Page images
PDF
EPUB

et ils s'étendaient sur tout le pays situé, vers le nord, sur la rive droite du Rhin.

La Gaule, comme nous venons de le voir, n'avait, pendant toute la durée de la domination romaine, qu'un seul système de divisions territoriales, qui était le même pour l'administration civile et pour la juridiction ecclésiastique.

Après l'invasion des Francs, à l'époque des Mérovingiens et des Carlovingiens, l'ancienne division politique s'est insensiblement perdue, au point que, de nos jours, et depuis bien longtemps déjà, il n'en reste d'autres traces que le nom; mais elle s'est perpétuée dans l'organisation ecclésiastique qui, à peu de changements près, est restée la même dans les Pays-Bas jusqu'au seizième siècle, et en France jusqu'au concordat de 18011.

La fixité dans les circonscriptions ecclésiastiques au moyen-âge tient avant tout à cet esprit de conservation qui est le caractère distinctif de l'Eglise. Tandis que les divisions gallo-romaines de l'ordre civil se transformaient peu-à-peu, sous les rois Francs; l'Eglise gardait fidèlement et transmettait aux temps modernes l'ensemble presque complet des divisions territoriales de l'Empire.

longius ab ea millibus passuum octoginta in oceanum transit. » De bello gallico lib. IV, § 10.

1) Voici comment s'exprime, à ce sujet, M. Deloche dans ses Etudes sur la géographie historique de la Gaule et spécialement sur les divisions territoriales du Limousin, au moyen-âge : « Cette division dont souvent l'origine remonte à l'établissement des peuples sur le sol où la conquête romaine les a trouvés, c'est-à-dire à des temps que l'histoire ne peut indiquer que d'une manière conjecturale, respectée généralement par l'organisation administrative des Romains, adoptée, au quatrième siècle, comme type de l'institution des diocèses ecclésiastiques, laquelle, à son tour, nous en a transmis l'empreinte fidèle, cette division, disons-nous, traverse les orages et les désastres des invasions des barbares, tous le chaos du moyen-âge, et arrive jusqu'à nous, modifiée quelquefois sur certains points de ses limites, mais par exception seulement, et conservée dans sa base par l'institution religieuse, à laquelle elle avait servi de modèle. » Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, Deuxième série, IV, p. 272 et suiv.

A cette première cause de la stabilité et de la durée des délimitations religieuses, nous pouvons encore en ajouter une autre, secondaire, il est vrai, mais qui concerne, d'une manière toute particulière, la Belgique et la France. Charlemagne et ses successeurs, malgré les variations que subissaient les divisions politiques, conservèrent toujours les limites anciennes des diocèses. Par leurs capitulaires, ils confirment la discipline de l'Eglise en vigueur à cette époque. D'abord, ils défendent de faire le partage de la province ecclésiastique, comme nous le prouve un capitulaire de l'an 806 qui contient les dispositions suivantes : Ut nequaquam inter duos metropolitanos provincia dividatur; et: Ne in una civitate duo sint episcopi'. Ensuite, ils ordonnent de conserver les anciennes provinces et cités : Unaquaeque provincia suo metropolitano et suis comprovincialibus episcopis sit contenta, nec aliquis in limitibus alterius provinciae quicquam praesumat. Cette ordonnance du septième livre des capitulaires ne fait que renouveler un décret du pape Célestin I qui gouverna l'Eglise au commencement du cinquième siècle. Enfin, Eginhard, dans la vie de Charlemagne, nomme quinze métropoles de la Gaule, et toutes les quinze avaient été métropoles, dans l'ordre civil, sous la domination romaine3. Les règles que l'Eglise avait observées dans l'érection des archevêchés et des évêchés dans l'Empire romain, furent aussi suivies plus tard pour les diocèses à établir en dehors du territoire de l'Empire. Dans un décret adressé, en 731, à ses légats en Bavière, le pape Grégoire III leur recommande d'établir les évêchés d'après la juridiction de chaque duc, en tenant compte de l'étendue des lieux, et d'assigner, d'après cette juridiction, les limites de chaque diocèse : Ut consideratis locorum spatiis, juxta gehennationem (juridiction, territoire) uniuscujusque ducis

4) BALUZIUS, Capitularia, I, col. 455.

*) BALUZIUS, op. cit., I, col. 1044. *) GUÉRARD, op. cit. p. 81.

episcopia disponatis, et subjacentia singulis sedibus terminetis. Et si tres, aut quatuor, aut majoris numeri visae fuerint constitutae sedes, reservato praecipuae sedis loco pro archiepiscopo residendo.... ordinetis antistites'. Nous verrons dans la suite que cette disposition a été prise en considération lors de l'érection de l'évêché d'Utrecht, sur le teritoire des Frisons2.

La connaissance positive que l'on a des rares modifications apportées pendant le moyen-âge par l'Eglise à ce vaste système d'organisation territoriale de la Gaule romaine, a permis d'en constater parfaitement l'ensemble3. L'étude de cette organisation peut servir d'autant mieux à faire connaitre la géographie primitive, que les Romains, en partageant le pays en provinces et cités, ont pris pour base de leur opération, la division préexistante en peuplades. C'est ainsi que les Ménapiens, les Nerviens, les Tongrois formèrent autant de cités romaines, et continuèrent à porter leur ancien nom. Les tribus moins considérables étaient réunies à l'une ou à l'autre des cités. Les Nerviens, par exemple, comptaient cinq petits peuples qui étaient leurs alliés. Les Taxandres se trouvaient dans la cité des Tongrois, et en occupaient la partie septentrionale. Le diocèse de Liége correspondant à cette cité, s'étendait, comme nous le verrons, dans un des chapitres suivants, le long de l'Escaut depuis Santvliet jusqu'au milieu de l'ile de Tholen, non loin du point où ce fleuve se jette dans la mer.

Ces considérations prouvent clairement combien la connaissance de la géographie ecclésiastique est utile, voire même nécessaire, à l'étude de l'histoire ancienne de

1) SCHANNAT et HARZHEIM, Concilia Germaniae, I, p. 36; et DESNOYERS, Annuaire, 1859 p. 13.

2) Le pagus Frisonum, ne s'étendait pas seulement sur la Frise actuelle, mais sur la Hollande, la Zélande presque toute entière et des parties de la Flandre et de la Gueldre.

5) DESNOVERS, Annuaire de 1853, p. 119.

Au moyen de ces données, il n'est pas difficile, nous parait-il, d'expliquer ces paroles de Pline: A Scaldi extera incolunt Toxandri.

la Gaule. Néanmoins, on a peu cherché jusqu'ici, à établir la corrélation rigoureusement exacte entre les limites du diocèse et de la cité romaine. La Notice sur les anciennes limites du diocèse de Liége, l'a établie pour la partie nord-ouest de la cité des Tongrois. Desnoyers cite comme un des r res et des meilleurs modèles de l'application de ce principe à une province ecelésiastique (la seconde Lyonnaise), le savant travail de M. Aug. Le Prevost, sur les anciennes divisions territoriales de la Normandie1. Il n'entre pas dans le cadre que nous nous sommes tracé, de faire un travail semblable pour chacun des anciens évêchés de la Belgique. Après avoir fixé dans le premier chapitre, l'époque de l'organisation ecclésiastique de notre patrie, nous nous bornerons, dans les chapitres suivants, à indiquer les limites exactes des diocèses pour la partie qui se trouve sur le territoire de la Belgique actuelle et du midi de la Hollande.

CHAPITRE I.

ÉPOQUE DE L'ORGANISATION ECCLÉSIASTIQUE DE LA BELGIQUE.

Préciser à quelle époque le Christianisme s'est propagé en Belgique n'est pas chose facile. Quelques auteurs prétendent que, dès le premier siècle, notre pays comptait des évêques, et ils citent S. Materne, disciple de S. Pierre et premier évêque de Tongres. Selon d'autres, l'introduction de la religion chrétienne dans nos provinces ne date guère que du troisième ou du quatrième siècle de l'ère chrétienne. Ces derniers soutiennent que S. Materne, évêque de Tongres, vécut à cette époque, et qu'il est le même que celui qui occupa d'abord les sièges de Trèves et de Cologne.

1) Annuaire de 1853, p. 119. Le travail de M. Le Prevost a paru dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, 1840, t. XI. 2) GHESQUIÈRE, Acta SS. Belgii, I, p. 34 et suiv.

« Vers le milieu du deuxième siècle, dit M. Namèche,. S. Pothin, disciple de S. Polycarpe, avait conduit une colonie chrétienne à Lyon. Il y subit le martyre à l'âge de quatre-vingt-dix ans, la dix-septième année du règne de Marc-Aurèle, et eut pour successeur S. Irénée, qui défendit la religion dans ses écrits, et mourut glorieusement pour sa foi l'an 202. C'est lui qui nous apprend que le christianisme à la fin du deuxième siècle, s'était répandu déja dans les deux Germanies, c'est-à-dire, selon toute probabilité, dans tout le pays situé sur la rive gauche du Rhin'.... Nous manquons de documents pour constater l'époque précise de l'introduction de la religion chrétienne dans la Belgique actuelle; toutefois le grand nombre des chrétiens disséminés dans les légions chargées de la garde du Rhin, le commerce actif que les peuples belges entretenaient avec les Romains, et le zèle des premiers apôtres ne permettent pas de douter que, dès les premiers siècles, nos provinces n'aient entendu la bonne nouvelle, et que, courbées qu'elles étaient sous le joug de fer des Césars, elles n'aient accueilli avec bonheur cette parole de fraternité et d'affranchissement. Au troisième siècle, nous trouvons le christianisme établi dans la plupart des contrées de la Belgique. S. Martin3 répand la foi dans l'ancienne Hasbagne, dont il est nommé l'apôtre; S. Piat convertit les peuples du territoire de Tournai; S. Eubert et S. Chryseuil évangélisent ceux de la Nervie et de la Ménapie. S. Piat souffrit le martyre à Seclin, entre Lille et Tournai, vers 286, sous Maximien Hercule; S. Chryseuil, patron de Wervicq et de Comines fut mis à mort à Verleghem. Le préfet du prétoire des Gaules, Rictius Varus, se montrait alors l'ennemi acharné des chrétiens. Après la conversion de Constantin, les progrès de la foi nouvelle

[ocr errors]
[ocr errors]

1) Nous avons indiqué, d'après la Notitia Provinciarum, l'étendue des deux Germanies. Voyez plus haut p. 16 et suiv.

2) N'est-ce pas ce saint, et non pas S. Martin de Tours, qui a été primitivement le patron titulaire des nombreuses églises, consacrées sous le Vocable de S. Martin, dans l'ancien diocèse de Liége?

« PreviousContinue »