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ou qui pourraient s'élever à l'avenir entre les communes et les propriétaires à raison des biens communaux ou patrimoniaux, seraient jugés par des arbitres (1). On conçoit quels ont pu être les effets de cette loi appliquée aux seigneurs, presque tous absents ou émigrés; ces effets préjudicièrent même à l'État, auquel devaient appartenir les biens des émigrés (2). L'arbitrage forcé fut supprimé par la loi du 9 ventôse an iv, qui renvoya les affaires attribuées à des arbitres devant les tribunaux ordinaires (3).

1529. Telle est la série des lois rendues en faveur des communes. Les anciens seigneurs, s'appuyant sur un système dont eux-mêmes avaient créé les règles, s'étaient souvent enrichis aux dépens du patrimoine commun; la révolution de 1789, en renversant ce système, et en partant de principes opposés, entra dans une voie de réparation qui se changea bientôt en réaction, comme on peut le voir par la rigueur toujours crois

(1) Loi du 10 juin 1793, sect. 5, art. 3, 4 et suiv.; loi du 2 oct. 1793. (2) Le préjudice causé à l'Etat était surtout relatif aux bois que les communes réclamaient en vertu de l'art. 2 de la loi du 28 août 1792 (v. no 1522), qui ne faisait que reproduire les dispositions de la loi du 15 mars 1790, t. 2, art. 32.- Un décret du 7 brum. an III suspendit l'exploitation des bois naticnaux dans lesquels les communes étaient entrées en vertu de sentences arbitrales; la loi du 28 brumaire an VII leur imposa l'obligation de produire dans le délai d'un mois les sentences et les pièces justificatives; celles de ces sentences susceptibles d'être réformées ont été attaquées par la voie de l'appel. Des dispositions analogues ont été prises à l'égard des jugements sur les mêmes matières prononcés par les tribunaux, et des arrêtés pris par les administrations des départements. Le délai de la production devant le préfet était de six mois, à partir du 19 germinal an XI; faute de satisfaire à cette disposition, les jugements ont été considérés comme non avenus. (V. Cour de cass. du 25 février 1840.) — La loi du 28 ventôse an XI obligea les communes qui réclamaient des droits d'usage dans les forêts, à produire dans le délai de six mois, au secrétariat des sous-préfectures, les titres ou la preuve des actes possessoires, sous peine de forclusion. L'autorité administrative n'a fait ici que donner un simple avis, qui ne fait point obstacle à l'action en revendication que peuvent intenter les communes dont les droits d'usage n'ont pas été reconnus.

(3) V. lois des 12 prair. an IV, 19 germ. an X1.

sante des lois dirigées contre les seigneurs ; puis, lorsque les communes se furent enrichies des dépouilles de l'aristocratie féodale, leur fortune attira de nouveaux spoliateurs. Les pauvres trouvaient dans les biens communaux une ressource qui, après avoir contribué au bien-être de la génération présente, devait assurer celui des générations futures. Rien, sans doute, n'était plus conforme au principe d'égalité, et ne s'approchait plus de ces belles utopies, toujours si cruellement démenties par les faits; mais il arriva ce qui arrive toujours en pareille occasion. Il y avait dans chaque commune des hommes qui voulaient devenir propriétaires de ces biens; quoiqu'ils fussent en minorité, ils étaient les plus turbulents, et par conséquent les plus puissants dans ces temps d'anarchie; d'ailleurs ils s'adressaient à la cupidité des masses ignorantes, toujours prêtes à sacrifier l'avenir au présent. C'est d'après leur influence que fut rendue d'abord la loi du 14 août 1792, qui décrète d'urgence le partage des biens communaux entre tous les citoyens de chaque commune; puis la loi du 10 juin 1793, qui règle le mode et les effets du partage. On ne manqua pas d'appuyer ces lois sur des considérations d'ordre public, comme si l'on n'avait pu trouver d'autre moyen de rendre profitables à l'agriculture de vastes terrains non cultivés que de les aliéner irrévocablement et gratuitement. Voici quel fut l'esprit de la loi du 10 juin et de toute la législation subséquente à laquelle elle a donné lieu.

Le partage des biens communaux par tête entre tous les habitants domiciliés, de tout âge et de tout sexe, fut décrété; on en excepta les bois, les terrains contenant des carrières, des mines, et les portions du territoire consacrées à un usage public, telles que les routes, places publiques, édifices à l'usage des com

munes, etc., etc. (L. 10 juin 1793, 1 à 10, et sect. 2.) La portion que le partage devait attribuer à chaque citoyen fut déclarée inaliénable pendant dix ans, et insaisissable pendant le même temps, excepté pour le payement des contributions. (Id., sect. 2, 13, 16.) Toutefois le partage n'était que facultatif, et devait être voté dans chaque commune par une assemblée composée des individus de tout sexe ayant droit au partage, âgés de 21 ans; mais, contrairement à toutes les règles des assemblées délibérantes, le tiers des voix fut suffisant pour prononcer le partage (id., sect. 2, 1 à 11); les lots, faits par des experts choisis par l'assemblée, furent tirés au sort (id., sect. 3); et les contestations relatives au mode de partage, soit entre les communes soit entre les particuliers, furent renvoyées aux directoires de district; tous les procès nés ou à naître à propos des biens communaux, soit entre des communes, soit entre des communes et des particuliers, furent soumis à un arbitrage forcé (1). L'assemblée pouvait aussi voter la vente d'un bien communal, et il suffisait, pour que cette délibération eût son effet, qu'elle fût sanctionnée par le directoire du département, sur l'avis du directoire du district. (Id., sect. 2, 11.)

1530. Les spoliateurs n'avaient besoin que d'un point d'appui dans la législation: la loi du 10 juin 1793 le leur avait donné ; ils en profitèrent, et franchirent facilement les faibles barrières qu'elle avait cru opposer à leur avidité. Dans un grand nombre de communes il n'y eut pas même de procès-verbal de partage. Les réclamations contre la violation de la loi s'élevèrent de toutes parts si nombreuses et si fortes, que trois années

(1) Loi du 10 juin 1793, sect. 5, et loi du 8 août 1793. Cet arbitrage forcé a été aboli par la loi du 9 ventôse an IV, et les affaires auxquelles il s'appliquait ont été rendues aux tribunaux ordinaires.

après, le 9 juin 1796 (21 prairial an Iv), fut rendue une loi d'urgence qui suspendit provisoirement l'exécution de la loi du 10 juin 1793, non-seulement quant au partage, mais encore quant à l'exercice de toutes les actions qu'elle accordait; parce qu'il est instant, est-il dit dans les considérants, d'arrêter les funestes effets de son exécution littérale dont plusieurs inconvénients majeurs se sont déjà fait sentir. Une autre loi du 2 prairial an v, également d'urgence, défendit de faire à l'avenir aucun échange ou aucune vente de biens communaux sans une loi particulière. 1531. Cependant il ne fallait pas laisser les propriétés dans un état d'incertitude toujours nuisible. La loi du 9 ventôse an XII déclara valables et exécutoires tous les partages faits en vertu de la loi du 10 juin 1793, dont il avait été dressé acte; quant aux autres, on accorda aux détenteurs qui ne pouvaient pas présenter de titre de propriété, mais qui avaient défriché ou planté les terrains, qui les avaient clos de murs ou de fossés, ou qui y avaient fait quelques constructions, la faculté de devenir propriétaires incommutables, en faisant la déclaration de leur terrain et en se soumettant à payer une redevance annuelle; les biens dont les détenteurs ne se trouvèrent pas dans les cas que nous venons d'énumérer, ou ne remplirent pas les conditions prescrites, ont dû rentrer dans la possession des communes. Le sursis prononcé par la loi du 21 prairial an Iv à toutes les poursuites et actions résultant de la loi du 10 juin 1793 fut levé; mais l'on renvoya devant les conseils de préfecture toutes les contestations qui pouvaient s'élever entre les copartageants, détenteurs ou occupants depuis la loi du 10 juin 1793 et les communes, soit sur les actes et les preuves du partage, soit sur l'accomplissement des conditions prescrites par la loi à

ceux qui pouvaient devenir propriétaires incommutables.

Un avis du Conseil, du 18 juin 1809, a décidé que la compétence des conseils de préfecture doit s'étendre à toutes les usurpations de biens communaux faites depuis la loi du 10 juillet 1793 jusqu'à celle du 9 ventôse an XII, lors même qu'il n'y a pas cu de partage exécuté, mais seulement lorsqu'il s'agit de l'intérêt de la commune contre les usurpateurs, et que la qualité de communal n'est pas contestée au terrain en litige. Si le détenteur nie l'usurpation, et se prétend propriétaire à tout autre titre qu'un partage, la question est de la compétence des tribunaux ordinaires. (Ord. 23 juin 1819, art. 6.) Un décret du 4me jour compl. an XIII, basé sur des vues toutes politiques, veut, contrairement aux règles ordinaires, que les décisions des conseils de préfecture, rendues en vertu de l'art. 6 de la loi du 9 ventôse an XII, ne soient mises à exécution qu'après avoir été soumises au Conseil d'État pour être confirmées par une ordonnance rendue sur le rapport du ministre de l'intérieur. C'est seulement quand l'arrêté a été approuvé par l'ordonnance qu'on peut se pourvoir par la voie contentieuse. (Arrêts des 10 sept. 1835, 28 avril 1836.)

Il restait encore en 1819 beaucoup de biens communaux occupés par des usurpateurs qui n'avaient point profité du bénéfice de la loi du 9 ventôse an XII. Ces individus, craignant de se voir déposséder, faisaient tous leurs efforts pour dérober à l'administration la connaissance de leurs envahissements; d'un autre côté, les administrations locales, craignant d'occasionner leur ruine, mettaient peu d'activité dans leurs recherches. Une ordonnance du 23 juin 1819 accorda un nouveau délai de trois mois pour faire la déclaration des biens usurpés, et permit de rendre les personnes qui rempli

TOME III.

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