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avait transporté une grande partie des marchandises qui avaient pu être sauvées. Le feu atteignit le toit de cet édifice, qui, dans sa chute, entraîna un des murs, sous les débris duquel plusieurs personnes ont été enterrées. Bientôt le feu de Pearl-Street gagna Hanover-Square, où l'on avait aussi entassé une grande quantité de marchandises et de meubles précieux. Les flammes qui s'élevaient des côtés du Square eurent bientôt fermé toutes les issues, et il fut impossible de rien

sauver.

La valeur de tout ce qui a été en dommagé, au milieu du (désordre, est au moins aussi considérable que celle de ce qui a été entièrement dévoré par les flammes. On voit aujourd'hui, au milieu des rues, les débris des meubles et des étoffes les plus riches.

Le port a été heureusement préservé. Un moment on a craint pour tous les navires qui étaient dans les docks; l'eau était d'abord trop basse pour qu'ils pussent en sortir promptement, il n'y a eu cependant qu'un brick de brûlé. Des meetings sont convoqués pour aviser au salut de la ville; des souscriptions ont été ouvertes pour secourir les familles les plus malheureuses. Personne ne connaît encore l'étendue de sa perte. Toutes les affaires sont suspendues. Au milieu de la consternation générale, on se demande ce qu'il faut faire pour réparer cet affreux désastre, dont les conséquences immédiates pèsent d'abord sur la ville, mais s'étendront bientôt à toutes les parties de l'Union. Les ramifications du commerce de New-York sont si étendues que le malheur de cette ville devient une calamité nationale. Un grand nombre des négocians qui ont le plus souffert n'étaient que dépositaires des valeurs détruites.

27. Pékin (Chine). Prières pour obtenir de la neige et de la pluie.-La Gazette de Pékin, d'une date correspondante au 27 décembre 1835, contient l'ordonnance suivante :

« Le moient est arrivé où l'année entre dans la saison d'hiver, et cependant il n'est pas encore tombé de neige à Pékin: ce retard est une affaire de haute importance. J'ordonne

de choisir parmi les prêtres de la secte de Taan une députation qui se rendra au sublime palais, y érigera un autel et y priera avec sincérité et ferveur. Le onzième jour de la lune, dressez l'autel, et moi l'empereur, je viendrai moi-même brûler l'encens. »

« Le dixième jour de la lune, on a rendu cet édit d'actions de grâces : le onzième jour j'ai brûlé l'encens sur l'autel du sublime palais, priant avec un esprit pur et fervent, mettant mon espoir et ma confiance dans l'amour miséricordieux du ciel, quand le secours est tombé d'en haut, la neige et la pluie sont aussitôt descendues et ont heureusement continué durant la nuit. Je puis ainsi espérer que le sol a été suffisamment arrosé ; je suis profondément touché et sincèrement reconnaissant de cette faveur. J'ordonne d'enlever immédiatement l'autel, et je charge mon frère Tuntsinwang d'aller au sublime palais, de rendre de sincères actions de grâces, et de répondre à la faveur du ciel en faisant chanter aux Taous leurs hymnes, et j'ordonne aux officiers Tatars de la maison impériale de les récompenser suivant la loi. Respectez cet ordre. »

24. Paris. Élection académique.— M. Elie de Beaumont a été nommé aujourd'hui membre de l'Académie des Sciences, en remplacement de M. Lelièvre, section de minéralogie et géologie, à la majorité de 45 suffrages sur 51 voix. La liste de présentation portait MM. Elie de Beaumont, Dufrenoy, et Pouillon - Boblaye; M. Constant Prevost avait renoncé à la candidature.

28. Séance publique annuelle de l'Académie des Sciences. - L'Académie des Sciences a tenu aujourd'hui sa séance publique annuelle; M. le baron Charles Dupin, président, a pris le premier la parole pour jeter un rapide coup d'œil sur les progrès des sciences mathématiques depuis 1830; ensuite, M. Flourens, secrétaire perpétuel, a prononcé l'éloge historique de M. le comte Chaptal. Avant ces lectures, on a lu le programme des prix proposés par l'Académie pour les années 1836 et 1837, et proclamé les prix remportés cette année.

Grand prix des sciences physiques; la question proposée était la suivante; Examiner sile mode de développement des tissus organiques, chez les animaux, peut être comparé à là manière dont se développent les tissus des végétaux; le prix a été décerné à M. Valentin, de Breslau. Le prix d'astronomie fondé par M. de Lalande est accordé à M. Dunlop, directeur de l'observatoire de la Nouvelle - Hollande, et à M. Boguslawski, directeur de l'observatoire de Breslau. Le prix de physiologie expérimentale fondé par M. de Monthyon est partagé entre MM. Gaudichand, pour ses recherches sur le développement et l'accroissement des tiges-feuilles et autres organes des végétaux, et M. Poisinelle, pour ses expériences sur les causes du mouvement du sang dans les vaisseaux capillaires; il est accordé en outre une médaille d'or de la valeur de 400 fr. à M. Martin Saint-Ange, pour ses recherches sur les villosités du chorion des mammifères; et sur la demande de la commission, l'Académie vote l'impression des recherches anatomiques et physiologiques de M. Léon Dufour, dont la première partie a obtenu le prix en 1830. Le prix de mécanique fondé par M. de Monthyon est accordé à M. le colonel Raucourt pour son dynamomètre perfectionné qu'il appelle phortomètre, destiné au pesage des grands fardeaux.

Pour les prix relatifs aux moyens de rendre un art ou un métier moins insalubre, la commission accorde un encouragement de 3,000 fr. à M. Gan

nal, pour son nouveau procédé de conserver les cadavres au moyen des injections d'acétate d'alumine; un prix de 3,000 fr. à M. Amoros, pour ses machines destinées à l'étude de la gymnastique, et un prix de 3,000 fr. également à MM. Degouzée et Mulot, ingénieurs, pour leurs puits forés absorbans. La commission de médecine et de chirurgie n'a pas eu le temps d'examiner le nombre considérable de pièces envoyées au concours. Pour le prix de statistique fondé par M. de Monthyon, une médaille d'or de 330 fr. est accordée à l'ouvrage intitulé : Statistique du département de la Drome, par M. Delacroix; une médaille d'or de 400 fr. à l'ouvrage sur l'établissement des Français dans la régence d'Alger, par M. Genty de Bussy, et des mentions honorables sont décernées à M. Gras, ingénieur des mines, à M. Guyétaud, docteur en médecine, et à M. Bigot de Morogues pour leurs divers travaux de statis!ique.

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NOTE

POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES ARTS ET DES LETTRES EN 1835.

SALON DE 1835.

Après la révolution de juillet, les artistes, dans des vues de commerce beaucoup plutôt que d'art, à ce qu'il nous semble, demandèrent que désormais il y eût chaque année une exposition, et cette demande leur fut accordée. Depuis cette époque, les expositions se sont succédé régulièrement à un an d'intervalle, excepté en 1832, à cause du choléra. On peut donc dire que ce système des expositions annuelles a eu le temps de produire ce qu'il pouvait avoir de bon en lui-même, et que le moment est venu de le juger par ses résultats. Or, si l'on se rappelle l'éclat des expositions de 1824, de 1827 et de 1834, qui avaient laissé entre elles un espace de trois et quatre ans, et si ensuite on leur compare les expositions de 1833 et de 1834 qui n'ont généralement présenté que des productions d'un mérite secondaire, et où les talens moyens, médiocres même, abondaient; on sera porté à penser que les expositions trop rapprochées sont plus nuisibles qu'utiles à l'art. C'est ce que ces deux dernières expositions ont démontré en fait, et l'on peut dire que la réflexion vient encore ici à l'appui de l'expérience. Quand un artiste à devant lui un espace de trois ou quatre ans, il médite à loisir, mûrit sa pensée, et la produit enfin sur la toile ou sur le marbre avec tout le soin qu'il lui est donné d'y mettre. Se croit-il obligé, au contraire, d'ex

poser chaque année, de peur que le public ne l'oublie? il s'empare à la hâte du premier sujet, presse l'exécution, et n'enfante qu'un ouvrage d'une portée ordinaire. A cette première raison de la mêdiocrité des expositions trop fréquentes, il faut ajouter que les artistes dont la réputation est faite, et qui contribuent pour la plus grande part à la richesse des expositions, ne s'inquiètent nullement d'être deux ou trois ans sans exposer, et laissent avec indifférence le vulgaire des peintres et des sculpteurs envahir les salles du Louvre. Voilà ce que nous avons vu à peu près en 1833, en 1834, et même en 1835; car c'est encore une exposition où fourmillent les productions du second ordre, tandis qu'aucun ouvrage d'une pensée élevée et puissante ne s'y remarque, que nous avons à passer ici en revue.

Parmi les grandes pages du salon de 1835, celle qui attire d'abord et à juste titre l'attention du public, est de M. Bouchot, et représente les funérailles du général Marceau, pour la célébration desquelles l'armée autrichienne s'unit à l'armée française en 1796. Sous le rapport de l'ordonnance pittoresque et dramatique, ce tableau ne mérite que des éloges. La scène se développe largement et sans vide comme sans confusion. Les groupes sont habilement liés entre eux; les attitudes, les expressions sont vraies et variées, et le tout est empreint d'une simplicité noble et touchante. La partie faible de l'ouvrage, c'est la

couleur, qui manque de vigueur et d'éclat. Sous un ciel de septembre, brumeux et grisâtre, l'auteur n'a pas évité le froid de l'uniformité. Au total cependant cette composition, quoique d'un style peu élevé, produit de l'effet et donne de belles espérances.

Autant en peut-on dire d'une autre immense toile sur laquelle M. Gigoux a représenté les derniers momens de Léonard de Vinci, qui s'avance, soutenu par François Ier et quelques autres personnes, pour recevoir le saint Sacrement. Toutefois ce tableau, remarquable à beaucoup d'égards, offre des disparates plus choquantes que le précédent. La position de Léonard de Vinci n'est pas heureuse, et rien ne blesse davantage toutes les idées reçues sur le roi chevalier, que l'air commun, trivial même, que le peintre a donné à son François Ier. Il est vrai de dire encore que le ton général du tableau est équivoque et fade, par l'effet des petites lumières trop disséminées qui blanchissent une grande partie des objets, et que, presque partout, la touche du peintre ainsi que son dessin auraient pu avoir plus de force. Il a, en revanche, composé la scène d'une manière claire, sans affectation, et présenté avec habileté le moment dramatique de son sujet.

suffisamment consciencieuse de la nature, ni la sévérité de caractère qu'exigeait le sujet; les figures sont d'un dessin rond et lourd, et la couleur offre des reflets rouges, bleus et blancs qui ne se combinent pas d'une manière harmonieuse. Heureusement on retrouve tout le talent de M. Court dans une tête d'Espagnole, qui, sous son voile de blonde noire, vous regarde d'un œil où perce une pensée toute mondaine, en dépit de tous les attributs de dévotion dont elle est entourée. Rien de plus séduisant, plus piquant que cette tête, comme aussi rien de plus expressif que celle qui est désignée sous ce titre : "La pen

de

sée triste. Cette dernière tête en effet vit et pense.

Outre quelques beaux portraits d'hommes, M. Champmartin, revenant cette année au genre historique, a exposé un tableau représentant saint Jean-Baptiste prêchant dans le désert. L'inspiration et la poésie sont absentes de cet ouvrage, qui ne se recommande que par des attitudes simples et naturelles, par une couleur suave et naïve. On peut certainement louer dans l'exorcisme du roi d'Espagne Charles II, peint par M. Adolphe Brune, la vérité des gestes et le talent avec lequel plusieurs têtes sont rendues; mais ces qualités, perdues dans l'immensité d'une toile hors de toute proportion avec la nature et l'importance du sujet, ne rachètent que très-imparfaitement l'opacité des ombres, la dureté extrême de l'effet, et enfin l'obscurité de la composition. Si M. Monvoisin donne prise à la critique pour avoir représenté Catherine de Médicis avec une physionomie trop vulgaire, pour n'avoir pas fait Charles IX assez ressemblant dans le tableau où ce roi, sentant sa fin prochaine, hésite à remettre l'acte de régence à Quant à M. Court, dont on attend sa mère, on ne conteste pas du moins encore un tableau d'histoire qui soit l'ordonnance simple, l'exécution brildigne d'être comparé à celui de la lante, la touche large et facile, la mort de César, par lequel il a si heu-pantomime expressive de cette comreusement débuté, on ne doit pas même accorder cette année que son saint Paul s'embarquant pour Jérusalem soit au niveau de la scène de la Convention exposée deux ans auparavant. Il n'y a dans la nouvelle composition de cet artiste ni une étude

Après M. Court, qui n'a pas entièrement réussi à représenter (1833) la terrible journée du 1er prairial an in à la Convention, voici venir M. Vinchon, dont l'esquisse avait mérité que la mission de peindre la même scène lui fût donnée au concours, il y a cinq ans. Si M. Vinchon l'emporte dans certaines parties sur son prédécesseur, il lui cède la palme dans d'autres, et, en somme, il n'a fait qu'un ouvrage estimable. Mais quel peintre aurait pu se tirer victorieusement des difficultés d'un pareil sujet?

position. A la manière dont M. Schopin a représenté les derniers momens de cette terrible famille Cenci, en montrant deux femmes gracieusement agenouillées, en s'attachant à faire briller la fraîcheur de sa palette et la délicatesse de son pinceau, la finesse

de son travail et le doux accord de ses teintes, on aurait difficilement deviné le sujet du tableau, où l'on cher cherait en vain quelque chose de l'intérêt dramatique, de l'émotion profonde que comportait une pareille scène. Au reste, et, à ne considérer l'ouvrage de cet artiste que sous le rapport matériellement pittoresque, il faut le louer de l'art avec lequel il a disposé ses personnages, tout en avouant qu'il a besoin de raffermir et d'élever son style. Un portrait de M. Jules Janin, par le même peintre, est frappant de cette vérité qui permet non seulement de reconnaître le modèle au premier coup d'œil, mais encore de deviner son caractère, son âme.

M. Ary Scheffer, dont nous avons pour ainsi dire à constater un nouveau progrés à chaque nouveau salon, a vu tous les suffrages se réunir en faveur du tableau dans lequel il a représenté Dante et Virgile rencontrant aux enfers les ombres de Francesca di Rimini et de Paulo. La com position est d'une extrême simplicité, et le sujet se comprend sans le moindre effort Virgile et Dante, placés sur le second plan, considèrent avec nn attendrissement mélancolique les ombres des deux amans, que la mort même n'a pu séparer, et qui passent devant les yeux du spectateur, emportés par un tourbillon. Transporté dans un monde idéal, l'artiste a employé avec beaucoup d'habileté et de sentiment les moyens de convention dont il pouvait disposer à son gré. Le groupe de Francesca et de Paulo est d'une expression touchante, d'un dessin pur, élégant, et du plus beau caractère; leur coloris, quoique empreint de cette pâleur qu'exige l'espèce de vie dont on les suppose animés, ne manque cependant pas du degré de vigueur nécessaire dans un tableau. Le système de clair obscur que M. Scheffer affectionne, et qui, en conservant une originalité propre, rappelle celui de Rembrandt, est ici très-convenable-. ment appliqué. En un mot, M. Scheffer, en traduisant uu poète s'est montré poète Ini-même, et a donné une nouvelle preuve de ce que l'étude, le travail et la réflexion ajoutent au taleut le plus heureusement doué par la nature.

Dans la fatale journée de Waterloo, à cette bataille que la France perdit et que personne n'eut la gloire de gagner, l'empereur, n'espérant plus vaincre, poussa son cheval au milieu du dernier bataillon de réserve, comme pour aller au devant de la mitraille. Ses vieux généraux, ses vieux soldats, blessés ou encore debout, le conjurerent de se retirer; il fallut presque l'y contraindre. Ainsi M. Steuben nous l'a représenté dans ce moment suprême, et la foule s'arrêtait silencieuse et pénétrée d'un respect religieux en face de ce tableau; tant M. Steuben, à part l'exagération de quelques figures, a rendu avec âme, avec sentiment ce dernier acte du grand drame de l'empire.

Parmi les heureux débuts au salon de cette aunée, il faut signaler en première ligne celui de M. Lehmann, qui, au sortir de l'atelier de son maître, M. Ingres, a exposé un tablean que beaucoup de peintres en réputation pourraient s'enorgueillir d'avoir produit. Le sujet est le départ du jeune Tobie emmené par l'ange Raphaël, et M. Lehmann l'a traité avec un talent qui se révèle dans la simplicité de la composition, dans la vérité de l'expression, dans l'heureux choix des principaux motifs du tableau, dans l'arrangement pittoresque des personnages, et surtout dans le style, qui est conforme aux bonnes traditions. Entraîné doucement par son guide céleste, le jeune Tobie, au moment où il franchit le seuil paternel, se retourne vers son père qui le bénit, et vers sa mère qui pleure en l'embrassant. L'unité d'action est parfaite entre ces quatre personnages, et, sur toute la scène, s'étend comme une ombre de tristesse douce fort heureusement exprimée. On voit donc que c'est là un début plein de belles promesses, et sans doute M. Lehmann les tiendra, s'il veut se mettre en garde contre le penchant que semble indiquer son premier ouvrage, à donner une trop forte intensité à sa couleur; s'il s'applique à distribuer la lumière avec plus d'égalité, et à se défendre des tons crus et obscurs.

Un tableau non moins digne d'intérêt que le précédent, c'est celui que M. Signol a exposé sous ce titre : Le

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