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les secours que l'Empereur et le roi d'Espagne doivent donner au duc de Savoie lorsqu'il en sera temps. Le nombre des barbets et nouveaux convertis, suivant leur supputation, ira à plus de cent mille hommes, qui sera le nombre de ceux qui sont sortis de vos Etats; et tous les autres généralement qui sont restés dans le royaume, doivent prendre les armes contre Votre Majesté, dès que la trompette de vos ennemis sonnera. V. M. doit connoître par-là combien le ministre du pape lui fait entendre de chimères, puisqu'à l'heure que j'ai l'honneur de vous écrire, Sa Sainteté croit la France perdue, par le moyen de toutes les fables que le comte Cassoni lui a débitées.

Votre Majesté recevra donc dans ce paquet toutes les banderoles qui étoient dans les fruits de Ouir, avec une lettre du Gut, pour vous marquer, Sire, de quelle manière il les faut ranger. Vous verrez aussi le soin avec lequel Ouir et Cassoni les avoient accommodées, pour donner à vos ennemis le moyen de les lire sans peine. Après que le Gut eut achevé sa lettre, il me pria d'assurer Votre Majesté, que si elle veut faire tenir deux de ses galères à Civita-Vecchia, il s'oblige, à peine d'avoir le cou coupé, d'enlever Cassoni au milieu de Rome ou dans sa chambre, pourvu qu'elle le veuille, et qu'elle lui donne vingt gentilshommes et autant de gardes-marines, et promet qu'il aura plutôt fait embarquer Cassoni dans une de ces galères, et conduire à Marseille ou à Toulon, ou en tel autre endroit qu'elle voudra, qu'on ne sache dans Rome ce que ce secrétaire sera devenu: il me dit encore que s'il osoit, il vous feroit bien, Sire, l'offre que M. de Lionne vous fit autrefois, de venir à Rome poignarder don Mario, frère du pape

sang,

Alexandre vii, après l'attentat que les Corses commirent sur la personne de madame l'ambassadrice de Créqui dans son carrosse ; mais sachant que Votre Majesté abhorre le il se contente de vous offrir, au péril de sa vie, de mener en tel lieu qu'il vous plaira le comte de Cassoni, lié et garroté, pour lui faire payer, par sa détention, la folle enchère des mauvais conseils qu'il a donnés. Ouir n'a plus paru dans Rome depuis le 26. La prétendue boutique est fermée; ainsi, ou il s'est caché, ou il est parti.

N° 12.

AVIS DE L'ÉDITEUR.

Les dépenses de la guerre excédant les revenus du royaume, le roi fut obligé d'employer des moyens extraordinaires, et fit convertir en monnoie les magnifiques meubles d'argent qui ornoient ses appartemens, et dont le travail surpassoit la matière. Nous avons vérifié sur le procès-verbal original qui est aux archives du Gouvernement, que cette argenterie du roi qui fut alors fondue, se montoit à quatre-vingthuit mille trois cent vingt-deux marcs d'argent, évalués alors deux millions cinq cent cinq mille six cent trente-sept livres : ce seroit plus de quatre millions de notre monnoie, le marc d'argent étant alors à vingt-neuf livres sept sous.

Au surplus, cette foible ressource ayant été bientôt épuisée, le marquis de Louvois proposa de recourir à l'argenterie des églises. Son projet fut adopté. (Cette pièce sort des portefeuilles de M. de Grimoard.)

MÉMOIRE

Du marquis de Louvois, concernant l'argenterie des églises.

Février 1690.

VOTRE

OTRE MAJESTÉ a si bien marqué, par ce qu'elle a fait concernant l'argenterie de ses appartemens, combien elle connoît l'importance de multiplier les espèces dedans son royaume, que l'on croit inutile de lui en parler ici. On a cru lui devoir seulement faire observer, qu'il y a dans les églises une infinité d'argenterie au-delà de celle qui est nécessaire pour la décence du service divin, laquelle étant portée aux monnaies, contribueroit infiniment à la multiplication des espèces, et dont la valeur pourroit être utilement employée à l'avantage des églises dans lesquelles cette argenterie est conservée, par ceux auxquels l'administration desdites églises appartient. L'on estimeroit que cette réforme ne devroit point tomber sur les calices, patènes, soleils, ciboires, burettes, instrument à donner la paix, non plus que sur les vases dans lesquels on conserve les saintes huiles, lesquels, c'est-à-dire, tout ce qui vient d'être expliqué ci-dessus, devroient être également laissés, tant dans les églises des villes que dans celles de la campagne. Que l'on pour roit laisser dans les églises un peu considérables des villes, un bénitier d'argent ; qu'à l'égard des lampes d'argent, il n'en faudroit laisser aucune dans les églises de la campagne, à la réserve des abbayes d'hommes ou de filles

un peu considérables, aussi bien que dans les églises où l'on en conserveroit une pour chaque autel sur lequel repose le très-saint Sacrement, et des cathédrales où l'on en laisseroit trois pour le grand autel, la coutume étant d'en avoir ce nombre.

Que tous les paremens d'autels qui sont d'or et d'argent, aussi bien que les tabernacles d'argent, devroient être supprimés, aussi bien que toutes les figures des saints et saintes, à l'exception de celles de la sainte Vierge.

Que l'on ne devroit point toucher aux châsses et reliquaires.

Que l'on ne devroit pas conserver plus de quatre encensoirs d'argent dans les églises métropolitaines ou cathédrales, et un ou deux dans les collégiales, abbayes d'hommes et de filles, paroisses des villes épiscopales, ou autres grandes villes, même dans les abbayes d'hommes et de filles situées à la campagne, et que l'on n'en devroit conserver aucuns dans les paroisses des petites villes, ni dans celles de la campagne. Que l'on pourroit laisser une croix et quatre ou six chandeliers dans chaque église des villes qui ne sont point épiscopales, et cela à proportion de la considération desdites villes. Que toutes les croix, chandeliers, lampes et encensoirs d'argent devroient être supprimés dans les paroisses et églises de la campagne, à la réserve de quelques églises collégiales et de certains pélerinages, comme Notre-Dame de Liesse, Nanterre, &c. où cela doit être réglé par la prudence des archevêques et des évêques.

Que l'on doit supprimer toute l'argenterie des fabriques et confréries, tant dans les villes qu'à la campagne, inême dans les villes épiscopales, et l'on estimeroit que

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