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que dans les résolutions que sa majesté prendra, le trop de zèle et le desir que les choses ne finissent comme on les souhaite, ne fissent un mauvais effet, attirant de l'aigreur et une réputation de violence parmi les étrangers et point de conversion. Il faut donc présupposer que ceux de la religion concevront aisément, que toutes assemblées d'ecclésiastiques faites par ordre du roi avec eux, iront à trouver des raisons pour leur ôter leurs exercices, en faisant connoître par les conférences, qu'ils demeurent d'accord avec les catholiques de quelques articles dont ils ne convenoient pas dans le commencement de la réforme, et ainsi que ce n'est plus la religion pour laquelle le roi a donné des édits; et sa majesté voit bien, que comme ce n'est pas un concile où on pourroit revoir les articles de la foi catholique, les moins éclairés de la religion verront bien que les conférences ne vont que contre eux, et ainsi ils ne voudront point en faire, ou bien ils y appelleront des ministres de qui ils croiront que tout le salut de la religion dépend, et par conséquent qui seront les moins capables de trouver des tempéramens; et comme il est certain qu'il y a divers degrés de persuasion dans les esprits, les uns qui croient qu'il ne falloit pas se séparer, (et dans cela beaucoup de classes pour la déduction desquelles il faudroit un trop long discours); les autres, qui croient que la séparation étoit entièrement nécessaire. Je crois qu'il faut prendre garde, qu'une crainte qui seroit causée par des ordres du roi sur des conférences, ne fît un effet tout contraire aux intentions de sa majesté, qui seroit de leur donner de la méfiance et l'aigreur qu'ont ordinairement les gens qui croient que l'on veut les perdre, et le roi voit bien que quand on prend ce soupçon-là sans

sujet, on en est bien plus capable quand il y en a un bien apparent. Pour ôter donc la crainte des conférences, et ne se priver pas du profit qu'elles peuvent apporter, en éclaircissant des matières sur lesquelles je suis persuadé que beaucoup de gens de la religion conviennent avec les catholiques, dont on n'étoit pas d'accord au commencement, je crois qu'il faudroit qu'elles fussent libres, avec assurance que quand divers ministres en particulier, conviendront avec les catholiques qu'il y a des articles pour lesquels ils se sont séparés, qui ne leur feroient point de peine, que l'on n'en tirera nulle conséquence contre eux, et que le roi maintiendra les édits de la même façon. Cela fera à mon avis un trèsbon effet, parce que ne craignant point de conférer et de dire ce que l'on pense, ceux qui seroient retenus par la crainte et par l'empire de quelques-uns des principaux, s'ouvriront, et convenant de bonne foi de quelques points, ils se trouvent aussi proches de la religion catholique que de la prétendue réformée, et ainsi c'est un pas bien aisé à faire ensuite que de s'y joindre. Je crois qu'il faudroit que cela fût entièrement secret, non pas pour ce que l'on diroit dans les provinces, car cela ne se peut pas, mais ce que l'on craint, que ce fût un ordre du roi; ainsi je crois qu'il seroit seulement bon qu'il plût à sa majesté, suivant les mémoires que l'on lui en donnera, nommer dans chaque canton où il y a des personnes de la religion, une personne à qui la sagesse seroit pour le moins aussi nécessaire que la science, qui ayant les articles controversés, et avec l'explication que les habiles gens savent y donner, sache sous main les sentimens des ministres qui seront dans son canton, leur parle, avertisse le roi de la disposition qu'il y trouve,

cheminant suivant le terrein qu'il trouvera, faisant surtout le moins qu'il pourra de disputes publiques, pouvant permettre quelque chose à ceux que le changement de condition met en état de ne rien avoir: il n'y a rien qui prouve si bien combien la sagesse et la douceur sont nécessaires aux personnes qui y seront employées, qu'une conférence qu'eut le père............. avec M. Gache, ministre, en laquelle ils furent prêts de signer et de convenir du point principal; et dans la plupart des disputes, on est dans un éloignement qui ne se peut pas croire. Je dirai ceci seulement en passant, que comme beaucoup de catholiques, et principalement du peuple, ne sont pas bien instruits de la véritable créance, que beaucoup d'habiles gens croient qu'il leur sera très-bon de voir comme leurs docteurs expliquent leur créance, et la plupart de ceux de la religion, ne jugent de la créance de l'Eglise que par celle du peuple.

N°. 5.

AVIS DE L'ÉDITEUR

Sur l'article des Mémoires de Louis XIV qui concerne Fouquet, et sur la pièce suivante.

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DANS les Mémoires historiques de l'année 1661, Louis s'exprime sur le malheureux Fouquet avec beaucoup d'animosité. Dans la lettre de ce prince adressée à la reine-mère, sur son arrestation, c'est moins le ressentiment qu'on distingue, que la satisfaction qu'il a du succès de cet acte d'autorité, et l'idée qu'il se fait de sa hardiesse et de son importance. Les détails de cette affaire sont par-tout, et nous ne les répéterons point. Mais voici des recherches et des observations qui peuvent servir à mieux apprécier la conduite et les motifs de Louis XIV; ce qui est l'objet de cette Collection.

Nicolas Fouquet, surintendant des finances, arrêté à Nantes le 5 septembre 1661, fut traduit devant une commission. Son procès dura trois ans. Ses délits les plus réels consistoient en abus, sinon légitimés, du moins excusés par l'ancien désordre des finances, et sur-tout par l'exemple ou par la sanction du premier

ministre, mort six mois auparavant. Fouquet ne manqua pas de rejeter tout sur le cardinal; aussi la reine-mère qui avoit prévu cette suite du procès, sut mauvais gré à Colbert de l'éclat qu'il faisoit.

Aux trois autres griefs articulés contre lui, le surintendant ou ses amis répondoient: 1o. sur ses dépenses excessives, et particulièrement sur celles qu'il avoit faites dans sa maison de Vaux, que ces beaux ouvrages faisoient honneur à la France, et que d'ailleurs Fouquet s'étoit engagé à en faire une donation au Dauphin. 2°. A l'égard de Belle-Ile, qu'il n'en avoit fait l'acquisition que par ordre exprès du cardinal qui avoit voulu l'ôter à une maison puissante: que si depuis il l'avoit fortifié, c'est parce qu'il avoit le projet d'y fonder une ville, laquelle auroit pu, le port étant bon, attirer tout le commerce du Nord et enlever aux Hollandais de grands avantages, en quoi il eût rendu à l'Etat un service éminent; qu'enfin un même but justifioit d'autres acquisitions semblables. 3°. Quant aux charges importantes qu'il achetoit, pour les mettre sous le nom de ses amis, (opérations semblables à celle qu'il avoit voulu faire avec le comte de Bussy-Rabutin, et dont on trouve le détail dans ses Mémoires,) on justifioit Fouquet sur cet article, aussi bien que sur celui des pensions et des gratifications qu'il avoit données à un grand nombre de personnes de la cour, en disant que c'étoit comme homme d'Etat, pour le compte et pour l'avantage du roi, qu'il distribuoit ces sortes de graces, et qu'il lui attachoit ainsi les grandes familles ; et il faut avouer que tout ce qui

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