Page images
PDF
EPUB

<< ron trois mille spectateurs (1); elle était réser" vée pour les comédies de pompe et de parade,

"

quand la profondeur des perspectives, la variété

« des décorations, la magnificence des machines << y attiraient leurs majestés et la cour. Malgré ses « petits défauts, c'est le théâtre de France le plus « commode et le plus royal (2). Indépendamment << de cette salle, le cardinal avait arrangé un sa«<lon pour faire jouer les pièces que les comé<< diens représentaient ordinairement au Marais<< du - Temple. » C'est aussi là que, devant un parterre choisi, où les flatteurs ne manquaient pas, le ministre auteur, qui se croyait le rival de

(1) On croit qu'il y a ici exagération, car cette salle avait au plus trente-six pieds de largeur.

(2) Louis XIV donna cette salle à Molière en 1660, et, après la mort de l'auteur du Misanthrope, elle fut destinée aux représentations de l'Opéra. Brûlée le 6 avril 1763, réédifiée aussitôt par Louis-Philippe, duc d'Orléans, occupée de nouveau par l'Opéra, elle fut consumée une seconde fois, par l'incendie de 1781.

Corneille, et qui n'était qu'envieux du Cid, faisait représenter son Europe et sa Myrame (1).

L'aile gauche du Palais-Cardinal était occupée par une galerie : « La plus superbe par<<< tie de ce beau lieu était la voûte peinte et «< conduite par Philippe de Champagne, le

«

<< peintre favori du cardinal. Des tableaux, des << rostres imités de l'antique, des chiffres du « cardinal entourés de lauriers, étaient répan<< dus dans cette voûte sur un grand fond d'or,

«

peint en mosaïque avec autant d'ordre que d'esprit, et composaient ensemble comme une << sorte de panégyrique à l'honneur du maître « de la maison (2). » Ces peintures flattaient l'orgueil du cardinal; c'étaient des allégories où ses grandes actions, ses victoires, le bonheur de la France étaient représentés sous les plus brillantes

(1) Pièces attribuées au cardinal de Richelieu.

(2) Sauval, Histoire et Antiquités de la ville de Paris, 1724.

couleurs(1). La contre-partie de cette voûte historique n'eût pas été moins remarquable: Marie de Médicis expirant dans la misère sur un sol étranger; Anne d'Autriche mandée au conseil, et contrainte d'avouersa correspondance avec l'Espagne; Ornano périssant dans les fers à Vincennes; le

(1) C'est ainsi que le cardinal fit célébrer dans son palais, avec une pompe extraordinaire, les fiançailles de sa nièce Claire-Clémence de Maillé, fille du maréchal de Brezé, avec le duc d'Enghien, depuis le grand Condé. « On donna, le 17 février 1661, un ballet allégorique qui fut pour le ministre une espèce de triomphe. Ce ballet représentait la prospérité des armes de la France. Dans la première décoration on voyait la terre embellie de forêts, et l'Harmonie portée sur un nuage et accompagnée d'oiseaux mélodieux; la seconde offrait une vue des Alpes couvertes de neige, avec l'Italie, sur une montagne; et dans divers lointains les villes d'Arras et de Casal; la troisième représentait une mer environnée d'écueils, et des vaisseaux au milieu desquels on distinguait trois syrènes. Un ciel ouvert, d'où descendaient les neuf muses, la terre ornée de fleurs et la Concorde sur un char brillant, formaient les deux dernières décorations. » (Jay, Histoire du ministère du cardinal de Richelieu. )

duc de Vendôme dans les cachots de Blois; Bassompierre enfermé à la Bastille; la duchesse de Chevreuse, le duc de la Valette, le duc de Guise obligés de fuir sur des terres d'exil; Chalais, Marillac, Montmorency, de Thou, Cinq-Mars, arrosant de leur sang les échafauds dressés par ordre du cardinal; une foule d'autres victimes sacrifiées au moindre soupçon d'un prélat qui disait de lui-même : « Je renverse tout, je fauche << tout, et ensuite je couvre tout de ma soutane << rouge..... » Mais quel pinceau eût osé tracer ces tableaux, dans un temps où la hache était levée sur tout imprudent qui se hasardait à inquiéter Richelieu dans sa grandeur, dans sa vanité ou dans sa gloire?

Dans l'aile gauche de la seconde cour était la galerie des hommes illustres, séparée de l'autre par la chambre du cardinal, devenue depuis la chambre de Louis XIV, sous la régence d'Anne d'Autriche, et sur l'emplacement de laquelle se

trouve aujourd'hui la salle du conseil. Richelieu, en désignant les personnages qui devaient faire partie de cette galerie, ne s'était pas oublié luimême (1). Ces portraits avaient été peints par

(1) Voici les noms des personnages dont se composait la galerie des hommes illustres :

Suger, abbé de Saint-Denis.
Simon, comte de Monfort.

Gaucher de Chatillon.

Bertrand Duguesclin.

Olivier de Clisson.

Boucicaut.

Dunois.

Jeanne-d'Arc.

Georges d'Amboise.

Louis de la Trimouille.

Gaston de Foix.

Bayard.

Charles de Cossé, duc de Brissac.

Anne de Montmorency.

François de Lorraine, duc de Guise.

Le cardinal Charles de Lorraine.

Blaise de Montluc.

« PreviousContinue »