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CHAPITRE V.

Le Palais-Royal sous Philippe, duc d'Orléans, régent.

1701-1723.

Avant la mort de son père, ce prince, qui portait le titre le duc de Chartres, s'était distingué dès l'âge de dix-huit ans, dans la campagne de Flandre en 1691, tant au siége de Mons qu'au combat de Leuze. Après cette campagne, il revint à Versailles, où il épousa, le 18 février 1692, Françoise-Marie de Bourbon, dite Mademoiselle de Blois, fille légitimée de Louis XIV. C'était une femme charmante: elle avait les yeux admira

bles, les dents belles, une jolie bouche. On retrouvait en elle cette finesse d'esprit particulière à madame de Montespan, sa mère. Naturellement indolente, elle passait la plus grande partie de son temps dans son lit. La représentation la fatiguait, et pourtant elle était très sévère sur l'étiquette; elle affectait les grands airs du Roi son père; aussi le duc d'Orléans, qui d'ailleurs la traitait à merveille, riait des scènes de dignité dans lesquelles elle se complaisait; il s'amusait à l'appeler Madame Lucifer.

Après son mariage, ce prince retourna à l'armée, se trouva à la prise de Namur, fut blessé au combat de Steinkerque, et commanda avec honneur la cavalerie française à la bataille de Nerwinde le 27 juillet 1693.

Devenu en 1701, après la mort de son père, l'héritier de son nom, de ses titres et de sa fortune, il porta dans les embellissemens intérieurs du Palais-Royal la passion qu'il avait pour

les arts. Oppenort passait alors pour le plus habile architecte : le duc d'Orléans le choisit pour directeur-général de ses bâtimens et jardins. Un des premiers travaux qu'il lui confia fut le grand salon qui servait d'entrée à la vaste galerie construite par Mansard (1). Ce salon, qui prit le nom d'Oppenort, était surchargé d'ornemens, dont le bon goût n'avouait pas toujours la hardiesse ou la bizarrerie; car, pour me servir des expressions de M. Fontaine, «<les architectes « d'alors semblaient avoir pris le caprice pour << guide, la singularité pour maxime, et l'afféterie « pour but. >>

La guerre enleva bientôt le duc d'Orléans à ces tranquilles occupations. En 1706, le duc de Vendôme ayant quitté le commandement de l'armée d'Italie, pour venir commander celle de

(1) Ces bâtimens, qui s'étendaient jusqu'à la rue de Ri chelieu, ont été démolis, lorsqu'on a construit la salle du Théâtre-Français.

Flandre, le Roi le remplaça par le duc d'Orléans; c'est à cette occasion que furent publiées ces lettres-patentes: « Ayant jugé à propos de choisir un chef pour prendre le commandement

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<< général de nos armées d'Italie, nous avons ré<< solu d'envoyer notre très aimé neveu le duc << d'Orléans, tant pour répondre à l'ardent désir

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<< qu'il témoigne depuis long-temps de se voir à la << tête de nos troupes, et de pouvoir, en signalant «sa valeur, se rendre utile à notre gloire et au <«<bien général de l'état, que parce que nous << reconnaissons qu'outre l'élévation d'esprit et «<les sentimens qu'il a dignes de sa grandeur et <«<de sa naissance, il a par ses soins et son appli«cation acquis de bonne heure l'expérience et << les talens nécessaires pour le commandement <<< des troupes, ainsi qu'il l'a fait assez paraître dans <<< celui de notre cavalerie, qu'il a exercé avec toute <«<l'habileté d'un grand capitaine.» Jeune, avide de gloire, et fier d'avoir à se mesurer avec le

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prince Eugène et le duc de Savoie, le duc d'Orléans brûlait de donner la bataille sous les murs de Turin. Le conseil de guerre partageait son impatience, lorsque le maréchal de Marsin, qui était d'un avis contraire, exhiba l'ordre secret du Roi, qui défendait de tenter le combat. Le moment favorable au succès fut perdu; le lendemain le prince Eugène attaqua l'armée française, qui fut mise en déroute: le maréchal de Marsin fut tué; le duc d'Orléans courut les plus grands dangers. On déplora l'impérieuse nécessité qui avait enchaîné sa vaillance, et lorsqu'après avoir mis le reste de ses troupes en quartiers d'hiver, il reparut à la cour, Louis XIV, écoutant l'opinion publique, fit un accueil gracieux au guerrier qu'il avait empêché de vaincre, et lui donna le commandement de l'armée d'Espagne.

A la tête de cette armée, le duc d'Orléans prit la ville de Lérida, en 1707, et fit rentrer le royaume d'Aragon sous l'obéissance de Philippe V.

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