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Divico répondit que les Suisses avoient tellement été instruits de leurs ancêtres, qu'ils avoient accoutumé de recevoir et non pas de donner des otages, et que le peuple Romain en étoit témoin. Cette réponse étant faite il se retira.

CHAPITRE XI.

Les Suisses et César décampent. Il les suit durant quinze jours et sa cavalerie y reçoit quelque échec. Il presse ceux d'Autun de lui donner le blé qu'ils lui avoient promis et se fáche contre eux de leur retardement.

Le lendemain ils décampent de ce lieu là. César fait la même chose et envoie devant toute sa cavalerie jusqu'au nombre de quatre mille chevaux, qu'il avoit levés dans toute la province, dans l'Autunois et chez leurs alliés; afin de reconnoître en quel lieu les ennemis iroient (1). Lesquels ayant poursuivi trop chaudement l'arrière-garde, engagent le combat avec la cavalerie des Suisses dans un lieu désavantageux. Et peu des nôtres y demeurent.

(1) Un chef d'armée doit toujours savoir la marche des ennemis.

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Duquel combat les Suisses étant enorgueillis, à cause qu'avec cinq cents chevaux ils en avoient battu un si grand nombre, ils commencèrent à faire halte plus hardiment, et de leur arrière-garde à escarmoucher quelquefois les nôtres.

César retenoit les siens de combattre, et croyoit que c'étoit assez pour l'heure d'empêcher l'ennemi de piller et de ravager.

Ils marchèrent environ quinze jours, de sorte qu'entre l'arrière-garde des ennemis et notre avant-garde il n'y avoit pas plus de cinq ou six mille pas (1).

Cependant César demandoit tous les jours à ceux d'Autun le blé qu'ils avoient promis, car à cause du froid (d'autant que la Gaule est située sous le septentrion, comme il a été dit ci-devant), non-seulement les grains n'étoient pas encore mûrs dans les champs, mais il n'y avoit pas même assez du fourrage: et il ne se pouvoit pas servir du blé qu'il faisoit porter sur la Saône avec des bateaux , parce que les Suisses s'en étoient éloignés, lesquels il ne vouloit point abandonner.

Ceux d'Autun le remettoient de jour à autre :

(1) C'est environ une lieue et demie.

ils disoient qu'on l'amassoit, qu'on l'amenoit, qu'il seroit bientôt au camp.

Comme César vit qu'ils le faisoient trop attendre et que le jour approchoit auquel il falloit distribuer le blé aux soldats: ayant fait assembler les principaux d'entre eux, desquels il en avoit grand nombre dans son camp, et sur-tout ayant fait appeler Divitiac et Lisque qui possédoit la charge du souverain magistrat (que ceux d'Autun appellent Vergobret, lequel se crée tous les ans, et qui a puissance de vie et de mort sur ses citoyens ), il leur fait de grandes plaintes de ce que ne pouvant pas ni acheter du blé ni en recueillir de la campagne, dans une nécessité si pressante, et les ennemis étant si proches, ils ne le soulagent point vu principalement qu'il avoit en partie entrepris cette guerre à leur prière.

Il se plaint encore beaucoup plus de ce qu'ils l'abandonnent tout-à-fait.

CHAPITRE XII.

Lisque découvre à César d'où il venoit que ceux d'Autun ne l'assistoient pas comme ils lui avoient promis.

ENFIN Lisque touché du discours de César découvre ce qu'il avoit tenu caché jusque-là.

Qu'il y en avoit quelques-uns dont l'autorité pouvoit beaucoup envers le peuple et qui avoient plus de crédit en leur particulier que les magistrats même.

Que ces gens-là détournoient le menu peuple par un discours séditieux et méchant, de lui fournir du blé, en ce qu'ils disoient qu'il valoit mieux, en cas qu'eux-mêmes ne pussent point être maîtres des Gaules, obéir aux Gaulois qu'aux Romains: d'autant qu'ils ne devoient point douter que s'ils surmontoient les Suisses, ils ne leur ôtassent la liberté aussi bien qu'a tout le reste de la Gaule.

Que ces gens-là faisoient savoir aux ennemis les résolutions de nos conseils et tout ce qui se passoit dans le camp.

Qu'il ne pouvoit point les châtier.

Que même pour avoir dit à César, y étant contraint, une chose nécessaire, il voyoit bien

avec quel danger il l'avoit fait : et que pour cette raison il l'avoit tû aussi long-temps qu'il lui avoit été possible.

CHAPITRE XIII.

César prend Lisque en particulier pour l'obli

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ger à dire tout ce qu'il sait de Dumnorix.

Il s'en informe encore à d'autres, qui tous le font fort coupable. Il prie Divitiac son frère de trouver bon qu'il soit chátié. Divitiac demande son pardon à César et il l'obtint.

:

CÉSAR voyoit bien par ce discours de Lisque qu'il vouloit parler de Dumnorix frère de Divitiac mais comme il ne vouloit pas que ces choses-là fussent traitées en présence de plusieurs (1), il rompt promptement l'assemblée; il retient Lisque et l'interroge en particulier sur .ce qu'il avoit dit dans la compagnie; ce qui fait qu'il lui en parle plus librement et plus hardiment.

César s'enquiert sous main à d'autres des

(1) Les affaires importantes et qui regardent les Grands ne se doivent jamais traiter en public.

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