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du nom d'héroïsme. C'est à elle enfin que nous devons la certitude consolante de ne revoir jamais ni ces ligues de factieux, plus funestes encore au bonheur des citoyens qu'au repos des Princes, ni ces massacres, ces proscriptions des peuples, qui ont souillé les annales du genre humain.

Daignez comparer votre siècle à ceux qui l'ont précédé; tâchez de le voir avec les yeux de la postérité, et de le juger comme l'histoire. Vous ver rez, dans ces âges dont vous regrettez les vertus, une corruption plus grossière s'unir dans les mœurs avec la férocité; une avidité plus basse se montrer avec plus d'audace; des vices presqu'inconnus aujourd'hui, former le caractère et les mœurs des Nations entières, et souvent même le crime compté au nombre des actions communes et journalières.

Les jugemens des historiens sont peut-être les preuves les moins suspectes des principes et des mœurs du temps où ils ont écrit. Consultez ceux des siècles passés, voyez à quelles barbaries, à quelles injustices ils ont prodigué des éloges, lors même que la crainte ou l'intérêt ne pouvoient plus les dicter. Observez, dans les détails de leur vie, les hommes dont nos pères ont célébré les vertus, et dont les panégyriques retentissent encore autour de nous, vous en trouverez peu à qui nous ne puissions reprocher des actions que, de nos jours, le mépris public eût flétries d'un opprobre ineffaçable.

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Vous-mêmes, cependant, vous les compteż parmi les hommes vertueux. Eh! n'est ce pas avouer que leurs vices furent ceux de leur siècle; que pour les rendre justes, il eût suffi de les éclairer? Plaignez-les donc avec nous d'avoir vécu dans ces temps d'ignorance où l'homme de bien, qui ne pouvoit trouver dans une raison, grossière endes principes immuables et sûrs, étoit forcé de prendre pour guide l'opinion de son siècle, et de borner sa vertu à s'interdire, même dans le secret, les actions que cette opinion avoit placées au rang des crimes.

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Voyez maintenant, d'un bout de l'Europe à l'autre, les hommes éclairés réunir tous leurs efforts pour le bien de l'humanité, et tourner vers cet objet seul toutes leurs forces avec un courage et un concert dont aucun siècle n'a donné l'exemple. L'usage barbare de la torture est presque aboli; la voix publique, cette voix si impérieuse lorsque l'humanité l'inspire et qu'elle est dirigée par la raison, demande d'autres réformes dans cette partie des lois, et elle les obtiendra de la justice des Souverains.

L'Américain, en rompant ses chaînes, s'est imposé le devoir de briser celles de ses esclaves ; et, de tous les peuples libres, il a le premier appelé tout ce qui cultivoit la même terre, aux mêmes droits et à la même liberté. La Souveraine du Portugal, en gémissant de ne pouvoir imiter en tout ce grand exemple, a ordonné du moins que dans

237 ses vastes Etats l'homme ne naîtroit plus esclave. Tout semble annoncer que la servitude des nègres, ce reste odieux de la politique barbare du seizième siècle, cessera bientôt de déshonorer le nôtre.

Cet autre esclavage, qui jadis a privé du droit de propriété presque tous les hommes de l'Europe, s'éteint peu à peu dans les pays où la rudesse des mœurs et la foiblesse des gouvernemens l'avoient conservé : ce fruit de l'anarchie disparoît avec elle; et la puissance publique, plus unie et plus forte, a chassé devant elle la foule des oppresseurs.

Les infortunés, que la privation de ce sens qui lie l'homme à ses semblables condamnoit à l'imbécillité et à une solitude douloureuse, ont trouvé une ressource inespérée dans l'heureuse application de l'analyse métaphysique à l'art du langage; replacés au rang des hommes et des citoyens utiles, ils deviennent un monument touchant et immortel du génie philosophique qui caractérise notre siècle.

Des secours, dirigés par un art bienfaisant et sûr, ont rendu à la vie des milliers d'hommes livrés à une mort apparente, et que l'ignorance eût plongés vivans dans le tombeau. Des sociétés de savans, respectables par leur zèle et par leurs lumières, veillent sur la santé du peuple et sur la conservation des animaux nécessaires à sa subsistance. La bienfaisance des monarques a égalé, surpassé même, dans ces institutions paternelles,

ce que l'esprit public a inspiré dans les constitu tions populaires.

La voix de l'humanité a osé se faire entendre même au milieu du tumulte de la guerre; et le vaisseau de Cook, respecté sur les mers, a prouvé que la France regarde les lumières comme le bien commuu des nations. Déjà l'on voit s'abaisser ou s'ouvrir ces barrières qui génoient le commerce des différens peuples. Nuisibles sur-tout à celui qui les élève, elles ne servoient qu'à fomenter les haines nationales et à corrompre les mœurs, par la contradiction nécessaire qu'elles font naître entre l'espérance d'un gain facile et le devoir, entre l'opinion du peuple et celle de la loi. Plu sieurs Souverains ont enfin reconnu que le véritable intérêt d'une nation n'est jamais séparé de l'intérêt général du genre humain, et que la nature n'a pu vouloir fonder le bonheur d'un peuple sur le malheur de ses voisins, ni opposer l'une à l'autre deux vertus qu'elle inspire également, l'amour de la patrie et celui de l'humanité. Ils ont senti que la véritable grandeur d'un prince se mesure sur la félicité de son peuple. Législateurs plutôt que monarques, ils ont fait du pouvoir absolu l'organe pur et sacré d'une raison éclairée et bienfaisante.

Qu'il est doux à la France de voir son jeune Roi donner au monde le spectacle d'un Souverain qui, dans ses premières lois, a montré le désir de rendre à ses sujets cette liberté personnelle, cette pro

priété libre, ces droits primitifs que l'homme tient de la nature, et que toute constitution doit lui conserver; d'un Souverain, dont la première alliance politique est une protection généreuse accordée à ce peuple si nouveau et déjà si célèbre que l'oppression forçoit à chercher un asile dans la liberté; dont enfin la première guerre n'a eu pour objet que l'égalité des nations, l'indépendance des mers, et le maintien ou plutôt l'établis sement d'un code qui manquoit à la sûreté du commerce et au repos de l'Europe!

C'est au milieu de cette guerre, entreprise pour une cause si nouvelle dans les annales du monde, que le destin de la France accorde à nos voeux un petit-fils de Henri IV et de Léopold de Lorraine, les deux princes de l'histoire moderne dont les noms ont été les plus chers à leurs peuples. Entouré d'exemples domestiques, placé dans le siècle le plus éclairé, au milieu de la nation où la lu mière plus vive est aussi plus également répandue, il croîtra pour le bonheur de cette nation même; il sera le bienfaiteur d'un siècle, moins infecté encore que le nôtre des restes de la barbarie. Ne craignez pour lui, ni les séductions, ni l'orgueil du pouvoir absolu: élevé sous les yeux d'une mère, en qui les grâces simples et naturelles tempèrent la majesté du trône, il apprendra d'elle à préférer auxrespects qu'on doit à la puissance, ces hommages volontaires que le cœur aime à rendre à la bonté; comme elle, il ne se souviendra de sa grandeur

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