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qu'avec la plus large, la plus complète publicité. Il est du plus haut intérêt qu'il en soit ainsi. Car, pour que le présent s'éclaire du passé, il faut que ce passé soit fidèlement devant ses yeux avec toutes ses grandeurs, mais aussi avec toutes ses faiblesses.

Nous avons répondu, pour notre part, à l'appel du Prince dont l'esprit éminent et le patriotisme éclairé préside à cette œuvre, en lui communiquant ce qui était de nature à y trouver place. Aujourd'hui nous publions nous-même, outre les pièces qui font connaître la pensée de Napoléon relativement à une expédition aux Indes, celles qui se rapportent au commencement d'exécution qui s'ensuivit, et qui complètent le document historique.

La pensée de Napoléon d'une expédition

aux Indes pour y renverser la puissance de l'Angleterre méritait, ce nous semble, d'être connue et étudiée.

Nous ignorons à quel moment elle vint à son esprit, nous pensons qu'elle dut s'y produire lorsqu'en réfléchissant à la position insulaire de l'Angleterre et aux avantages de cette position, il comprit que les moyens d'attaquer directement la puissance qui le bravait sous la protection des vents et des flots lui manquaient. Là, le principe décisif des grandes masses et d'action sur les capitales, qui donne tout le reste promptement, n'était pas applicable.

Comment atteindre celle que protégeaient

tout à la fois ses vaisseaux et l'Océan? Mais ce commerce du monde, cette merveilleuse

industrie qui font sa vie, sa force et sa grandeur, on pouvait les frapper. En tarissant ces veines fécondes, l'Angleterre était sûrement blessée, elle s'affaiblissait, se déchirait bientôt elle-même, et il en faisait une ruine au milieu des mers. La pensée de l'expédition aux Indes nous paraît une des combinaisons du blocus continental, et faire partie de la même conception. Au moins elle tend au même but, elle rentre dans le même système.

On ne saurait nier que si Napoléon eût accompli un tel dessein, il n'eût porté à l'Angleterre un grand coup. Qu'on se représente, en effet, la privation de plus de cent millions de sujets dociles, de ces vastes, de ces splendides contrées si profitables à son com

merce, à son industrie, à son trésor, si utiles à sa marine, de ces pays d'où elle tire incessamment d'inépuisables richesses. Quelle diminution pour elle de puissance matérielle et de prestige dans le monde!

Qui peut dire la portée et les conséquences qu'aurait pu avoir cet événement?

Nous ne méconnaissons pas les difficultés que Napoléon aurait eu à vaincre, elles étaient considérables sans aucun doute. Cependant les alarmes que conçut à ce sujet le cabinet de Londres, le soin extrême qu'il mit à traverser la mission du général Gardane en Perse, prouvent ce qu'il pensait de l'exécution. Or on ne saurait dénier à ce cabinet son grand sens pratique ni la sûreté et l'étendue de ses informations. Et nul, ce semble,

ne saurait prétendre être meilleur juge sur ce point que l'Angleterre elle-même.

L'insurrection formidable que nous avons vue naguère éclater dans l'Inde a montré quels éléments de succès elle eût rencontrés. La force que l'Angleterre a déployée, les sacrifices qu'elle s'est imposés pour vaincre l'insurrection ont fait voir clairement l'importance qu'elle attache à cette domination.

On a contemplé, il est vrai, avec un étonnement et une admiration qui faisaient presque oublier la justice de la cause, le courage,

la discipline d'une poignée d'Anglais comme perdus dans ces vastes empires, faisant face résolument et domptant enfin ce grand soulèvement de peuples et de royaumes. Et tandis que la science constatait par cet exemple

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