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fisant (1), jusqu'à ce que les soldats qu'il avoit levés fussent venus au rendez-vous, il répondit aux Ambassadeurs qu'il prendroit un jour pour délibérer, et que s'ils vouloient quelque chose, ils retourpassent vers les Ides d'Avril (2),

CHAPITRE VI.

Ordre que César tint pour empêcher les Suisses de passer, les efforts qu'ils firent pour cela, et comme enfin ils furent repoussés.

CEPENDANT avec la légion qui étoit avec lui et les soldats qui étoient venus de la province, il tire un mur de dix-neuf mille pas et de seize pieds de haut, et un fossé, depuis le lac de Genève à l'endroit qu'il tombe dans le Rhône, jusqu'au mont Jura, qui sépare le pays des Francomtois d'avec les Suisses.

Cet ouvrage étant achevé, il y met des gardes, et garnit les forts, afin que s'ils tâchoient de passer malgré lui, il les en pût empêcher plus facilement.

(1) C'est une grande prudence de ne pas répondre surle-champ en matière importante, et de prendre du temps pour délibérer.

(2) C'est environ le 15 avril.

Quand le jour qu'il avoit arrêté avec les Ambassadeurs fut venu, et qu'ils furent retournés vers lui, il leur dit que suivant la coutume et l'exemple du peuple Romain, il ne pouvoit accorder le passage à personne par la province, et il leur montre que s'ils tâchent de passer par force, il les en saura bien empêcher.

Les Suisses déchus de cette espérance, ayant essayé s'ils pourroient passer, tantôt de jour, et le plus souvent de nuit, les uns avec des bateaux joints ensemble, et plusieurs radeaux qu'ils avoient faits, les autres par les gués du Rhône, où le fleuve étoit moins profond, enfin repoussés par le moyen du retran chement, par le concours des soldats et par leurs traits, ils abandonnèrent cette entreprise.

CHAPITRE VII.

L'entremise de Dumnorix pour obtenir le seul passage qui reste aux Suisses. Ce que fait César pour empêcher leurs desseins et comme il surmonta l'obstacle qu'il trouva au passage des Alpes à son retour d'Italie. IL restoit un chemin par les Francomtois, par lequel ils ne pouvoient point aller malgré

eux à cause des détroits, et ne pouvant pas les persuader sur ce passage sans le secours de quelqu'un, ils envoient des Ambassadeurs vers Dumnorix, qui étoit d'Autun, afin de l'obtenir d'eux par son entremise.

Dumnorix pouvoit beaucoup chez les Francomtois par son crédit et par sa libéralité, et étoit ami des Suisses, parce qu'il avoit épousé la fille d'Orgetorix, qui étoit de ce pays-là. Poussé de l'ambition de régner, il aimoit les nouveautés, et vouloit avoir plusieurs pays qui lui fussent obligés par ses bienfaits.

C'est pourquoi il entreprend la chose (1), et obtient des Francomtois qu'ils laissent pas ser les Suisses par leur pays, et fait qu'ils s'entredonnent tous des otages. Les Francomtois, afin qu'ils n'empêchent point les Suisses de passer; et les Suisses afin qu'ils passent sans faire aucun outrage ni dégât.

César est averti que les Suisses ont dessein d'aller par le territoire des Francomtois et de ceux d'Autun (2) dans les confins de la Xaintonge, qui ne sont pas bien éloignés du pays des Toulousains, lequel est dans la province.

(1) Celui qui est aimé du peuple fait ce qu'il veut dans un pays.

(2) Ædui.

Il prévoyoit que si cela se faisoit, ce seroit avec un grand dommage de la province, qu'elle auroit pour voisins de ses campagnes toutes ouvertes et très-fertiles des hommes belliqueux ennemis du peuple Romain.

Pour ces causes il commit Titus Labienus son lieutenant à la garde de la fortification qu'il avoit faite. Il s'en va en Italie à grandes journées, il y lève deux légions, il en tire trois du quartier d'hiver, lesquelles hivernoient autour d'Aquilée, et il va avec ces cinq légions dans la Gaule ultérieure du côté que le chemin étoit le plus court par les Alpes.

Les peuples de la Tarantaise (1), ceux du val de Morienne (2) et ceux d'Embrun (3) y ayant occupé les éminences, tâchent d'empêcher son armée de passer. Mais ayant été repoussés par plusieurs combats, il arriva le septième jour d'Exilles (4), qui est la dernière place de province de deçà les monts, aux confins des Vocontiens (5), qui sont dans la province de de-là les monts. De là il mène son armée dans le Dauphiné, et du Dauphiné chez

(1) Centrones. (2) Garoceli.

(3) Caturiges.

(4) Ocelum.

(5) Les peuples de Die et de Vaison.

les peuples de Bresse, qui sont les premiers hors de la province au-delà du Rhône.

CHAPITRE VIII.

L'entrée des Suisses dans les Gaules. Les plaintes que. César en reçoit de plusieurs peuples qui lui demandoient secours, résolution qu'il prend sur cela.

et la

LES Suisses avoient déjà fait passer leurs troupes par les détroits et par le pays des Francomtois, et étoient arrivés aux confins de ceux d'Autun, et ravageoient leurs campagnes.

Ceux d'Autun ne pouvant pas défendre d'eux ni leurs personnes ni leurs biens, ils envoient des ambassadeurs à César demander secours; lui représentant qu'ils avoient toujours tellement mérité du peuple Romain, qu'il n'étoit point raisonnable que presqu'à la vue de notre armée leur pays fût saccagé, leurs enfans mis en esclavage et leurs villes prises.

Au même temps que ceux d'Autun, les peuples de Châlonais (1) aussi, leurs amis et leurs alliés, assurent César que leurs cam

(1) Ambarri.

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