Cr. c.

Carnot, t. 2, p. 105, pense que la réconciliation entre les époux éteint l'action du ministère public, en tout état de cause. C'est aussi ce qui semble résulter de cet arrêt.

37. A moins qu'il n'y ait eu erreur de la part de l'époux offensé (C. 272).

38.-Et cette erreur se suppose plus aisément dans le premier cas que dans le second.

39. Le pardon accordé par le mari pour les déportements de sa femme avec un individu, ne s'étendrait pas aux faits que le mari apprendrait avoir été commis par sa femme avec d'autres.

[ocr errors]

40. Dans ce cas, ce serait à la femme de prouver que le pardon du mari a été général (Bedel, n. 19), et cette présomption s'admettrait facilement. Car lorsque la paix a été scellée, sans arrière-pensée, sans restriction, on n'est pas favorablement admis à en contester l'étendue.

41. Cette appréciation se fait suivant le rang, le caractère des parties.

42. Le rapprochement se prouve par témoins, par lettres, ou autres écrits, par interrogatoire sur faits et articles (C. 274; C. pr. 252, 524, 350).

45. L'appréciation de ces faits est, suivant Bedel, faite discrétionnairement par le juge; ce qui est vrai, quant à la constatation des faits, mais faux quant à leur qualification, comme le prouve la décision de la cour de cassation de France du 8 décembre 1832.

[blocks in formation]

étendu par Toullier à la séparation de corps, on ne peut se dissimuler qu'il résultera d'un silence prolongé une grande présomption de rapprochement. Aussi lit-on dans la loi romaine : Destitisse eum accipimus qui in totum animum agendi deposuit, non qui distulit accusationem (L. 15, D. ad sen. turpell. Paul, lib. 5, de adult.).

45. — Si, depuis la plainte qu'elle aura portée, la femme devient grosse, son action tomberait devant ce fait, la réconciliation serait forcée.

-

46. Mais ce même fait ne serait plus une preuve, si c'était le mari qui eût porté plainte, quoique l'enfant dût être légitime, car la loi romaine n'a pu dire qu'en faveur de l'enfant Potest et mulier adultera esse et impubes maritum patrem habuisse (L. 11, § 9. D. ad leg. Jul. de adult.).

47. Un sursis peut être accordé pour prouver la grossesse. - Bedel, n. 32.

48. Le consentement donné par le mari à l'adultère de sa femme, écarterait toute plainte, quoique le délit eût été commis avec un autre que le complice par lui désigné, et dont il rechercherait peut-être la protection. Sa turpitude, dit très-bien Bedel, empêcherait qu'on l'écoutât : Nullam potest videri injuriam accipere qui semel voluit (L. 9, § 1, ff. de aquâ et aq.). C'est un proxenète, un complice que la loi romaine ne se bornait pas à déclarer non-recevable, mais qu'elle punissait (L. 28, C. ad. 1. Jul. de adult. L. 29, ff. ead.). Notre législation ne prononce de peine qu'autant que la conduite du mari présenterait une atteinte publique aux mœurs (C. pén. 330); mais le juge aurait toute latitude pour repousser sa plainte.

49. Le désistement éteint l'action, quoiqu'il ne soit pas encore accepté; c'est une exception à l'art. 403 du C. pén.; il y a pardon. Bedel, eod. Mais il s'entend qu'il en serait autrement si le désistement était conditionnel ou restreint seulement aux actes d'instruction qui seraient irréguliers.

50. L'adultère suppose le mariage. Si l'époux poursuivi prétend que le sien est nul, on doit au préalable vider l'exception, et si la nullité est admise, le demandeur, dépouillé de sa qualité d'époux, ne peut plus soutenir la plainte. On objecterait en vain qu'on doit distinguer entre les mariages putatifs et ceux qui n'ont pas ce caractère, entre les nullités radicales et les nullités relatives. La règle doit, ce semble, être maintenue dans sa généralité. - Bedel, n. 17. Autrement, la femme dont le mariage aurait été annulé serait traitée avec plus de rigueur que celle dont le mariage serait maintenu, puisque le poursuivant ne serait pas recevable à faire cesser la peine en consentant à la reprendre (C. civ. 309; C. pén. 557), et que, d'un autre côté, les art. 310 et 311 du C. civ. resteraient sans objet à son égard.

[ocr errors]

51. La transaction que le mari accepterait serait nulle, dit Bedel, n. 18, comme contraire aux mœurs ; et le même auteur remarque néanmoins qu'elle vaudrait comme preuve de réconciliation, quoique le mari ne profitât pas du fruit de sa stipulation intéressée; il cite la loi romaine : Non iniquè repellitur qui commodum (pecuniarium) vindiciæ domus suæ præponere non erubuit. (L. 11, ff. ad. leg. Jul. de adult.).Plectitur qui pretium pro comperto acceperit (L. 29,§ 2, eod.). Cette opinion ou ces deux opinions sont trop générales. — D'abord, si c'est avec le complice que la transaction est intervenue, et sur les intérêts civils du mari, on ne peut la contester en présence de l'art. 2046, C. civ.

52. Et cette transaction devrait être maintenue, quoique le mari demandat ensuite la séparation de corps contre sa femme, pour adultère.

« PreviousContinue »