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CHAPITRE IX.

Le Palais-Royal depuis sa réunion au domaine de l'État.

1793-1814.

Lorsque le Palais-Royal, déjà mutilé par les ventes des mandataires, eut été réuni au domaine de l'État, on ne songea plus ni à l'achever, ni à l'entretenir, ni même à prendre les mesures nécessaires à sa conservation; on ne s'occupa qu'à en tirer des revenus et à en faire de l'argent. Les arcades sur le jardin que le duc d'Orléans avait conservées, furent vendues nationale

y

ment ainsi que les bâtimens de l'hôtel de Châtillon qui avaient échappé aux mandataires. Il eut même des aliénations partielles faites dans le corps du Palais à des restaurateurs, que leur banqueroute a annulées. Des locations de toute espèce y furent établies par un entrepreneur principal, le sieur Provost, qui tenait la ferme des jeux, et ces locataires dégradèrent le Palais dans tous les sens, sans que personne s'occupât de les en empêcher. Les uns hachaient les murailles pour agrandir les fenêtres ou pour percer des portes, les autres coupaient des arcs pour établir des tuyaux de cheminées; on faisait des cuisines partout, et il est étonnant que l'édifice ait pu résister au traitement qu'on lui a fait subir.

La salle de spectacle du Palais-Royal, qu'on appelait alors le Théâtre de la République, continuait à être exploitée par une société composée de quelques uns des comédiens français que la

dépréciation des assignats ruinait graduellement et que leur chute totale ruina totalement. Après eux, le sieur Sageret, qui était alors entrepreneur de plusieurs théâtres dans Paris, devint locataire de celui du Palais-Royal. Malheureusement, une clause de son bail, passé le 1er juillet 1797, l'autorisait à faire à la salle tous les changemens, toutes les constructions, réparations et décorations qu'il jugerait à propos; et, en vertu de cette clause, la salle qui avait déjà été fortement ébranlée par le canon du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795) (1) fut entièrement bouleversée. On voulait alors que tout fût

grec ou romain. La décoration intérieure de la salle, telle que M. Louis l'avait faite, n'étant

(1) Lorsque les troupes des sections de Paris se retiraient en désordre par la rue de Richelieu, quelques coups de canon tirés par elles sur les vainqueurs mutilèrent les colonnes du péristyle. La façade du théâtre porte encore les traces de ces coups de canon.

pas dans ce style, on la mutila impitoyablement; l'arrangement des loges, tout exécuté en fer et en pots, fut détruit pour être remplacé par une décoration en colonnes de charpente peintes en marbre jaune antique, posées en bascule sur la voûte du vestibule au rez-de-chaussée. On établit sur ces colonnes une voûte en bois qu'on plaça plus bas que l'ancien plafond de la salle construit en fer et en pots, lequel fut tranché en plusieurs endroits pour rattacher le nouveau plafond et les nouvelles colonnes à l'ancienne charpente en fer, à laquelle heureusement on n'osa pas toucher autrement. Il résulta de ces travaux qu'une salle très commode, très solide et incombustible, devint incommode, peu solide (au moins dans l'intérieur) et susceptible d'être incendiée; qu'au lieu d'être à son aise et de bien voir (à la vérité dans des loges découvertes, dont on ne voulait pas alors), le public se trouvait partout à l'étroit, et que les colonnes

des loges avec les cloisons des divisions cachaient la scène à une grande partie des spectateurs.

Cette entreprise ne fut pas avantageuse à M. Sageret qui s'y ruina et disparut bientôt après avec son bail. Le directoire s'attribua alors la direction du Théâtre-Français et en chargea M. Mahéraut en qualité de commissaire du gouvernement, mais la salle resta dans l'état où M. Sageret l'avait mise.

Napoléon, ayant renversé le directoire et s'étant emparé des rênes du gouvernement, donna le Palais-Royal au Tribunat pour en faire le lieu de ses séances. On commença par expulser des appartemens du Palais les tripots, les maisons de jeu et les établissemens de corruption qui l'avaient envahi. Mais il y manquait une grande salle d'assemblée; on la voulait de dimensions à peu près semblables à celle du conseil des CinqCents au Palais Bourbon: M. Blève en conçut les premiers plans, et M. de Beaumont les termina.

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