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classes de la société japonaise, de se faire jour plus facilement, et ce sentiment s'est encore traduit en attentats dont les sujets de différentes Puissances ont été victimes. Le Gouvernement du Mikado puisera dans ses récents succès la force nécessaire pour réprimer d'une manière plus efficace des animosités qu'il est le premier à condamner. L'ouverture de la ville de Yedo et du port de Nagata, en favorisant l'accroissement des transactions, a appelé nos négociants à profiter dans une plus large mesure du mouvement d'affaires qui semble devoir suivre le rétablissement de la tranquillité. A la suite de l'expédition de Simonosaki, le Japon s'était engagé à payer à la France, à l'Angleterre, aux États-Unis et aux Pays-Bas, une indemnité dont la moitié seulement a été versée. Un premier délai a été accordé pour le payement du surplus qui devait avoir lieu au mois de mai dernier; mais les autorités japonaises, rappelant les charges que la dernière crise a fait peser sur le pays, nous ont demandé un nouveau sursis de trois ans. Elles nous offraient, en échange de cette concession, d'ajourner le prélèvement d'une augmentation de droits sur le thé et la soie, stipulée en faveur du Japon par des conventions antérieures. D'accord avec les autres Puissances intéressées, nous avons pensé qu'il y avait lieu d'accueillir la proposition qui nous était faite. Le sacrifice que nous nous imposions, en témoignant de notre modération avait surtout l'avantage à nos yeux de tourner au profit du commerce de tous les peuples.

Les anciennes lois établies au Japon contre les indigènes convertis à la foi chrétienne avaient été, dans de récentes circonstances, appliquées à un certain nombre de familles que la fréquentation de leurs coreligionnaires européens avait enhardies à pratiquer publiquement la religion de leurs ancêtres. Les démarches qu'un sentiment d'humanité a dictées à notre Ministre, et auxquelles se sont associés les représentants de plusieurs autres Puissances, ont procuré quelque soulagement à ces infortunés. Le Gouvernement Japonais a en outre donné aux agents étrangers l'assurance que l'ancienne législation ne serait pas maintenue dans toute sa rigueur et que l'on aurait recours désormais à des mesures plus douces et plus humaines. Nous avons été heureux en cette occasion de voir les ministres du Mikado se rendre à l'influence toute morale des idées civilisatrices que les Gouvernements Européens portent avec eux dans ces régions lointaines.

Attentif à faire naftre sur tous les points du monde de nouvelles causes de rapprochement entre les peuples, le Gouvernement de l'Empereur s'étudie à généraliser en les améliorant les actes internationaux qui peuvent contribuer à assurer ce résultat. De nombreux traités ont été conclus depuis une année par la France en vue de mul

ARCH. DIPL. 1870 - I.

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tiplier nos rapports avec les Puissances étrangères, tant au point de vue de l'échange des correspondances qu'à celui de l'extradition des malfaiteurs et de la réciprocité des législations.

En ce qui concerne nos relations postales, le Gouvernement de l'Empereur ne cesse de se préoccuper des moyens de favoriser les intérêts du public par l'abaissement des taxes, tout en maintenant le principe de la juste rémunération des services. Une Convention de poste a été conclue avec l'Italie; il n'a pas dépendu de nous qu'elle n'eût pour conséquence un abaissement des tarifs. Nos échanges de correspondances avec l'Angleterre donnaient lieu depuis longtemps à de nombreuses réclamations, fondées particulièrement sur l'insuffisance de la progression du poids des lettres fixé jusqu'ici à 7 grammes et demi. Nous avons pu récemment conclure avec la Grande-Bretagne une Convention qui sera soumise au Corps législatif et dont l'objet est de donner satisfaction à ces plaintes. Elle stipule que la progression sera portée à 10 grammes et que la lettre de ce poids, affranchie, coûtera désormais 30 centimes seulement au lieu de 40. Nous avons également pu réaliser avec les cabinets de la Haye et de Madrid d'utiles améliorations de détail. Le droit de timbre qui frappait nos journaux dans les Pays-Bas n'est plus perçu aujourd'hui, et l'Espagne a renoncé au droit supplémentaire de distribution qui grevait jusque dans ces derniers temps les correspondances acheminées sur son territoire.

Il y a trente ans à peine que l'organisation du droit criminel international a été ébauchée par la conclusion des premiers traités d'extradition. Comme au début de toutes les institutions nouvelles, un certain laps de temps s'est écoulé avant que les principes qui doivent servir de base aux conventions de ce genre fussent universellement admis. Aussi les traités d'extradition conclus entre les différents États pendant cette période d'hésitation présent-ils d'assez grandes dissemblances. Aujourd'hui, l'uniformité tend à s'établir sur ce terrain comme sur tant d'autres, et les efforts du Gouvernement de l'Empereur ont largement contribué à ce travail d'assimilation. Jusqu'à ces derniers temps, la France avait adopté pour règle de n'accorder aux autres nations et de ne réclamer d'elles que l'extradition d'individus coupables de crimes. Cette limite était évidemment trop étroite en présence de la facilité et de la rapidité des communications qui permettent aux malfaiteurs de toute espèce de passer à l'étranger et d'y trouver l'impunité. Nous avons entrepris une révision de nos traités dans la pensée d'établir une nomenclature des cas d'extradition beaucoup plus étendue et de donner ainsi aux exigences de la sécurité publique une plus complète satisfaction. Le Traité avec la Belgique, récemment publié, a ouvert la voie et peut être considéré, à beaucoup

d'égards, comme le type des améliorations que nous avons en vue. Un Traité a été conclu avec la Suisse sur les mêmes bases et remplacera avantageusement les stipulations incomplètes de la Convention de 1828. Il avait été précédé d'un acte analogue entre la Suède et la France, et nous sommes à la veille d'en signer un autre avec la Bavière. Des négociations sont également engagées avec l'Italie. A l'égard d'autres pays, nous n'avons eu besoin que d'ajouter aux traités existants des articles additionnels destinés à régler quelques points spéciaux. C'est sous cette forme notamment que nous nous sommes entendus avec l'Autriche et les Grands-Duchés de Bade et de HesseDarmstadt.

Pendant qu'il consacrait ainsi l'application de la procédure criminelle dans le droit des gens, le Gouvernement de l'Empereur concluait avec la Confédération Helvétique un Traité d'un autre ordre, qui peut être considéré comme l'essai le plus satisfaisant tenté jusqu'ici pour organiser la procédure civile internationale. Il s'agissait d'assurer dans chacun des deux États l'exécution des jugements rendus par les tribunaux de l'autre, et il fallait dans cette vue établir avec la plus grande netteté les règles de la compétence. Nous croyons avoir atteint ce résultat. Nous nous sommes préoccupés, en outre, de garantir à nos nationaux, par notre nouvelle Convention, le bénéfice de l'assistance judiciaire devant les tribunaux suisses, comme nous l'accordons aux Suisses devant les tribunaux français.

Nous nous efforçons d'obtenir, à charge de réciprocité, le même avantage dans plusieurs autres pays voisins, et des négociations sont ouvertes à cet effet avec la Belgique, le Luxembourg, le Grand-Duché de Bade, la Bavière, le Wurtemberg et l'Italie.

Le Gouvernement ne laissera échapper aucune occasion de favoriser la disposition qu'il rencontre chez un certain nombre d'États à consacrer ainsi par des actes internationaux le rapprochement des législations. Rien n'est plus propre à développer et à féconder les rapports mutuels qu'une conformité aussi grande que possible dans les principes généraux du droit entre les différentes nations. En contribuant à dégager dès à présent les points qui leur sont communs pour en faire l'objet d'arrangements diplomatiques, le Gouvernement de l'Empereur sert à la fois les intérêts du pays et ceux de la civilisation.

Affaires commerciales.

Des plaintes se sont élevées de plusieurs centres industriels du Nord et de l'Ouest de l'Empire contre le traité de commerce conclu, le 23 janvier 1860, entre la France et l'Angleterre, aux effets

duquel seraient attribuées les souffrances actuelles de nos fabriques. Le Gouvernement de l'Empereur s'efforcera de concilier les ménagements réclamés par des intérêts dignes de toute sa sollicitude avec la sécurité de nos transactions internationales qui n'ont cessé de se développer à la faveur du régime conventionnel inauguré en 1860.

Il est permis d'espérer qu'un malaise qui se fait sentir également dans d'autres contrées et suscite en Angleterre même, contre le traité de 1860, des manifestations analogues à celles qui se produisent en France, n'entravera pas le mouvement d'expansion et de fusion des intérêts généraux des peuples, provoqué par l'initiative du Gouvernement impérial.

L'Exposition universelle de 1867 a été la démonstration éclatante de cette tendance, qui se traduit aujourd'hui sous une forme plus modeste, mais également efficace. S'il n'est possible de contempler qu'à de longs intervalles ces grandes solennités, leur influence se perpétue toutefois, et les expositions internationales ouvertes à tous les pays, mais restreintes à telle ou telle branche des pays humains, entretiennent une émulation féconde et ces relations individuelles qui rapprochent de plus en plus les sociétés. Ainsi, dans le cours de cette année, des expositions ont été organisées à Munich pour les beauxarts, à Altona pour les produits de l'industrie, à Saint-Pétersbourg pour ceux de l'horticulture, à Amsterdam, enfin, pour tout ce qui se rattache à l'économie domestique et aux progrès sociaux. Les succès obtenus par nos nationaux ont attesté une fois de plus la variété des aptitudes du génie français.

Le concours d'Amsterdam constitue, notamment, un fait digne de remarque. Inspiré par la même pensée qui a présidé, en 1867, à l'organisation du X groupe de l'Exposition de Paris, il a offert une nouvelle preuve de la sollicitude de plus en plus active qui se porte vers les intérêts moraux et matériels. La France a gardé, dans cette solennité, le rang où elle s'était placée en 1867: elle a obtenu 281 récompenses. L'Empereur et l'Impératrice avaient voulu figurer au nombre des exposants, et le Jury international a décerné à Leurs Majestés deux grands diplômes d'honneur pour les institutions de tous genres qu'Elles ont fondées ou patronnées en vue de développer l'instruction et le bien-être des classes ouvrières.

Les succès répétés de ces luttes pacifiques en Europe ont porté des fruits de l'autre côté de l'Océan : deux républiques de l'Amérique méridionale ont, pendant le cours de cette année, ouvert des expositions qui ne doivent point rester inaperçues. Au concours international d'agriculture, organisé à Santiago du Chili le 5 mai dernier, a succédé, dans la capitale du Pérou, une exposition industrielle; les

heureux résultats de cette première expérience ont sans doute contribué au développement de nos transactions avec les contrées baignées par l'Océan Pacifique.

La loi du 19 mai 1866 sur la marine marchande a été la conséquence logique des réformes libérales introduites, depuis 1860, dans notre régime économique; elle a, en effet, eu pour objet de mettre la législation maritime de l'Empire en harmonie avec les nouvelles bases de ses relations commerciales. Le Gouvernement a, toutefois, entendu n'accorder aux autres Puissances le bénéfice de l'une comme de l'autre de ces réformes, que moyennant des avantages réciproques. Seulement, à la différence des traités de commerce qui consacrent un échange de concessions, la loi votée par le Corps législatif en 1866 a fait spontanément disparaître, par des mesures générales, toutes les restrictions qui atteignaient dans nos ports la navigation étrangère, laissant au Gouvernement le soin d'obtenir, pour notre navigation dans les autres pays, un régime également libéral.

L'événement a justifié notre confiance, puisque nous n'avons pas eu, jusqu'à présent, à faire application de la faculté de représailles inscrite à l'article 6 de la loi. Nous ne devons pas nous dissimuler toutefois, que nous n'avons pas atteint partout le but que nous poursuivons, et que, si le traitement national est le régime commun de la marine étrangère dans nos ports, notre pavillon ne jouit pas, sur tous les points du littoral européen, de la réciprocité à laquelle il a droit.

Les inégalités que le dernier Exposé signalait déjà, quant au régime applicable à la navigation française dans les ports de l'Espagne et de ses possessions d'outre-mer, subsistent encore. Des améliorations nouvelles sont, pourtant, venues s'ajouter, dans le cours de cette année, à celles que nous avions obtenues l'an dernier. Les décrets du 22 novembre 1868, qui ont utilement modifié dans l'assiette des droits prélevés sur la navigation dans la Péninsule, ont été, en effet, suivis d'une réforme inspirée également par une sage entente des besoins du commerce international et qui porte sur l'ensemble de la législation douanière de l'Espagne. Le tarif de douanes, promulgué le 12 juillet dernier, simplifie les bases de la perception, lève les prohibitions et réduit les taxes afférentes au plus grand nombre des marchandises. Le régime nouveau maintient, il est vrai quelquesunes des taxes les plus onéreuses pour notre commerce, il en aggrave même plusieurs, et l'attribution d'une valeur exagérée aux produits que nous importons fait ressortir les droits du tarif à un taux supérieur à celui des prévisions de la loi des douanes. Ce sont là de

1. Voir Archives, 1869, t II, p. 648

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