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qu'ayant tous trois usurpé la royauté, ils pourront posséder l'empire de toute la Gaule, le moyen de ces trois peuples qui étoient très-vaillans et très-puissans.

par

CHAPITRE III.

Conjuration d'Orgetorix découverte, et sa

mort.

COMME cela fut rapporté aux Suisses avec preuve, ils contraignirent Orgetorix de se justifier en prison, selon leur coutume.

La peine du feu (1) devoit suivre sa condamnation; mais le jour de sa défense étant pris, il assembla au jugement toute sa famille jusqu'à dix mille hommes, et fit venir au même lieu tous ses partisans et ses débiteurs, desquels il avoit grand nombre, et par leur moyen il s'exempta de répondre.

Comme la ville émue de cela tâchoit à se faire justice par les armes, et comme les Magistrats faisoient venir des champs grand nombre d'hommes, Orgetorix mourut, non

(1) Le feu étoit la peine des perturbateurs du repos public.

sans soupçon qu'il se fût lui-même procuré la mort, ainsi que les Suisses pensent (1).

CHAPITRE IV.

Orgetorix étant mort, les Suisses ne continuent pas moins leur entreprise; ce qu'ils font pour cela, et les chemins par où ils pouvoient entrer dans les Gaules.

APRÈS sa mort les Suisses ne tâchent pas moins de faire ce qu'ils avoient arrêté, afin de sortir de leur pays.

Lorsqu'ils se crurent suffisamment préparés à cela, ils mettent le feu à leurs villes, jusqu'au nombre de douze, à quatre cent villages, et à tous leurs autres édifices particu liers. Ils brûlent tous leurs grains, à la réserve de ceux qu'ils devoient porter avec eux, afin que l'espérance de retourner à la maison leur étant ôtée, ils fussent plus prêts à s'exposerà toute sorte de périls.

Ils ordonnent que chacun emporte pour trois mois de farines de sa maison, et persuadent aux peuples de Bâle (2), à ceux de Tut

(1) Le séditieux meurt pour l'ordinaire d'une façon ou d'autre dès le commencement de son entreprise.

(2) Rauraci,

lingue (1), et à ceux de Brisgau (2) leurs voisins, que se servant de leur même conseil et ayant brûlé toutes leurs villes et villages, ils partent avec eux. Et ils s'associent les Boiiens, qui avoient habité de-là le Rhin, et qui étoient passés dans le pays de Bavière, et avoient attaqué Norique (3).

Il y avoit en tout deux chemins par lesquels les Suisses pouvoient sortir de leur pays; l'un par la Franchecomté étroit et difficile, entre le mont Jura et la rivière du Rhône, par lequel les chariots à grand peine eussent-ils pu passer un à un; et une montagne très-haute penchoit dessus de telle sorte, que peu de gens pouvoient empêcher le passage fort facilement; l'autre chemin étoit par notre province beaucoup plus facile et plus débarrassé, parce que le Rhône, qui coule entre les confins des Suisses et des Savoyards qui étoient depuis peu en paix avec le peuple Romain, se passe à gué en quelques endroits.

La dernière ville des Savoyards et la plus proche des confins des Suisses est Genève; le pont touche de cette ville jusqu'aux Suisses.

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Ils estimoient ou qu'ils persuaderoient aux Savoyards de les laisser passer par leur pays, d'autant qu'ils ne sembloient pas encore bien affectionnés au peuple Romain, ou qu'ils les contraindroient par force.

y

CHAPITRE V.

Les Suisses arrêtent un jour pour leur départ. César averti de cela part de Rome et vient dans les Gaules en grande diligence. Les Suisses lui envoient des Ambassadeurs. Ce qui est dit de part et d'autre.

TOUTES Choses étant prêtes pour leur départ, ils assignent un jour auquel tout le monde se doit trouver sur le bord du Rhône. Ce jour étoit vers le cinquième devant les Kalendes d'Avril (1), du temps que L. Piso et A. Gabinius étoient consuls.

Cela ayant été rapporté à César, et qu'ils tâchoient de prendre leur chemin par notre province, il se hâte de partir de la ville, et aux plus grandes journées qu'il put (2) il vint dans

(1) C'est environ le 28 mars.

(2) La promptitude dans les exécutions est tout-à-fait nécessaire à un grand capitaine.

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la Gaule ultérieure (1), et arriva près de Genève.

Il commande à toute la province le plus grand nombre de soldats qu'il put. Il y avoit en tout une légion dans la Gaule ultérieure. Il ordonne qu'on rompe le pont qui étoit près de Genève.

Lorsque les Suisses sont avertis de son arrivée, ils lui envoient pour Ambassadeurs les plus nobles du pays, de laquelle ambassade Numeius et Verodoctius tenoient le premier rang, lesquels lui devoient dire que leur dessein étoit de passer par notre province sans y faire aucun dégât, d'autant qu'ils n'avoient point d'autre chemin, et le devoient prier de leur permettre ce passage.

César se souvenant que L. Cassius Consul avoit été tué par les Suisses, son armée défaite, et qu'ils avoient fait passer ses soldats sous le joug, ne croyoit pas qu'on leur dût accorder, et ne pensoit pas que des gens mal affectionnés, la permission leur étant donnée de passer par la province, se pussent abstenir d'y faire quelque injure et dégât. Toutefois afin qu'il y pût avoir un espace de temps suf

(1) Gaule au-delà des Alpes, au regard de Rome.

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