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Fouquet mourut le 23 mars 1680, âgé de soixantecinq ans. C'est un problême historique, à la vérité peu important, que le lieu véritable de sa mort. On a écrit généralement que c'étoit à sa prison même de Pignerol, et qu'on avoit apporté à Paris son corps qui fut enterré dans l'église des Filles de la Visitation du quartier Saint-Antoine, où François Fouquet son père, conseiller au parlement, maître des requêtes et ambassadeur en Suisse, mort en 1640, avoit déjà été inhumé. Madame de Sévigné étoit sur ce point dans l'opinion commune; mais Gourville assure dans ses Mémoires, qu'avant de mourir Fouquet avoit été mis en liberté. Gourville, son ami et celui de sa famille, ne pouvoit guère se tromper sur ce fait. Voltaire nous dit d'ailleurs, que la même chose lui avoit été affirmée par madame de Vaux, belle-fille de Fouquet,

INSTRUCTION

POUR LA GARDE DE FOUQUET.

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QUANT à la forme et manière selon laquelle ledit ca pitaine Saint-Mars devra garder ledit Fouquet, sa majesté ne lui en prescrit aucune, s'en remettant entièrement sur sa prudente et sage conduite, et sur ce qu'il a vu pratiquer par le chevalier d'Artagnan, pendant tout le temps qu'il l'a gardé, tant au bois de Vincennes qu'à la Bastille; Sa Majesté recommandant seulement bien expressément audit capitaine Saint-Mars, de ne pas permettre que ledit Fouquet ait communication avec qui que ce soit, de vive voix ni par écrit, et qu'il soit visité de personne, ni qu'il sorte de son appartement pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce puisse être, pas même pour se promener.

Que si ledit Fouquet demandoit des plumes, de l'encre et du papier, l'intention de Sa Majesté n'est pas que ledit capitaine Saint-Mars lui en fasse administrer, mais bien qu'il lui fasse fournir des livres s'il en desire, observant néanmoins de ne lui en faire donner qu'un à la fois, et de prendre soigneusement garde en retirant ceux qu'il aura eus en sa disposition, s'il n'y a rien d'écrit ou de marqué dedans.

Que s'il a besoin d'habits ou de linge, ledit capitaine Saint-Mars prenne soin de lui en faire faire, et Sa Majesté pourvoira au remboursement de ce que lesdits

habits, linge et livres auront coûté, sur les avis que ledit capitaine Saint-Mars en donnera.

Que Sa Majesté ayant fait ôter audit Fouquet le médecin et le valet-de-chambre qui l'ont servi pendant son séjour au château de Vincennes et à la Bastille, et ordonné audit sieur d'Artagnan de le faire servir dans son voyage par l'un des siens, elle desire que ledit capitaine Saint-Mars lui donne un valet pour le servir, tel qu'il jugera plus propre ; lequel valet sera pareillement privé de toute communication, et n'aura non plus de liberté de sortir que ledit Fouquet, en considération de quoi Sa Majesté fera payer audit valet, outre sa nourriture, soixante-une livres de gages.

Fait à Paris le 24 décembre 1664. Signé LOUIS, et plus bas, LE TELLIER.

N° 6.

AVIS DE L'ÉDITEUR

SUR LA PIÈCE SUIVANTE.

QUOIQUE la promotion de chevaliers des ordres du

roi, faite à la fin de 1661, eût été très-nombreuse, elle laissa un grand nombre de mécontens qui n'avoient pu y être compris, et que Louis XIV jugea à propos de distinguer et de satisfaire d'une autre manière. II adopta pour lui-même, une casaque ou habit, ou comme il est spécifié dans le brevet, un justàcorps, bleu, brodé d'or et d'argent ; et personne ne pouvoit en porter un semblable sans en avoir obtenu préalablement la permission du roi, qu'il faisoit beaucoup valoir même aux princes du sang, et n'accordoit que par un brevet signé de sa main, et où il remplissoit lui-même le nom du courtisan favorisé, enfin semblable à celui du prince de Condé qu'on rapporte ici: de-là le nom des habits à brevet, qui furent, pendant quelques années, une insigne marque de faveur: elle tomba peu à peu en désuétude pendant la guerre de 1672, et il paroît qu'il n'en étoit plus question à l'époque de la paix de Nimègue, c'est-à-dire vers 1679. On lit dans les Mémoires de ce temps, que quand

le marquis de Vardes et le duc de Lauzun obtinrent de revenir à la cour, l'un en mai 1682 après son exil, et l'autre après sa prison, ils reparurent avec leur habit à brevet qui, n'étant plus d'usage depuis plusieurs années, leur attira des railleries, même de la part du roi, à qui M. de Vardes répondit: Sire, quand on est assez à plaindre pour étre éloigné de vous, non seulement on est malheureux, mais on est ridicule. La forme de la casaque ou habit à brévet fut bientôt généralement adoptée, et fit tomber le petit manteau et le costume espagnol qui étoient de mode depuis François rar.

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