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procurer un bien-être plus étendu aux habitans, enfin du zèle qu'ils avaient apporté dans la perception des impôts.

Méhémet Ali jusqu'alors avait laissé l'Europe s'enrichir des dépouilles de l'antiquité égyptienne; mais un acte du conseil d'état, en date du 15 août, défendait sévèrement l'exportation hors de l'Egypte de tout objet antique, ordonna l'acquisition, aux frais du gouvernement, de tout ce qui serait découvert par les particuliers, et fonda un musée national au Caire. Là seraient déposés, conservés et classés convenablement pour être exposés aux regards des habitans et particulièrement des voyageurs et des étrangers que leur vue amenerait journellement dans le pays, tous ceux de ces objets d'antiquité que le gouvernement possédait déjà, ainsi que ceux qu'il pourrait acquérir de gré à gré ou recueillir des fouilles et recherches à venir. En même temps les gou verneurs des provinces du Saïd avaient ordre de ne plus permettre la moindre dégradation sur les édifices et les monumens de l'antiquité.

L'instruction publique reçut de nouvelles marques de la faveur du vice-roi, par la création d'un amphithéâtre d'anatomie qui fut établi dans une mosquée; d'une école d'interprètes où les élèves seront instruits à traduire de la langue française en arabe, et qui travaillerait pour les presses de Boulâq, auxquelles un graveur et un lithographe formés en France avaient été attachés ; d'écoles primaires dans toute l'étendue de l'Egypte, dont chacune renfermerait cent enfans nourris, vêtus et entrétenus aux frais du gouvernement; enfin d'une grande école de mathématiques ouverte sous le nom d'école Polytechnique.

La nécessité de donner des professeurs à ces nouveaux établissemens et le besoin de combler les vides laissés par la dernière peste, expliquent suffisamment la résolution que prit le vice-roi, au mois de décembre, de rappeler les jeunes gens qui étudiaient à Paris les sciences et les arts. Onze de

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ces jeunes gens, dont quelques uns suivaient les cours de l'école Polytechnique, étaient restés en France plus de trois ans, et les autres, six, sept ou huit ans. On pouvait regarder comme à peu près rempli le but que Méhémet Ali s'était proposé en envoyant à grands frais, depuis dix années, plus de cent Egyptiens s'instruire à Paris.

Pendant que la peste désolait l'Égypte, la fortune faisait aussi sentir ses rigueurs au vice-roi en Arabie. Surprise dans une gorge étroite, où l'ennemi la tint en quelque sorte assiégée pendant trois jours, son armée avait été mise complétement en déroute par les Arabes, qui s'étaient emparés des chevaux, des armes, du canon et de la caisse militaire. Il fallut envoyer 15,000 hommes de troupes fraîches et un autre général dans l'Yémen, pour réparer ce désastre. On pouvait avoir une idée des frais énormes d'une semblable expédition, lorsqu'on calculait que tout, y compris les provisions de bouche et les fourrages, devait suivre l'armée à travers les déserts, et en partie par la mer Rouge. Cependant le viceroi avait réussi, à l'aide de sa marine, à se mettre en possession de Hodeyda et de Moka, les deux principales places de la contrée. Il n'avait fait d'ailleurs aucun progrès dans la conquête de l'intérieur de l'Yémen.

Méhémet - Ali avait lieu d'être plus satisfait de l'état des choses en Syrie, quoiqu'il ne pût douter du mécontentement de la population de se voir soumise à un régime aussi durement fiscal que celui qui pesait maintenant sur elle. Une preuve que ce mécontentement n'inspirait plus de crainte aux nouveaux maîtres du pays, c'est qu'Ibrahim Pacha vint passer en Égypte les trois premiers mois de l'année. Les Druses seuls conservaient encore leur armes; mais bientôt ils furent réduits à la même condition que le reste des habitans. Abandonnés par l'émir Beschir, ils durent céder aux troupes d'Ibrahim, qui marcha sur le Liban avec 12,000 hommes, au mois de septembre, et se laisser désarmer sans résistance, après lui avoir livré les plus notables d'entre eux.

C'était un succès important pour l'affermissement de la domination égyptienne en Syrie; d'un autre côté, Ibrahim s'occupait de se mettre à l'abri de toute attaque sur les frontières de la Caramanie, en déployant une énergique activité à faire fortifier les défilés du Taurus,

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GRÈCE. Etat du pays.

CHAPITRE V.

Traité de commerce entre la Grèce et l'Autriche. Couronnement du roi Othon.- Proclamation du roi.— Amnistie générale pour délits politiques. M. d'Armansperg est nommé archisecrétaire d'état. - Dissolution du ministère. - Composition d'un nouveau ministère. -Troubles. Bandes de brigands. Griefs contre les troupes allemandes. -État des finances. Affaires religieuses. Embarras du gouvernement. -Distribution des terres nationales entre les familles grecques. Formation d'une phalange d'élite. · Établissement d'un conseil d'état. — Arrivée du roi de Bavière en Grèce.

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Si de nouveaux complots, de nouveaux troubles ne compromirent point la tranquillité de la Grèce durant les premiers mois de cette année, ce n'était pas que la nation se montrât satisfaite de sa situation présente; jamais, au contraire, elle n'avait tourné vers l'avenir des yeux plus impa-" tiens, et l'opposition des voeux, la division des opinions n'avaient pas cessé d'y être flagrantes. Les modifications que la majorité du roi devait apporter dans le gouvernement, occupaient vivement les esprits. La régence, ou plutôt M. d'Armansperg, avait ses partisans, qui désiraient que les affaires, même après que cette majorité aurait été proclamée, restassent encore quelque temps entre les mains qui les conduisaient. Ce parti rencontrait un adversaire bien déclaré dans celui des Rouméliotes ou des constitutionnels qui reconnaissait pour son chef M. Coletti, ministre de l'intérieur et président du conseil. Les constitutionnels se prononçaient fortement contre le maintien du système actuel ; ils demandaient que la Grèce, enfin délivrée de la tutelle de la cour de Munich ou de ses délégués, fût seule appelée à diriger les conseils du roi, et repoussaient toute combinaişon qui continuerait de laisser le pays à la discrétion des

étrangers. Ils voulaient que les plus hautes fonctions ne fussent plus exclusivement données aux Allemands; que les soldats bavarois, qu'on accusait d'enlever tout l'argent sans faire aucune dépense, fussent renvoyés chez eux. Froissés dans leurs intérêts, humiliés d'être ravalés au niveau d'une colonie bavaroise, les Grecs ne doutaient pas de pouvoir très-bien se garder et régler eux-mêmes leurs affaires administratives. Il est inutile d'ajouter que ce parti ne comprenait pas pourquoi la Grèce, qui avait eu si long-temps son assemblée nationale, serait encore, aujourd'hui que les premiers embarras d'une nouvelle royauté étaient surmontés, déshéritée du régime représentatif. La faction de Colocotroni, soutenue par la Russie, venait de son côté compliquer cet état de choses, dont on croyait assez généralement voir le terme au 1er juin.

Jusqu'à cette époque de la majorité du roi, qu'elle attendait comme le signal de sa propre émancipation, la Grèce, sauf les excursions de quelques bandes de Klepthes, demeura paisible. Elle était distraite en partie par les grands projets d'utilité publique qu'on mettait chaque jour en avant, tels que la création d'une banque, une entreprise de bateaux à vapeur pour communiquer avec Constantinople, le Levant et Marseille; l'établissement d'un chemin de fer d'Athènes au Pirée; et par les travaux de la reconstruction d'Athènes, dont les principales rues étaient tracées, et qui avait déjà si complétement changé de face, que le Parthénon seul servait encore à la faire reconnaître. Du reste, pendant cette même période, la Grèce n'offrit à noter à l'historien que la conclusion d'un traité de commerce avec l'Autriche. Ce traité, signé à Athènes le 4 mars, et dont les ratifica tions furent échangées le 9 septembre à Vienne, contient dix-neuf articles, qui établissent, d'une manière aussi générale que possible, une liberté réciproque de commerce et de navigation entre les sujets de l'Autriche et de la Grèce, dans tous les ports de mer des deux nations, de sorte qu'ils y

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