Page images
PDF
EPUB

ments ne portaient que sur la rédaction. Dans cet état, la loi fut adoptée de nouveau le 24 mars.

Dans le projet de loi relatif à la procédure en matière de délits de la presse, la Chambre des députés avait introduit une innovation, ajoutant à l'usage qui ouvre aux prévenus la faculté de faire défaut, la garantie d'une réassignation en cas de non-comparution. La Chambre des pairs supprima cette disposition, et la Chambre des députés admit une seconde fois la loi ainsi modifiée (2 avril).

La loi électorale fut pour la Chambre des pairs l'objet d'un examen attentif et d'une discussion plus sérieuse : cette loi y subit de graves modifications (30 et 31 mars), que M. Casimir Périer analysait, ainsi qu'on va le voir, en la rapportant à la Chambre des députés (6 avril).

La plupart des amendements adoptés par la Chambre des pairs, dit le ministre, n'avaient pour objet, à part celui qui se rapporte au cens que d'éclaircir, de compléter et de coordonner entre elles les dispositions de la loi.

Quelques changements ont été apportés à la circonscription d'un petit nombre d'arrondissements électoraux sur la réclamation des localités elles-mêmes.

Je pourrais, sur toutes ces parties réglémentaires de la loi, commu-' piquer à la Chambre des observations qui lui rendraient sensibles les amé liorations proposées, si le rapport de la commission des pairs laissait quelque chose à désirer sur ce point, et n'avait suffisamment préparé notre conviction. Permettez-moi, Messieurs, de ne m'arrêter qu'à l'amendement relatif au cens de l'électorat et de l'éligibilité.

• La base du cens électoral a été réglée d'une manière qui lui donne sans doute plus de fixité pour l'avenir, et qu'on pourrait croire, sous ce rapport, plus conforme aux conditions qui doivent régir cette garantie de capacité; mais elle l'a été peut-être sous l'autorité d'un principe trop absolu pour les circonstances actuelles, après votre premier vote, et à l'approche presque immédiate d'élections nouvelles.

Pénétrée de ce principe, que la contribution n'est que le signe, non de la capacité électorale, mais du revenu auquel la loi attache cette capacité, et frappée des inconvénients que la mobilité d'impôts additionnels et transitoires, ou locaux, apportait dans les listes électorales, dont la permanence est une des premières garanties, la Chambre des pairs a cru trouver un remède aux inconvénients de ces variations, tour à tour restrictives ou excessives, dans l'adoption du principal des contributions directes, comme base du cens électoral et d'éligibilité.

Ce système admis, elle a dû rechercher quelle quotité de principal répondait à 200 francs de contributions directes adoptés par vous comme base; et elle a été conduite, par des inductions que son rapporteur a exposées, à établir entre le chiffre de 133 fr. 35 cent., principal fon

cier, et celui de 180 fr., principal des patentes, 150 francs.

le chiffre moyen de

Cette fixation, dont l'arbitraire ne peut s'expliquer que par la nécessité d'assigner un chiffre commun à deux natures diverses d'impôt, est plus favorable aux électeurs patentés que ne l'était le projet adopté par vous; mais elle écarterait quelques-uns de ceux que vous aviez admis sur la foi d'une contribution immobilière.

• Indépendamment de tout calcul, ce système paraîtrait bon; il répondrait à des réclamations qui se sont élevées à diverses époques sur tous les bancs de cette Chambre, et nous serions portés à l'adopter en principe, s'il était possible de déterminer le chiffre du principal de manière à n'enlever à personne les espérances que votre première délibération a promises, en quelque sorte, en fixant à 200 fr. le cens électoral; car nous pensons que, à cet égard, une légère augmentation dans le nombre des électeurs ne devrait pas détourner le législateur d'une amélioration véritable.

Mais il faut reconnaître que les délais accordés par les dispositions transitoires, qui rendent cette loi prochainement exécutable, se prêteraient difficilement à la durée inévitable des opérations assez compliquées qu'exige l'amendement de la Chambre des pairs, qui ne pouvait guère établir la fixité qu'elle cherchait, sans affaiblir du excéder la garantie que vous aviez établie vous-mêmes, et dont les citoyens s'étaient emparés, en quelque sorte, les uns, comme d'un droit acquis, les autres, comme d'une limite fixée.

Le système de la commission de la Chambre des pairs rencontre donc un obstacle réel dans la nature des choses. Les rôles ne sont pas disposés de manière à faciliter la décomposition de chaque cote en principal et en centimes additionnels pour chaque nature de contribution. Le principal est déterminé pour chaque commune; mais, pour chaque contribuable, c'est une inconnue à dégager.

Le résultat de cette opération doit être exact; car il faut qu'il échappe à toute contestation, et puisse supporter, au besoin, l'épreuve d'un examen public et judiciaire.

« L'amendement qui vous est soumis nécessiterait donc un travail assez long, et cependant vingt jours seulement sont accordés à l'administration, à partir de la promulgation de la loi, pour procéder à la première publication des listes électorales.

«Évidemment, si les délais n'étaient pas prolongés de beaucoup, le nouveau système serait inexécutable; et vous n'ignorez pas les raisons politiques qui ne permettent guère de retarder long-temps la mise à l'épreuve de la nouvelle loi.

a

Ces difficultés, que nous ont révélées les réclamations de l'administration, nous rattachent au système adopté par la Chambre des députés. Nous ne voulons en rien restreindre les droits politiques qu'elle a précédemment accordés; nous considérons presque comme un droit acquis aux citoyens la promesse qu'elle leur a faite; mais nous croirions manquer à la saine politique, à la prudence, même à l'équité, si nous allions au-delà, •

M. Casimir Périer déclarait donc que le gouvernement se ralliait au premier vote de la Chambre « pour satisfaire, ajoutait-il, aux principes d'équité et de convenance qui rendent

«ses membres juges plus compétents de ses conditions orga«niques. >>

Dans le nouveau débat qui s'établit, quelques membres de l'opposition, et M. Mauguin entre autres, s'emparèrent du chiffre fixé par la Chambre des pairs, comme favorable à l'extension du nombre des électeurs. Le ministère rappela les paroles de M. Mauguin, qui avait dit que la France, avec un cens électoral fixé à 200 fr., serait le pays le plus libre du monde. Sans désavouer ses paroles, M. Mauguin soutint que plus on exigeait de sacrifices d'un pays, plus on lui devait en échange de droits politiques: il cita l'exemple de l'Angleterre, qui venait d'adopter, pour constituer le cens électoral, non pas un impôt, mais un revenu foncier de 250 fr. Néanmoins, après trois jours de discussion, la Chambre des députés en revint à son vote primitif, quant à la base du cens électoral (12 avril), et la Chambre des pairs adopta la loi telle qu'elle lui fut rapportée, pour ne pas en retarder l'exécution et prolonger des travaux qui touchaient à leur terme (15 avril).

Cette même Chambre, constituée en cour de justice, avait, dans sa séance du 11 avril, jugé par contumace les sieurs d'Haussez, Capelle et de Montbel, ex-ministres de Charles X, signataires des ordonnances du 25 juillet 1830, et les avait condamnés, comme coupables du crime de trahison, à la prison perpétuelle, interdiction légale, et déchéance de leurs titres et ordres.

Eufin les deux Chambres adoptèrent (2 et 5 avril) une loi ayant pour objet de rectifier une erreur de copiste qui s'était glissée dans la loi du 14 décembre dernier, relative aux cautionnements des journaux, et qui consistait dans la substitution du mot régulièrement au mot irrégulièrement.

Le moment tant attendu, tant hâté par le vœu des organes de l'opinion publique, par celui des députés même, était arrivé, où la Chambre élective pouvait être congédiée, et bientôt dissoute. De cette Chambre, qui siégeait depuis neuf mois, qui avait pris à la révolution une part si grande, et qu'on accusait

chaque jour de ne pas la comprendre, de résister à ses conséquences, étaient sorties récemment, à travers une foule de lois de circonstance, deux lois organiques, deux institutions, l'une municipale, l'autre électorale: cette Chambre n'avait refusé au nouveau ministère aucun des actes de confiance qu'il lui avait demandés ; elle lui avait tout accordé, contributions extraordinaires, crédits éventuels : par une condition bizarre, suivant la remarque d'un de ses membres (M. Berryer), elle avait livré au ministère près de 1300 millions par provisoire, et n'avait pas fait un budget. Rien n'entravait donc plus l'exercice de la prérogative royale; rien ne s'opposait à ce qu'un appel au jugement du pays ne fût tenté dans des élections générales,

Le ministère jugea convenable d'environner d'un appareil inusité les derniers instants d'une session si longue, si laborieuse, et de solenniser en quelque sorte les adieux du roi à une Chambre qui lui avait donné le trône. (20 avril.) Le roi vint en personne, dans l'enceinte de la Chambre des députés, clore la session: toute sa famille, tout le corps diplomatique, tous les membres du ministère assistaient à la séance. S. M. prononça un discours dans lequel les travaux des deux Chambres, leurs efforts, leurs dangers, étaient rappelés, appréciés; la garde nationale y recevait aussi son tribut d'hommages. S. M. exprimait la confiance que la session prochaine compléterait l'œuvre de celle qui venait de finir. D'ailleurs, quant aux relations diplomatiques et aux dispositions des puissances de l'Europe à l'égard de la France, le discours ne contenait rien de plus que les expressions vagues qui semblent le protocole invariable de toutes les allocutions royales (voy. l'Appendice).

Après le discours, M. Casimir Périer, quittant sa place et se rapprochant de l'estrade du trône, donna lecture de l'ordon nance qui prorogeait les Chambres au 15 juin.

[ocr errors]

Le terme de cette prorogation indiquait assez qu'avant son échéance la dissolution de la Chambre élective serait prononcée.

CHAPITRE VI...

Emprunt de 120 millions.

Souscription nationale.

Troubles à Paris

Fête du roi.

sur la place du Châtelet et le Marché aux Fleurs.- Ordonnance royale pour le rétablissement de la statue de Napoléon. Affaire des décorés de juillet. - Troubles à Paris sur la place Vendôme. Troubles dans les départements. Ordonnance royale qui nomme

[ocr errors]

un commissaire extraordinaire dans l'Ouest. Voyage du roi dans les départements du Nord. Ordonnance royale qui dissout la Chambre des députés, convoque les colléges électoraux, et fixe l'époque de l'ouverture des Chambres. Circulaire relative aux élections. - Question du mandat.-Voyage du roi dans les départements de l'Est. Discours du conseil municipal et adresse de la garde nationale de Metz. -Troubles à Paris, dans le faubourg Saint-Denis et sur les boulevards. - Ordonnance royale qui change l'époque de l'ouverture des Chambres. — Élections. Troubles à Paris pour l'anniversaire de la prise de la Bastille et la plantation d'arbres de la liberté,

-

Pour ne pas interrompre le compte rendu des travaux législatifs, depuis l'avènement de M. Casimir Périer à la présidence du conseil jusqu'à la prorogation des Chambres, nous avons remis à traiter dans ce chapitre quelques faits d'une date antérieure à celle de la prorogation : tels sont, entre autres, l'emprunt de 120 millions, et le projet de souscription nationale.

Une ordonnance royale du 27 mars avait autorisé le ministre des finances à ouvrir un emprunt de cette somme, moyennant la vente de rentes cinq pour cent portant jouissance du 22 mars, L'idée d'une association destinée à réaliser cet emprunt le plus promptement et le plus avantageusement possible, c'est-à-dire au cours le plus élevé, fut conçue par M. Henri Rodrigues, qui en exposait le plan dans une lettre du 4 avril, publiée dans les journaux. Ce plan consistait à réunir, soit à Paris, soit dans les départements, trente mille individus au plus, qui verseraient chacun immédiatement, ou par dixièmes, aux termes fixés par le gouvernement, dans les mains d'une des premières maisons

« PreviousContinue »