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les parties de l'administration, sur toutes les industries de cette cité, glorieuse de son affection, heureuse de lui devoir sa restauration, la chambre du commerce arrêta ses regards protecteurs, réparateurs et créateurs sur les abus qui s'étaient introduits dans diverses branches du commerce, et principalement dans la guimperie ou fabrique de fils d'or, dans la fabrique des étoffes de soie et d'argent, et dans celle des velours.

Un règlement fut rendu par Sa Majesté, le 20 floréal, et les fraudes des guimpiers furent réprimées, la bonne foi fut commandée aux manufacturiers par des dispositions précises; le mélange de l'or et de l'argent fin et faux dans les étoffes cessa de prêter à l'infidélité, parce qu'il dut être désigné par une marque très-apparente; la qualité des velours ne fut plus un problème pour l'acheteur inexpérimenté, parce que le vendeur dut en signaler la diversité par celle des lisières.

Le même règlement porte les moyens de contraindre, par la sévérité des peines, les fabricants que l'esprit de justice ou le sentiment de leur intérêt n'auraient pas trouvés dociles ou n'auraient pas rendus soumis.

Mais la surveillance à exercer, les contraventions à réprimer, demandaient d'autres instruments que ceux de l'administration générale de l'empire, et même de l'administration particulière de la cité, d'autres agents que ceux de la police ordinaire.

Ces fonctions exigent des connaissances que les fabricants seuls ou les chefs d'ateliers peuvent réunir. Elles exigent aussi, avec la sévérité du magistrat, une sorte de bonté paternelle qui tempère l'austérité du juge, permette quelquefois l'indulgence, appelle sans cesse la confiance et aide toujours à la soumission.

Elles étaient exercées, avant 1789, par les jugesgardes ou syndics des communautés.

Sa Majesté a cru convenable de les confier à des prud'hommes choisis, partie dans le nombre des négociants fabricants, partie dans le nombre des chefs d'ateliers.

L'institution de cette espèce de tribunal de famille, invoquée par les Lyonnais, est contenue dans le premier titre de la loi que je vous apporte.

La pensée en a semblé si heureuse, l'action si utile, que Sa Majesté a cru devoir en ménager le bienfait aux autres villes industrieuses et manufacturières de son empire, et l'article 34, au dernier titre de la loi, en autorise l'établissement par un règlement d'administration publique; ce sera aussi par un règlement que le mode de leur élection sera déterminé.

On n'arrivera peut-être à ce qui est le plus convenable que par des essais successifs et tout ce qui est susceptible de changement, de modifications selon les temps et les lieux, n'est pas du domaine de la loi, qui doit être générale et ramenée à son caractère distinctif, la fixité, l'invariabilité.

Toutes les villes, d'ailleurs, tous les genres de manufactures, ne comporteront pas une composition entièrement semblable, et la diversité des fabrications exigera des dispositions diverses, dont il est nécessaire que le gouvernement soit le juge.

Le second titre de la loi règle les fonctions des prud'hommes.

La deuxième section de ce titre les charge de cette nouvelle police conservatrice de la bonne foi, répa ratrice des infidélités passées, surveillante active de toutes les branches et de tous les instruments de la précieuse industrie lyonnaise, police dont le besoin a fait naître la première idée de l'institution.

Elle appelle en outre les prud'hommes à être les premiers dépositaires, les premiers juges des plaintes pour cause d'infidélité contre les ouvriers et les teinturiers.

Elle leur confie une sorte de magistrature presque domestique et pourtant solennelle sur des hommes qu'ils ramèneront à la probité s'ils s'en écartaient, autant par l'autorité de la morale et les conseils de la sagesse que par l'action de la justice et l'application de la loi.

Enfin, quand l'intérêt général exige que la porte des fabriques, des ateliers, soit ouverte aux agents de la puissance publique, ce seront les prud'hommes, assistés d'un autre officier public, qui procéderont aux visites et constateront les fraudes, les soustractions, les contraventions, les délits.

La section première du même titre décerne aux prud'hommes une autre espèce de juridiction, dont j'aurais parlé d'abord, si la deuxième section ne s'était liée plus immédiatement, lors des premières vues, à l'institution de ces nouveaux magistrats du

commerce.

L'article 19 de la loi du 22 germinal an XI attribue aux maires les contestations de simple police, entre les ouvriers et apprentis d'une part, les manufacturiers, fabricants et artisans de l'autre.

La nécessité de porter aux tribunaux de commerce des affaire d'un faible intérêt, qu'il faut souvent arbitrer selon l'équité plutôt que de les juger selon les lois, a paru trop rigoureuse, trop contraire à l'activité journalière des fabriques, trop opposée à son esprit.

Les prud'hommes jugeront, jusqu'à soixante francs, les affaires où seront intéressés les ouvriers; ils les jugeront sans formes, sans procédures, sans appel.

On trouvera dans leur institution un tribunal de conscience et d'équité, jugeant après avoir entendu les parties, sans l'intervention d'aucun défenseur, et comme il faut espérer que jugeront bientôt les tribunaux de commerce, ramenés à ce qu'ils furent dans leur origine, à ce qu'ils eussent dû être toujours.

Enfin la troisième section du second titre attribue aux prud'hommes une fonction nouvelle, protectrice de la propriété, et qui offrant, à ceux qui inventent ou perfectionnent la partie de la fabrication qui appartient aux arts du dessin, une nouvelle garantie, sera à la fois un encouragement à faire et une récompense d'avoir fait un pas de plus dans la carrière.

Chaque jour voit varier à Lyon ces dessins pleins de goût et de grâce où l'on imite tantôt les étoffes légères et éclatantes dont se parent les sultanes ou les odalisques, tantôt les étoffes riches et fortes dont se couvrent les grands de la Turquie et de la Perse; ces dessins où on prend pour modèle, aujourd'hui les fleurs dont sont ornés les tissus déliés de Cachemire, demain les fines broderies de l'Inde, ou les couleurs brillantes de la Chine.

Souvent la nouveauté d'un dessin quadruple le prix d'une étoffe ; plus d'une fois une fleur tracée et habilement tissue, un amalgame heureux de couleurs, une imitation plus voisine de l'inimitable coloris de la nature, a fait connaître, achalandé, enrichi une fabrique.

Et pourtant le plagiat ou plutôt le larcin de cette espèce de propriété sont devenus assez communs à Lyon et ailleurs, pour que la répression de ce délit soit un besoin de la société et un devoir de sa législation.

La section 3 du titre II de la loi que je vous présente satisfait ce besoin et remplit ce devoir.

Vous y trouverez, Messieurs, un moyen heureux et facile de conserver les droits des propriétaires de dessins, de prononcer entre des rivaux qui auraient par hasard conçu les mêmes idées, ou qui essaieraient d'assurer à une imitation adroite les prérogatives de l'invention.

Ce moyen se rapproche de celui employé pour les auteurs des procédés, machines, étoffes ou instru

ments nouveaux qui s'assurent la propriété par un brevet.

Mais ce moyen de garantie aura désormais l'avantage d'être sous la main du fabricant, confié, pour son exécution, à des hommes de l'art, capables de le maintenir en même temps sans faiblesse, sans erreurs, sans abus, et intéressés à être justes envers les autres, afin qu'on soit juste envers eux.

Il a l'avantage d'être d'un usage presque gratuit; car la modique rétribution attachée au droit de l'enregistrement des dessins déposés ne peut être regardée comme un sacrifice, tandis que les brevets d'invention paient un droit considérable.

Enfin, il assure que le Conservatoire de la ville de Lyon enrichira sa collection, déjà immense, de tous les dessins dont la propriété aura cessé; et s'il est vrai qu'en ce genre, comme en tant d'autres, le fond des idées soit presque toujours le même, que ce qui semble nouveau ne soit autre chose que ce qu'on dérobe au temps passé, en changeant la disposition des formes où la nuance des couleurs, le dépôt de tant de modèles, ouvrages de tant d'artistes, création de tant d'imaginations, production de tant de goûts divers, sera un riche trésor dans l'avenir, et l'industrie épuisée ou le goût blasé viendront chercher des moyens de se ranimer.

Le titre III de la loi perfectionne les règles et facilite dans son exécution le titre III de la loi du 22 germinal an XI, concernant les obligations entre les ouvriers et ceux qui les emploient

Il assure à l'ouvrier plus de facilité à obtenir des secours par des avances, en assurant au fabricant plus de garantie de ses recouvrements.

Il préserve les fabricants de la tentation, à laquelle ils cédent quelquefois, de débaucher un chef d'atelier qu'ils convoitent, pour améliorer leur fabrication, nuire à celle de leurs concurrents, et prendre ou conserver sur lui de l'avantage.

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