Page images
PDF
EPUB

avec la seule différence que la reine présidera avec la voix d'honneur, et que les expéditions se feront en son nom seul, quoique les résolutions aient été prises à la pluralité des voix. Je le marque plus en détail à Marcin et à Blécour, et l'on en instruit aussi la princesse des Ursins. J'ai fait écrire au sieur de Baville (1), d'acheter en Languedoc les mulets que V. M. demande. J'apprends avec plaisir que le cardinal Porto-Carrero a pris les mesures nécessaires, pour fournir régulièrement à la dépense de votre maison; je ne doute pas qu'il n'exécute ce qu'il vous promet. Pressez-le de veiller attentivement à la sûreté de vos côtes d'Espagne et à celles de Cadix: le principal objet de vos ennemis est de les attaquer. Je crois que vous êtes présentement en mer; je prie Dieu de bénir votre voyage. Comme vous n'avez en vue que le bien de vos peuples, j'espère que les succès seront tels que vous le souhaitez, encore plus par la tendre amitié que j'ai pour vous, que par l'étroite union de nos intérêts.

Je reçois encore votre lettre du 1er du mois. J'apprends avec plaisir la résolution que vous avez prise, d'envoyer la Toison au duc de

(1) Intendant de Languedoc.

Harcourt et au comte d'Ayen, et vous devez être bien assuré du zèle désintéressé de mes sujets pour le service de V. M. J'attends à tous momens des nouvelles de son départ ; j'espère que ce voyage augmentera les raisons que j'ai de vous estimer, mais elles ne peuvent rien ajouter à ma tendresse pour vous.

AU MÊME.

Marli, le 1er mai 1702.

J'AI appris avec beaucoup de joie votre heureuse navigation, et le duc d'Escalona m'a fait un sensible plaisir, de m'annoncer la nouvelle de votre arrivée à Naples. Un passage aussi prompt est un commencement de bonheur qui sera suivi de succès encore plus heureux; au moins je l'espère des bénédictions que Dieu répandra sur V. M., et je souhaite que ses sujets pensent de même. Je suis persuadé qu'elle se fera aimer de manière, qu'ils ne desireront ni le roi des Romains, ni l'Archiduc, et que ses peuples seront fidèles autant par inclination que par devoir. Vous devez être assuré de l'égard que j'aurai à la recommandation que vous me faites, en faveur des officiers de mes vaisseaux qui ont servi à votre

passage. Vous savez, comme roi, ce que je puis accorder aux demandes que vous me faites comme mon petit-fils. Si je consulte seulement ma tendresse pour vous, il n'y aura jamais rien que je puisse refuser à la qualité que votre naissance vous donne. J'ai permis au comte d'Etrées d'accepter la grace que vous lui voulez faire; elle m'est très-sensible: il la mérite, et par ses services et par ceux de sa maison, et j'ordonne à Marcin de vous en remercier de ma part. Je me rapporte à ce qu'il vous dira sur l'état présent des affaires, et je vous assurerai seulement de la tendre amitié que j'ai pour vous.

AU MÊME.

7 juin 1702.

LES vapeurs dont vous vous plaignez, sont seulement incommodes, mais elles ne sont point dangereuses; elles n'altèrent point le fond de votre santé. Songez-y le moins qu'il vous sera possible, et ne faites nul remède pour les guérir. Ne vous étonnez point du désordre que vous trouvez à Naples dans la conduite des affaires, ni de la froideur des Espagnols, lorsqu'il s'agit de le corriger. Ils en pro

UV. DE LOUIS XIV. TOME VI.

7

fitent depuis tant d'années, qu'on ne doit point s'attendre qu'au commencement d'un nouveau règne, ils préfèrent le bien de l'Etat à leurs intérêts particuliers. Il est de votre prudence de ne leur pas témoigner de défiance. Mais vous devez parler en maître, et décider sur les choses que vous croyez conformes à votre service. Vous avez assez d'autorité, et même présentement assez d'expérience, pour expliquer vos intentions, et qu'elles servent de loi. Elles seront encore mieux suivies, lorsque vous aurez des troupes pour votre garde: ne perdez point de temps pour la former.

AU MÊME.

J'AI reçu la lettre

Versailles, le 21 juin 1702.

que vous m'avez écrite en partant de Naples, et j'attends avec impatience la nouvelle de votre arrivée à Gênes ou à Final. Je devrois même l'avoir reçue, si votre navigation a été aussi heureuse que j'avois lieu de le croire, suivant les dernières lettres. J'apprends avec plaisir, que V. M. soit contente des troupes françaises que j'ai envoyées à Naples, et que les Napolitains se louent de leur conduite. Je souhaiterois que vous fussiez aussi

assuré de vos sujets, que vous le devez être des miens dans les lieux où ils seront employés. Mais ne vous étonnez pas du désordre que vous trouvez dans vos troupes, et du peu de confiance que vous pouvez prendre en elles. Il faut un long règne et de grands soins pour rétablir l'ordre, et pour assurer la fidélité des différens peuples éloignés et accoutumés à obéir à une maison ennemie de la vôtre. Il est essentiel pour vous de connoître à fond leurs dispositions secrètes, et il est de votre prudence de vous mettre en état de corriger le mal, avant que de faire voir que vous le connoissez. Si vous avez cru qu'il fût fort facile et fort agréable d'être roi, vous vous êtes fort trompé. Vous avez raison de compter sur les Français plus que sur toute autre nation; mais ne le témoignez pas, de manière que vous éloigniez encore les Espagnols, par la jalousie qu'ils auroient de cette préférence. Il faut beaucoup de sagesse, et vous avez besoin de bien des graces de Dieu, pour conduire des peuples de génie différent, et tous difficiles à gouverner. Il faut que la campagne soit glorieuse, pour obliger le pape à vous donner l'investiture (1). Vous avez parfaitement bien fait de ne rien dire au

(1) Du royaume de Naples..

« PreviousContinue »